Val de Sèvre investit pour abriter ses canards à gaver
La coopérative vendéenne propose un nouveau schéma de production à ses adhérents éleveurs de mulards, pour maintenir le potentiel tout en conciliant la biosécurité, le bien-être animal et leur revenu.
La coopérative vendéenne propose un nouveau schéma de production à ses adhérents éleveurs de mulards, pour maintenir le potentiel tout en conciliant la biosécurité, le bien-être animal et leur revenu.
Pour limiter le risque de contamination influenza par l’avifaune sauvage, la filière à foie gras sait désormais que chaque année elle devra enfermer ses canards élevés en plein air, au moins du 15 novembre au 15 janvier. Mais aussi à n’importe quel moment, si les autorités le jugent nécessaire.
La coopérative vendéenne Val de Sèvre — qui produit 2,2 millions de mulards pour l’abattoir Delpeyrat de la Pommeraie sur Sèvre — ne veut pas prendre le risque de laisser le moindre animal à l’extérieur, même si la dérogation le permet jusqu’à 3 200 oiseaux par site. « Cette année, nous avons dû réduire le nombre de canetons mis en place, afin de respecter la densité de trois à cinq oiseaux logés par mètre carré pendant la période de mise sous abri », précise Olivier Brébion, le responsable de la production. En conséquence, les gavages et les abattages vont diminuer temporairement cet hiver. C’est donc pour éviter cette baisse saisonnière (prévisible) et des durées de confinement (imprévisibles) que la coopérative a décidé de lancer un vaste plan d’investissement destiné à ses 63 prégaveurs et aux futurs adhérents.
50 centimes supplémentaires par canard
« Depuis 2008, nous avons privilégié le modèle d’un bâtiment d’élevage de 750 m2 avec 7 500 canards. Notre nouveau schéma technique est un prolongement, en construisant un second bâtiment de 750 m2 à côté du précédent pour passer à cinq oiseaux logés par mètre carré. » Un bâtiment sert de poussinière de démarrage, dont l’effectif est dédoublé dans le second au-delà de cinq semaines. Celui-ci est équipé de la même manière (excepté le chauffage absent). Chacun possède ses trois parcours tournants (démarrage, croissance, finition) avec des clôtures délimitant les deux cheptels. « De cette manière, l’éleveur pourra rentrer ses canards dans la demi-heure qui suit l’appel à la mise sous abri. » Selon la disponibilité en surface d’épandage, les bâtiments peuvent atteindre deux fois 1 000 m2 pour des lots de 10 000 PAG.
Pour convaincre les investisseurs de la vingtaine de nouveaux sites recherchés, la coopérative a un argument de poids. « En plus de la rémunération, passée en 18 mois de 1,7 à 2,30 euros en moyenne par canard, nous donnerons cinquante centimes supplémentaires par canard mis en place. »
Val de Sèvre a calculé que ces 50 centimes par canard correspondent au remboursement d’un bâtiment, avec un prêt à 2 % pendant douze années. Au bout du compte, l’éleveur n’aura réellement payé qu’un bâtiment sur deux. « Moyennant un contrat d’engagement de 12 ans (au lieu de trois ans), nous pouvons aussi apporter 20 % de l’investissement sous forme d’une aide et cautionner le prêt bancaire. De plus, il est possible de prévoir une délégation de paiement. » Les cinquante centimes sont directement versés à la banque par la coopérative. Celle-ci se charge également de l’accompagnement du dossier (montage administratif, volet environnement, volet PCAE). C’est le « pack sérénité » de Val de Sèvre. Ce schéma concerne les sites à créer, "dans un délai d’environ deux ans », espère Olivier Brébion, ainsi que les adhérents ayant besoin de construire.
Une coque et des équipements conseillés
La coque et les équipements ont été validés par le service technique. Il s’agit de bâtiments de type Louisiane, isolés (4 cm en long pan et toiture), de 12 ou 13 m de large, à ventilation statique latérale avec rideaux coulissants, « pour une ventilation aussi naturelle que possible et réduire les coûts de fonctionnement. » Le type tunnel n’a pas été retenu au vu de la charge à supporter, surtout l’aliment en attente de distribution.
Deux constructeurs sont référencés : Dugué et New Tech Distri (NTD). Les structures présentent deux différences principales : les hauteurs des entrées d’air (70 cm pour Dugué et 95 cm pour NTD avec une même hauteur de long pan), ainsi que la charpente métallique, apparente et en profil C chez NTD et traditionnelle chez Dugué. Les équipements intérieurs sont composés de deux lignes d’alimentation Ska (après trois semaines : mangeoire dinde à installer) et deux lignes de pipettes Plasson à haut débit. L’alimentation se fait uniquement à l’intérieur, une fois par jour, d’où la nécessité d’une contenance par canard (260 g mini) et d’une longueur d’accès (3,5 cm/tête). Appréciés pour leur légèreté, les abreuvoirs extérieurs déplaçables sont des pipettes avec gouttière de récupération (Easy Light de SAS Labadie Développement). Le sol en béton est imposé par souci sanitaire (facilité de décontamination) et pour faciliter un éventuel curage au cours du lot d’hiver (maîtrise de l’ambiance). Le matériel de paillage ne doit pas pénétrer dans les bâtiments, d’où une ouverture sans grillage du côté de la projection de paille broyée. Le prévisionnel prévoit une consommation annuelle moyenne de 5,5 kg de paille par canard.
Premier site à Nueil-les-Aubiers
Le canard à foie gras est depuis longtemps le principal gagne-pain de la famille Boissinot, installée à Nueil-les-Aubiers dans les Deux-Sèvres. « Cela a commencé en 1991 avec nos parents qui furent parmi les premiers à se lancer dans le gavage », explique Alban, l’aîné de Romain. « Nous sommes gaveurs depuis neuf ans, avec 22 380places collectives dans une salle de 800 m2 et c’est notre principal revenu. » S’ajoutent des génisses en embouche qui occupent une trentaine d’hectares et une dizaine d’hectares de céréales. Tout récemment, les deux frères ont investi 330 000 euros pour deux bâtiments Dugué et NTD, « pour des raisons de disponibilité des constructeurs », précise Romain. Ils ont voulu monter ce site de 7 500 places pour Suzy, l’épouse de Romain, qui est désormais salariée à mi-temps de l’EARL. Sans expérience du canard, Suzy a démarré son premier lot au mois de septembre. « J’apprends sur le tas, mais je suis bien épaulée par le technicien qui passe très régulièrement », souligne l’éleveuse. La coop dispose aussi d’une permanence téléphonique pour le week-end, en cas d’urgence. « J’ai visité des tunnels et je peux dire déjà que j’apprécie énormément de pouvoir travailler en bâtiment clair et bien aéré. »