Covid-19 : impact sur l'économie agricole
Dans le secteur agricole, les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus affectent principalement les horticulteurs et les pépiniéristes d'ornement, dont les principaux circuits de vente sont à l'arrêt. Pour les filières alimentaires, le grand changement réside dans le basculement de la restauration vers le domicile, ce qui incite les consommateurs à stocker davantage et bouleverse équilibres et circuits d'approvisionnement. Pour l'ensemble des productions pourvoyeuses de main d'oeuvre, le challenge va être de maintenir leur activité malgré les impératifs de garde d'enfants.
Contrairement à ce qui s'était passé en Chine à l'initiative de certaines autorités locales, la France semble réussir à lutter contre le coronavirus sans entraver significativement sa production agricole. Comme le commerce alimentaire ou les pharmacies, le commerce d'intrants agricoles (engrais, semences...) et d'agro-fournitures (machines agricoles) fait partie des activités exemptées de restrictions concernant l'accueil du public. Même après l'annonce du confinement à domicile pour 15 jours, «il est, ce matin, confirmé que les activités agricoles ne sont pas concernées par [les] restrictions d'activités» liées à l'épidémie de coronavirus, affirmait la FNSEA dans un communiqué de presse le 17 mars. Une annonce qui fait suite à un «échange avec le ministre de l'Agriculture» le matin même.
«L'arrêté du 15 mars qui listait les activités autorisées n'est pas remis en question», avance le syndicat. «Les agriculteurs et leurs salariés pourront donc poursuivre leur activité, qui ne peut être réalisée en télétravail, à condition de respecter les gestes barrières» et «les formalités administratives nécessaires à la circulation des personnes».
Dans les filières lait et viande, les perturbations affectent jusqu'ici l'aval principalement, en particulier la fermeture des établissements de restauration hors domicile annoncée le 14 mars par le Premier ministre. Une décision qui devrait chambouler environ un repas sur cinq pris par les Français ; selon une enquête Iri Gira parue en 2018, 18% des repas des Européens sont pris hors domicile.
-60% de produits laitiers en restauration collective
Interrogé par Agra Presse le 16 mars. Paul Rouche, directeur délégué de Culture viande (industriels), alerte sur la situation «très compliquée» des entreprises livrant à la restauration, qui représente selon lui «20 à 22% de l'activité» du secteur. Selon le Cniel (interprofession laitière), la baisse de consommation de produits laitiers en restauration collective avoisinerait les 60%. Malgré cela, le tarissement de ce débouché, tant pour le lait que la viande de réforme, interroge la filière qui doit faire face au pic de collecte printanier. À cette période, les outils de transformation sont habituellement saturés, et notamment les tours de séchage utilisées pour transformer le lait en surplus.
Si pour le moment la demande de la grande distribution prend le relais, «tout le monde est un peu inquiet pour traiter tous les volumes notamment avec la baisse des commandes en RHF», explique Damien Lacombe, président de la Coopération agricole laitière.
L'ornement stoppé «au top départ de la saison»
Pour autant, une filière est particulièrement touchée par ces restrictions : les plantes et fleurs d'ornement. Même si quelques établissements (supermarchés, jardineries/animaleries) restent encore ouverts au public, leur commerce est «de fait à l'arrêt», rapporte Julien Legrix, directeur de la FNPHP, la fédération nationale des horticulteurs et pépiniéristes (FNSEA), à Agra Presse le 17 mars. L'épidémie arrive au plus mauvais moment pour ces productions car, après plusieurs semaines de mauvais temps, le weekend du 14-15 mars sonnait comme le «top départ de la saison», qui s'étale traditionnellement jusqu'à la fête des mères (7 juin cette année). Et la campagne de printemps représente en moyenne «50% du chiffre d'affaires» de l'année, rapporte Julien Legrix, voire «jusqu'à 75%» pour certaines orientations techniques.
En production de fleurs, des destructions ont été débutées pour lancer de nouveaux cycles de production et se préparer à la reprise du commerce. Selon la FNPHP, la priorité de ces filières très pourvoyeuses de main-d'oeuvre (5 à 6 ETP en moyenne par entreprise) reste «de continuer à produire» et de préserver notamment les plantes de cycle long, face à d'éventuels manques de main d'oeuvre.
Bruxelles ouvre la voie à un report d'un mois des demandes d'aides Pac
Pour faire face à l'épidémie de coronavirus, la Commission européenne a décidé, le 17 mars, d'autoriser les États membres à accorder une prolongation d'un mois du délai imparti aux agriculteurs pour présenter leurs demandes de paiements directs et de certains paiements au titre du développement rural. Bruxelles en avait déjà fait de même pour l'Italie dès le 13 mars. Les agriculteurs - si toutefois les États membres le décident - vont voir la date limite du 15 mai pour déposer leurs demandes d'aides Pac repoussée au 15 juin. La Commission européenne précise qu'elle «prépare actuellement les mesures juridiques à prendre pour permettre cette dérogation aux règles actuelles». Quelques heures après cette annonce, la FNSEA a demandé dans un communiqué «au gouvernement français d'appliquer ce report». «Le confinement des conseillers de tous les organismes (FDSEA, chambres d'agriculture, centres de gestion...), ne permet pas l'accompagnement des agriculteurs dans de bonnes conditions», estime le syndicat. Pour la FNSEA, un report d'un mois «permettra de donner le temps aux conseillers de poursuivre leur mission, dans des conditions que nous espérons tous meilleures».