Christiane Lambert, présidente de la FNSEA
« Retrouver le goût d’entreprendre »
Christiane Lambert, présidente de la FNSEA
Pour relancer l’agriculture française, Christiane Lambert plaide pour la mise en place d’outils de sécurisation dans un contexte de plus en plus imprévisible et prône plus de dialogue avec la société.
Pour relancer l’agriculture française, Christiane Lambert plaide pour la mise en place d’outils de sécurisation dans un contexte de plus en plus imprévisible et prône plus de dialogue avec la société.

Productrice de porcs, Christiane Lambert s’est depuis longtemps engagée dans une démarche de réhabilitation de l’agriculture, au CNJA, au Forum de l’agriculture raisonnée (Farre) et dans ses engagements récents sur le bien-être animal.
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C. Gérard
Quelles sont les priorités que vous vous êtes fixées pour ce mandat ?
Christiane Lambert - « Mon leitmotiv sera la remise de l’agriculture française sur la voie de la compétitivité, après que nous ayons connu plusieurs années de décrochage sur notre marché intérieur, avec l’importation qui augmente et des revenus agricoles qui baissent. Nous souffrons aussi du manque de dispositifs nous permettant de faire face à la volatilité qui sévit en matière de débouchés, de revenus, de prix, de climat, de normes, de sécurité sanitaire… Nous voulons également sortir du dogme des prix bas qui détruit de la valeur, année après année. Ce dogme atteint ses limites, au point que les distributeurs le subissent également et que certains disent stop. Nous demanderons au nouveau président de faire évoluer la loi LME, comme cela a été entamé dans la Loi Sapin 2 (avec l’indication du coût de production dans les contrats avec les distributeurs). »
Quel genre de dispositif proposez-vous en matière de volatilité ?
C. L. - « La puissance publique a beaucoup de mal à répondre lorsque nous subissons des aléas qui font de plus en plus partie du nouveau contexte. Il faut donc créer des dispositifs pour se sécuriser nous-mêmes, comme nous l’avons fait avec le FMSE (1) pour la FCO et plus récemment l’influenza, même s’ils ne couvrent jamais l’intégralité des pertes. Nous avons échoué avec le législateur en proposant l’amélioration de la « dotation pour aléa » qui est un dispositif trop compliqué et insuffisamment adapté. Mais nous n’abandonnons pas, en présentant un outil volontaire d’épargne de précaution (non fiscalisé, non taxé et non chargé) qui permettrait aux agriculteurs de mettre de côté en année favorable pour éviter d’aller quémander lors des mauvaises. Cette approche prudentielle permettrait de gérer son exploitation dans la durée et en anticipant. »
Comment envisagez-vous vos relations avec les consommateurs ?
C. L. - « Nous constatons une profonde méconnaissance de l’agriculture qui a beaucoup agi mais trop peu dit, laissant la parole à d’autres qui se sont invités dans le débat et nous dénigrent. L’image d’une agriculture productiviste est dépassée. Je dirais plutôt qu’elle est pointilliste et plurielle. Nous devons communiquer et expliquer davantage. Quand des élus votent sur la base des émotions, l’enjeu est clairement politique.
Par ailleurs, les consommateurs sont plus demandeurs et en compréhension de ce que vivent les agriculteurs, notamment après la crise de 2015 durant laquelle ils ont constaté le décalage entre industriels du lait et producteurs. Nous voudrions construire avec eux un partenariat sous la forme d’un double pacte économique et sociétal. On peut tout produire dans nos exploitations ! À condition que le consommateur honore la commande qu’il a formulée. En résumé : 'plus vert, c’est plus cher !' On peut y parvenir par le dialogue et l’explication. C’est le bon moment pour le faire car les modes de consommation sont en pleine évolution. Il faut savoir écouter les signaux faibles pour anticiper. »
Est-ce compatible avec la compétitivité ?
C. L. - « Être compétitif n’est pas produire moins cher, c’est être rentable. La volaille le sait bien avec la segmentation qui lui apporte de la valeur, tant en France qu’à l’exportation où la demande qualitative s’élève aussi. Désormais, nous devons être capables d’exporter du poulet premium au Moyen-Orient. Je réfute l’idée d’une agriculture à deux vitesses, l’une pour le low cost et l’autre pour le premium. Nous avons déjà une agriculture à dix vitesses. Nous avons des atouts à faire valoir pour reconquérir le marché intérieur, par exemple avec des regroupements d’entreprises, ou encore avec la mention d’origine sur les produits transformés. »
(1) Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental.
« Redonner confiance aux agriculteurs »