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Elevage : quand le changement climatique dope les maladies vecotrielles

En élargissant l’aire géographique des insectes et leur cycle, la hausse des températures favorise déjà l’émergence et la diffusion de maladies vectorielles difficiles à contrôler. Éclairage.
 

© DR

La question n’est plus de savoir si la FCO (fièvre catarrhale ovine) reviendra cette année s’immiscer dans la quiétude des cheptels cantaliens, mais quand ? Dès que les températures seront suffisantes pour permettre la circulation des culicoïdes propagateurs de cette maladie vectorielle. Vétérinaire praticien sur Saint-Flour, Olivier Salat en est convaincu mais il pense que cet épisode sera moins virulent que celui de l’été et l’automne derniers avec un variant du sérotype 8 au contact duquel un certain nombre de bovins et ovins se sont immunisés. 
C’est cependant sans compter sur son cousin le sérotype 3, aux portes de l’Hexagone, sans doute plus pour longtemps, et d’une nouvelle venue dont les éleveurs se seraient bien passés : la MHE (maladie hémorragique épizootique) qui s’est rapprochée jusqu’en Corrèze avant la trêve hivernale mais dont les symptômes pourraient faire penser à ceux de la FCO ou d’autres épizooties. “On va y avoir droit cet été, aussi dès que vous voyez vos animaux avec un signe d’atteinte à la tête, une érosion du mufle, du jetage, des yeux qui coulent, de la bave, des boiteries… ça vaudra la peine d’appeler pour faire un prélèvement”, a-t-il conseillé jeudi dernier à l’assemblée générale du GDS Cantal dont la table ronde était consacrée aux conséquences sanitaires du réchauffement climatique. 

Vacciner pour “casser les vagues”

Quant à la stratégie de prévention et lutte contre la FCO, il partage la recommandation délivrée par Patricia Sagueton-Pillu, adjointe au chef de service SPAE (santé, protection animales et environnement) de la DDETSPP(1) : vacciner contre le sérotype 8, seul sérotype contre lequel un vaccin est disponible, celui contre le sérotype 3 étant attendu pour la fin d’année. “La FCO, c’est un peu comme le Covid, on va avoir des vagues environ tous les quatre ans, celle de 2019 est passée un peu inaperçue parce que la souche était peu virulente. L’objectif de la vaccination, dont les effets vont se voir à long terme, c’est de casser ces vagues”, a expliqué le vétérinaire.  Tandis que Patricia Sagueton-Pillu rappelait l’impact fort de l’épisode de 2023 avec une surmortalité de 70 % dans le Cantal en octobre et novembre (constatée grâce aux données de l’équarrissage) et encore de + 40 % en moyenne jusqu’en mars 2024. Au préalable, elle avait aussi confirmé l’absence de protection croisée : le vaccin contre le sérotype 8 ne protège pas contre le S3 ni contre la MHE pour laquelle un vaccin est aussi à l’étude.
Faut-il s’attendre avec le réchauffement climatique à voir déferler d’autres maladies vectorielles pour l’heure inconnues sous nos contrées ? David Ngwa-Mbot, vétérinaire conseil à GDS France, n’a guère laissé d’espoirs : la hausse des températures et les épisodes intenses de précipitation et donc un fort taux d’humidité constituent le terreau idéal de développement et de pullulation des vecteurs (moucherons, moustiques…). Des conditions météorologiques qui peuvent, de fait, changer l’aire de présence de nombreux animaux et vecteurs tout comme leur dynamique de population et donc les opportunités de contact avec le bétail. “Avec des températures élevées, on assiste aussi à la modification du cycle des pathogènes”, relève-t-il. C’est le cas du virus 
de la MHE qui se réplique plus rapidement à l’intérieur du moucheron quand les températures sont plus favorables. 

D’autres épizooties sous haute surveillance

D’autres maladies vectorielles sont de fait sous surveillance étroite de la part des autorités sanitaires françaises dans le cadre de la stratégie One ealth(2) et des contaminations potentielles animal/ homme. C’est le cas de la dermatose nodulaire contagieuse, jusqu’alors contenue en Afrique subsaharienne, de la fièvre de la vallée du Rift qui a tendance à se rapprocher, de la fièvre hémorragique Crimée-Congo ainsi que de toutes les encéphalites à tiques. D’autres maladies vectorielles touchant l’Homme font l’objet de toutes les vigilances car elles ont été identifiées par les experts comme ayant une forte probabilité de générer un épisode majeur de contamination d’ici 2025-2030 avec un réservoir pouvant être un animal domestique ou d’élevage : la dengue, le zika, le chikungunya… Aux éventuels sceptiques, Olivier Salat souligne qu’il y a 30 ans, quand il a débuté sa carrière, jamais il n’aurait pensé croiser la fièvre catarrhale ovine dont il ne connaissait la description que dans des livres. “La MHE, je ne savais même pas que ça existait et la besnoitiose, on la savait cantonnée au Piémont pyrénéen. Et puis on l’a vue contaminer toute la France.” 
Au passage, David Ngwa-Mbot évoque un autre effet du changement climatique : des ressources alimentaires et une eau  moins disponibles du fait des sécheresses, par exemple pour la faune sauvage, qui aura davantage propension à s’approcher des élevages, là encore avec un risque de diffusion de certains pathogènes.
Anticiper et doper l’immunité
Dans ces conditions, comment protéger son troupeau ? Réponse unanime autour de la table : par l’anticipation. Anticipation du côté des autorités sanitaires via des systèmes de détection des foyers le plus tôt possible pour déclencher des mesures de restriction des mouvements d’animaux permettant de stopper ou, à défaut, freiner la propagation de la maladie ; anticipation via la diplomatie sanitaire également. 
Anticiper, via des mesures de biosécurité sur son élevage, par la vaccination quand celle-ci est disponible, complète Delphine Giraud, responsable sanitaire au GDS Cantal, qui met en avant l’intérêt d’animaux en bonne santé et donc à l’immunité plus efficace pour faire face à de nouveaux pathogènes. “Avant on gérait 
une maladie, puis une autre, aujourd’hui on a un peu tout en même temps avec des maladies vectorielles difficilement contrôlables. Il faut donc prendre du recul, avoir une vision plus globale avec la biosécurité”, plaide-t-elle.
Cela passe également, en période de sécheresse et canicules, par des dispositions simples pour réduire le stress des bovins, notamment des vaches laitières et bovins à l’engraissement, les plus sensibles à la chaleur (dès les 22-25°C) : une eau fraîche de qualité et en quantité, des zones d’ombre dans les parcelles - “quand je vois la Planèze et les estives, je me dis que les animaux vont vraiment souffrir”, soupire Olivier Salat -, des bâtiments bien isolés et adaptés (“on ne devrait plus voir de translucides sur les stabulations !”). “Il y a des moments dans la saison où, si le bâtiment est adapté, mieux vaut garder les animaux dedans la journée”, plaide le vétérinaire, tandis que son collègue du GDS France incite “à drainer partout où il y a de l’eau, des flaques…” (pas sûr que le message satisfasse l’administration).

(1) Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations.
(2) Une seule santé.

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