Actions viande bovine : Des blocages pour débloquer les prix de la viande bovine
Début mai, les éleveurs avaient prévenu. Sans hausse des prix de la viande bovine, ils repartiraient à la charge. Dimanche, ils ont mis leur menace à exécution.
La trêve dominicale aura été écourtée pour une centaine d’éleveurs venus d’Auvergne et du Limousin, qui ont rejoint en milieu d’après-midi, Villefranche-d’Allier, l’un des plus gros sites d’abattage du groupe Bigard. Et pour l’occasion, les éleveurs venus de l’Allier, du Cantal, du Cher, de Corrèze, de Creuse, de Haute-Loire, du Puy-de-Dôme et de Haute-Vienne du réseau FNSEA-JA avaient enfilé les tee-shirts «éleveurs de viande bovine en colère», déjà étrennés en 2010 du temps où les prix à la production n’étaient pas à la hauteur. Cinq ans plus tard, on prend les mêmes et on recommence… à la différence près, que les trésoreries des éleveurs sont probablement encore plus exsangues qu’elles ne l’étaient il y a cinq ans. D’où une colère de plus en plus difficile à contenir.
«On sent bien que certains sont prêts à craquer», se désole Frédéric Blanchonnet, responsable de la section bovine de la FNSEA 03. «Aujourd’hui, il manque entre soixante centimes et un euro pour couvrir les coûts de production», poursuit l’éleveur. A ce tarif là, chaque semaine qui passe, c’est un peu plus de trésorerie qui s’échappe des exploitations et un peu plus d’inquiétude qui grandit dans l’esprit des éleveurs.
«La situation est grave mais il y a encore de l’espoir», avance Patrick Bénézit, président de la FRSEA Massif central. Il en veut pour preuve l’ampleur de la mobilisation des éleveurs qui se relaient jour et nuit depuis dimanche pour bloquer durablement le site. «Nous nous sommes organisés. Nous sommes prêts à rester ici longtemps si nous n’obtenons pas gain de cause», explique t-il.
Les quelques camions qui ont essayé de rentrer sur le site ont eu vite faits de repartir d’où ils venaient. Côté sorties, il n’y en a aucune. «Les possibles anticipations de l’abattoir seront vite réduites à néant si on bloque ne serait-ce que jusqu’en milieu de semaine», avance Pascal Lerousseau, coordinateur du berceau des races à viande.
Bloquer pour peser
Pour les éleveurs, le blocage était la seule issue au bras de fer dans lequel s’est engagé l’aval : «Les prix très bas ne suffisent plus à la rémunération des éleveurs et ne leur permettent pas d’investir et de moderniser leurs exploitations. Cette situation résulte d’un déséquilibre du rapport de force au sein de la filière qui fait de l’éleveur la seule variable d’ajustement». Le rapport Chalmin qui a décortiqué la formation des prix dans les produits alimentaires, a ainsi démontré qu’en 2014, 250 millions d’euros sont passés de la main des éleveurs vers les abattoirs et la grande distribution.
La colère des éleveurs est d’autant plus aigüe que toutes les conditions sont pourtant réunies pour que les prix de la viande bovine française puissent décoller : «La consommation se maintient. Les prix à la consommation sont plutôt en augmentation. Les ventes de steak haché ont par exemple progressé de 5% en 2014. Les marchés à l’export n’ont jamais été aussi favorables. Le passage en risque négligeable au niveau de l’ESB, nous ouvre de nouvelles perspectives en matière d’export».
«La France, le pays où la viande est moins chère»
«Dans tous les autres pays du monde, la viande est bien valorisée. La viande française est devenue la viande la moins chère d’Europe après la Pologne». Une aberration pour les éleveurs qui ont vraiment le sentiment qu’on «saccage leur savoir-faire». En vingt ans, la captation par l’aval de la valeur du travail et du savoir-faire des éleveurs a aggravé l’écart de prix entre distribution et production. Dans le même temps, les charges d’exploitation ont fortement augmenté, creusant un peu plus ce différentiel. Une table ronde était prévue au ministère, mercredi en fin d’après-midi. Export, promotion du VBF, dispositif de contractualisation incluant les coûts de production, refonte du système des cotations…Les questions mises sur la table ne manquent pas. Il s’agit aujourd’hui d’y répondre et vite.
Sophie Chatenet