Ce que le stade Jean-Alric doit à l'armée et au préfet "sportophile" ?
Perché à 665 m d'altitude, le stade Jean- Alric est le stade de rugby professionnel le plus haut de France parmi ceux accueillant des matches de Pro D2 et Top 14. Son enceinte peut contenir 7 800 spectateurs.
Perché à 665 m d'altitude, le stade Jean- Alric est le stade de rugby professionnel le plus haut de France parmi ceux accueillant des matches de Pro D2 et Top 14. Son enceinte peut contenir 7 800 spectateurs.
C’est un double anniversaire que va célébrer cette saison le Stade aurillacois : les 120 du club mais aussi le centenaire de son stade Jean-Alric. Samedi 12 octobre matin, à l’occasion de la sortie de son livre (“Un regard sur les 100 ans du stade Jean-Alric”), Jean Bessière, président de l’association du Stade aurillacois, a retracé dans une conférence passionnante, richement documentée et pas moins émaillée et égayée d’anecdotes parfois croustillantes, la genèse et l’alignement de planètes qui ont prévalu à la construction de ce stade emblématique de la cité géraldienne, bien au-delà du seul cadre sportif. Avec trois éléments majeurs qu’a extraits Jean Bessière, incollable sur l’histoire, les dates et les noms : le développement du sport à la fin du XIXe et début du XXe qui se traduit à Aurillac par la création d’un
certain nombre de clubs dont le pionnier sera le Vélo montagnard en 1898 mis en selle par Félix Rigal, suivi en 1904 du Stade aurillacois dans la continuité de l’activité rugbystique des élèves du lycée Émile-Duclaux “Les Francs tireurs”, ainsi que de la Cantalienne.
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Hélitas, “préfet sportophile”
À l’époque, les rugbymen aurillacois sont nomades, des SSF, sans stade fixe, évoluant tantôt à
l’hippodrome, aux Camisières (où se massent 2 000 spectateurs sans tribune), parfois sur Marmiers. Leur premier match les oppose en 1905 à Villefranche-de-Rouergue, une opposition aller-retour dont ils sortent doublement glorieux. Le club cantalien est alors davantage tourné vers le Midi et notamment l’Aveyron et la Corrèze, que vers l’Auvergne, au point que quelques décennies plus tard, Pierre Andrieu, l’un de ses présidents, émettra le vœu de créer un comité du Haut-Midi “dont Aurillac... serait la capitale !”, rapporte Jean Bessière.
Si le stade porte le nom de Jean Alric, deuxième ligne du club abattu en 1944 par un tir SS allemand, c’est l’arrivée en 1910 du préfet Maurice Hélitas et son impulsion qui seront décisives dans l’avènement du futur équipement. Un préfet féru de sport au point que l’ancêtre du journal L’Équipe, L’Auto, le surnommera le “préfet sportophile”. Disciple des préceptes de Georges Hébert, le préfet Hélitas va convaincre les pouvoirs publics locaux, la mairie d’Aurillac et le Conseil général de la nécessité d’aménager un espace dédié à la pratique sportive sur cet immense terrain agricole appartenant à la ferme de Cueilhes, elle-même propriété de l’hôpital d’Aurillac. Le terrain est donc mis à disposition par des baux ruraux successifs, les travaux débutent et rapidement, dès 1913, cet espace sportif est inauguré, en présence d’ailleurs de Georges Hébert. Une convention signée entre la Ville d’Aurillac et l’École normale permet aux enseignants et étudiants d’utiliser cet outil.
Un stade “militaire”
La Grande guerre qui ne tarde pas à éclater et qui mobilise le 139e régiment d’infanterie installé dans les casernes du centre-ville aurait pu donner un coup d’arrêt définitif à cet essor. Les militaires du 139e RI ayant en effet contribué au développement du rugby aurillacois. Le régiment parti, il n’en faut pas moins assurer une intense activité de préparation militaire des Aurillacois et Cantaliens en vue de leur mobilisation au front. Le préfet Hélitas œuvre pour que le parc aménagé sur les hauteurs d’Aurillac soit agréé par le ministère de la Guerre comme centre de préparation militaire.
L’Armistice signé, 1919 voit le 139e RI dissous, un traumatisme pour la ville d’Aurillac, qui obtient, “en compensation”, l’installation d’un Crip, centre régional d’instruction para-militaire, relativement important. Reste à trouver un point de chute. Félix Rigal, président du Stade aurillacois, plaide alors auprès de la municipalité pour la création, sous le parc, d’un terrain de foot-rugby avec piscine et piste cyclable. La Ville obtient de Paris un financement pour la construction d’un stade militaire. Le Crip est à son tour rapidement dissous, mais comme le prévoit la convention passée entre l’armée et la Ville, les équipements restent propriété de cette dernière, notamment les premiers vestiaires, des “baraques Adrian”, des préfabriqués militaires démontables en bois.
Premier match face aux champions de France
L’inauguration officielle a lieu le 14 septembre 1924, en présence du président de la FFR, Octave Léry, la (fameuse) pelouse est étrennée par les Aurillacois qui font face au Stade toulousain déjà triple champion de France. Le stade, pour la construction duquel la municipalité joue le jeu des entreprises locales, ne comporte alors que des gradins de type méditerranéen et est surplombé d’un alignement d’épicéas implantés, comme la pelouse, par l’entreprise Farge de l’avenue de la République. C’est à l’organisation de la Fête fédérale de gymnastique sur le site que le stade doit la première couverture, certes sommaire, de sa “tribune” marathon.
La tribune d’honneur - de 600 places réparties en six rangs - est elle bâtie en 1934. Elle est inaugurée par le président de la République Albert Lebrun, accompagné du président du Sénat et de celui de l’Assemblée nationale, lors de sa venue à Aurillac pour un hommage à Paul Doumer, son prédécesseur assassiné en 1932 auquel un monument est alors consacré. La tribune marathon fait elle l’objet de deux extensions (en 1960 puis 1966) avant d’être totalement rénovée en 1976 et inaugurée lors d’un Aurillac/Agen.
Suivent dans les années 1990, l’aménagement de nouveaux vestiaires, l’installation de buvettes (la première sera tenue par un commerçant de la place d’Aurinques) et, enfin, la livraison en septembre 2014 de la nouvelle tribune d’honneur (1 896 places), puis la réfection de la tribune marathon (2016-2017), du parvis, d’un terrain synthétique d’entraînement d’un stade désormais équipement sportif communautaire.
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