Broutards : faire face aux affres d’un marché déstructuré
12 000 broutards sont sortis du Cantal en décembre dernier, le triple d’une année normale. Une activité en dents de scie particulièrement délicate pour les entreprises d’export.

Depuis l’extension de la fièvre catarrhale ovine sur le territoire français et au bassin allaitant, le marché des broutards vit au gré des circulaires réglementant les mouvements d’animaux, notamment extra-communautaires - et aussi, à l’évidence, au gré de l’humeur des clients italiens. Une activité en accordéon compliquée à gérer pour les entreprises d’exportation confrontées au printemps, puis à l’automne dernier, à un blocage total des frontières italiennes. À l’inverse, quand une “fenêtre de tir” s’ouvre, comme cela a été le cas à partir du 8 décembre, grâce à la période d’inactivité vectorielle décrétée par les autorités sanitaires transalpines, la réactivité est de mise. “C’est simple, en deux semaines et deux jours, nous avons fait partir 150 camions, soit 8 000 animaux et 10 % de l’activité annuelle de l’entreprise”, illustre Benoît Albinet, directeur commercial de Calexport. Le double des volumes enregistrés en année normale - une “normalité” qui pourrait bien devoir désormais composer avec les affres sanitaires
10 % de l’activité annuelle en 15 jours
Chez la société Parma Lacombe, même bilan : “En deux semaines, on a réalisé 11 % de notre activité globale, soit plus de 2 500 broutards”, explique Jean-Luc Lacombe qui déplore de fait des conditions de travail particulièrement contraignantes. “Pour le personnel d’abord, mais nous avons aussi été confrontés aux difficultés pour trouver des camions, à des pertes de poids importantes des animaux, trop nombreux... sans parler des conditions commerciales”. L’affluence des sorties de broutards, certes attendue, a quand même surpris par son ampleur : “Visiblement les éleveurs du sud du Massif central n’avaient peu ou pas de place pour garder les broutards et se sont empressés de les faire partir”, analyse B. Albinet, portable vissé à l’oreille, entre deux communications téléphoniques dans un italien parfait. Les chiffres diffusés la semaine dernière au Syndicat des marchands de bestiaux par le préfet attestent de cette situation inédite : 12 000 broutards seraient ainsi sortis du Cantal en décembre dernier, contre 4 000 constatés en décembre 2006 et décembre 2007. A contrario, les éleveurs de la zone centre-nord, passée en zone vaccinale contre le sérotype 1 à compter du 15 décembre, ne se sont pas précipités pour expédier leurs veaux pas encore vaccinés avant la date butoir du 31 décembre. Jusqu’en début de semaine, volumes et prix ont plutôt fait bon ménage, B. Albinet de Calexport estimant que le différentiel entre les cours les plus hauts de fin juin et ceux de fin décembre n’est que de 30 centimes d’euros au kilo pour des broutards croisés, signe d’une demande bien réelle de la part des engraisseurs italiens : “On s’est retrouvé avec un marché qui a reçu peu d’animaux au printemps et au fur et à mesure que les régions françaises basculaient en zone réglementée”, commente le directeur commercial. Les Italiens ont donc anticipé d’éventuelles nouvelles fermetures par des achats importants en fin d’année 2008, et la chute des cours du maïs a constitué un élément favorable à ces mises en place pour l’engraissement.
Incertitudes
“Les prix en fin d’année ont été sensiblement les mêmes qu’avant la fermeture du marché, soit 13,5 F / kg pour les mâles et femelles croisées et 11,5 F pour les veaux mâles salers, détaille Jean-Luc Lacombe. Depuis début janvier, les prix sont remontés avec un peu plus de 1 F de plus pour les broutards mâles.” Quant au marché des femelles en Italie, il est actuellement saturé : “L’absence de protocole avec l’Espagne nous a conduit à intensifier les ventes sur l’Italie, dont le marché est désormais encombré, analyse Jean-Luc Lacombe, précisant que la fin du délai des deux mois après le rappel vaccinal devrait de nouveau permettre d’exporter vers la péninsule ibérique. Ces achats à prix relativement élevés pourraient bien peser sur les trésoreries des engraisseurs transalpins. Benoît Albinet s’interroge d’ailleurs sur le profil que prendra le marché de la viande au second trimestre 2009. Déjà en début de semaine, l’annonce italienne d’une prolongation d’un mois (jusqu’au 31 janvier, voir ci-contre) de la possibilité d’exporter des animaux non vaccinés ou incomplètement vaccinés, se traduisait déjà selon lui par une pression à la baisse sur les prix. “Alors que c’était bien reparti, ça devient plus compliqué cette semaine, avec des prix qui retombent, regrette de son côté Xavier Bel du groupe Altitude, plus que sceptique sur les motivations scientifiques de cet assouplissement à l’origine de la baisse des cours : “ça ressemble quand même plus à de la pression commerciale”, conclut-il. Jean-Luc Lacombe se veut lui plus optimiste : “À 50 cts (de franc) près, les prix devraient rester stables”.
Plus d'infos à lire cette semaine dans L'Union du Cantal.
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