Lutte contre l'antibiorésistance : Une gamme de produits alternatifs qui se construit
Dans le cadre de la lutte contre l’antibiorésistance, le recours aux spécialités alternatives nécessite une approche plus ciblée, comme l’a expliqué la vétérinaire Anouk Dronneau; à l’occasion des Rippa.
Dans le cadre de la lutte contre l’antibiorésistance, le recours aux spécialités alternatives nécessite une approche plus ciblée, comme l’a expliqué la vétérinaire Anouk Dronneau; à l’occasion des Rippa.
Avec la lutte contre l’antibiorésistance, de nombreuses spécialités alternatives arrivent sur le marché : probiotiques, extraits végétaux, huiles essentielles, mélanges d’acides organiques… Toutefois, elles ne peuvent pas simplement se substituer aux anti-infectieux, car leur utilisation plus complexe nécessite en premier lieu de bien connaître leur composition et leur mode d’action. « L’objectif n’est pas « d’inonder » l’élevage de solutions alternatives mais de les utiliser de façon ciblée, en se reposant sur un bon diagnostic de la maladie », a souligné Anouk Dronneau, vétérinaire de Chêne Vert Conseil, à l’occasion des Rippa-Rippoc(1) en octobre 2018. « L’approche sanitaire doit être raisonnée au préalable. » Elle rappelle l’importance du bilan sanitaire. « Ce n’est pas juste une obligation administrative. Il faut le voir comme un moment privilégié - réunissant l’éleveur, le technicien et le vétérinaire - pour faire un bilan des pathologies de l’année écoulée et mettre en évidence les facteurs de risques. » À travers trois exemples, la vétérinaire a présenté la démarche d’utilisation de la « Gamme alternative » de Bio Chêne Vert, qui tient compte d’un ensemble d’éléments dont le type de pathogène impliqué, l’âge et l’espèce de la volaille.
1 En cas de suspicion d’entérites non-spécifiques, la priorité est de vérifier que le syndrome de litière humide n’est pas uniquement lié à un défaut d’environnement (fuite d’eau, hygrométrie trop élevée). La vétérinaire invite les éleveurs à davantage observer les fientes en comptabilisant celles à aspect anormal sur un échantillon de 25 fientes cæcales et 25 fientes intestinales. La décision de traiter et le choix du traitement se feront en fonction de la gravité (plus de 10-15 fientes anormales). Plusieurs exemples de programmes ont été présentés en poulet de chair : distribution en continu d’acides organiques avant la désinfection de l’eau par du DCCNa, programmes alternant pré/probiotiques et huiles essentielles pour contrôler les désordres digestifs ainsi que la pression coccidienne. En dinde, l’administration continue de spores de Bacillus jusqu’à 30-40 jours est de plus en plus courante. « Les formes sporulées sont très intéressantes en élevage car elles résistent aux traitements biocides de l’eau de boisson. Faciles à produire et à conserver, elles sont aussi moins coûteuses que les formes végétatives. »
2 Lors de colibacilloses, le seuil de mortalité à partir duquel un produit alternatif est envisagé est plus faible qu’avec un anti-infectieux. Il dépend aussi de l’âge. Par exemple : une mortalité quotidienne de 2/1 000 au lieu de 3/1 000 entre J0/J5 ; 0.5 contre 1/1 000 après 10 jours. « Des essais de complexes d’huiles essentielles dans l’eau de boisson ont déjà montré des résultats intéressants lors de septicémies au démarrage. Le dosage peut être augmenté progressivement pour contrer l’effet antiappétant parfois observé. » L’utilisation en complément d’acides organiques ou d’hyperoxydants contribuera à baisser la pression d’E. Coli dans le tube digestif. La vétérinaire a évoqué d’autres résultats d’essais sur l’effet des probiotiques et des prébiotiques distribués dans l’aliment pour prévenir la colibacillose (voir graphique). « En orientant le « réservoir » de flore digestive vers une flore saccharolytique plus abondante, il limite le développement des bactéries pathogènes. »
3 Le rôle d’orienteur de flore serait aussi bénéfique contre les infections osseuses à Enteroroccus. « Il semble que cette pathologie soit liée à une présence précoce de la bactérie dans le tube digestif. » Une distribution de probiotiques dès le démarrage a montré des résultats prometteurs, qui seront à confirmer.
Aux Rippa, une mobilisation tous azimuts contre l’antibiorésistance
La dernière édition des Rippa-Rippoc a souligné la nécessité d’aborder l’antibiorésistance de manière globale, en mobilisant tous les acteurs. Cela passe notamment par le déploiement de méthodes alternatives aux antibiotiques. La lutte contre l’antibiorésistance est en effet un défi majeur pour préserver la santé humaine mais aussi la santé animale. Contrairement aux amalgames qui peuvent être faits, « le défi de l’antibiorésistance ne signifie pas une lutte contre les antibiotiques », a rappelé Didier Cléva, en ouverture des Rippa-Rippoc. Sauvegarder l’arsenal thérapeutique passe par la réduction des usages d’antibiotiques afin de préserver leur efficacité et par la poursuite des efforts réalisés lors du plan Ecoantibio1. C’est l’affaire de tous, acteurs privés et publics, et cela nécessite la mise en œuvre de plusieurs moyens, en particulier le développement de méthodes alternatives et de la prophylaxie vaccinale. Autant de thèmes qui ont été abordés lors de ces Rencontres.
Diverses approches du « sans-antibiotique »
Selon les régions du monde, le poulet antibiotic free se déploie avec des approches différentes. Tour d’horizon lors des Rippa.
° Aux USA, les démarches sont surtout portées par des marques de restauration rapide et des groupes agroalimentaires. « Il y a un effet de surenchère et une définition du terme antibiotic free à plusieurs niveaux », observe Vincent Dedet, d’Auzalide Santé Animale. Entre ceux qui s’engagent à arrêter les antibiotiques facteurs de croissance ou les antibiotiques critiques, ceux à usage préventif ou curatif, voire aucun antibiotique ni même de cocciodiostat ionophore… il y a de quoi s’y perdre. Malgré tout, les USA, où les antibiotiques facteurs de croissance étaient encore largement utilisés ces dernières années, sont en train de basculer rapidement vers le sans-antibiotique. « Initiée par le groupe américain Perdue Farm, la production de poulets NAE (No Antibiotic Ever, sans jamais d’antibiotique) représentait déjà 40 % du poulet en 2017. » En parallèle, la FDA (Food and Drug Administration) a demandé l’abandon volontaire des antibiotiques facteurs de croissance, qui dans les faits est largement suivi.
° En Asie, les démarches sans antibiotique sont minoritaires mais bien visibles et surtout orientées vers la production biologique. « En Thaïlande, le groupe Betagro a développé une production de viande certifiée sans antibiotique (elle représente 2 à 5 % des poulets sous marque du pays) et ambitionne de l’exporter vers le Japon mais aussi l’Europe. Au Japon, un label sans antibiotiques est détenu par la filière depuis dix-huit ans. Il représente 20 % de la production », illustre le vétérinaire.
° En Europe, le poulet sans antibiotique est moins un enjeu de communication entre les marques. « La tendance est plus au « faire sans le dire » qu’au « faire et le dire ». » Le sans-antibiotique est intégré implicitement dans des signes de qualité en réponse aux attentes sociétales, de type bio et AOC, considérées comme plus économes en traitements antibiotiques. Les facteurs de croissance sont interdits depuis longtemps. « Au Danemark, qui s’est arrogé le rôle de leader de l’UE sur la démédication, les décisions du gouvernement portent avant tout sur le label bien-être plutôt que sur le sans-antibiotiques (label d’État « Bedre Dyrevelfaerd ») », indique-t-il. Les pays d’Europe du Nord ont été les premiers à annoncer des réductions d’usages, suivis dans les années 2010 avec succès par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni.