Aller au contenu principal

Alternatives alimentaires
Nourrir le monde avec des mouches et des scarabées

Inexistant il y a dix ans, l’élevage d’insectes destinés à l’alimentation animale sera à très brève échéance réalisé en France dans des usines ultra-automatisées.

1- Des insectes vont contribuer à nourrir le Monde

 

La crainte des experts de la FAO est de manquer de protéines pour que chacun des dix milliards d’humains puisse se nourrir correctement en 2050. Parce que l’élevage y pourvoira difficilement et qu’il nécessitera beaucoup de ressources avec un impact négatif sur le réchauffement climatique. Très riches en protéines (environ 50 à 80 % de la matière sèche) et en énergie (20 à 30 % de lipides), les insectes sont considérés comme une alternative crédible. En aquaculture (75 % du marché potentiel des insectes), ils pourraient remplacer une partie du « poisson-fourrage », ce qui réduira la surpêche et laissera plus de nourriture aux poissons sauvages. D’autre part, les insectes valorisent très bien les produits végétaux gaspillés ou inconsommables par l’homme (résidus de l’agroalimentaire). De plus, leurs digestats sont recyclables en engrais organiques. Avec un impact global réduit (foncier, eau, CO2), l’entomoculture est considérée comme une figure de proue de l’économie durable.

 

2- La mouche du soldat noir et le scarabée dominent

 

Plus de 2000 espèces sont consommées en Afrique, Asie ou Amérique latine, mais seulement une trentaine est étudiée comme aliment potentiel pour l’homme et sept espèces sont autorisées par l’Union européenne en alimentation animale. En réalité, il n’y a que de la mouche du soldat noir (Hermetia illucens), et devant le ver de farine (Tenebrio molitor) qui font l’objet de projets d’élevage à grande échelle. Excepté la mouche Drosophile et les abeilles, ce sont les deux espèces parmi les mieux connues et elles sont potentiellement adaptées à un élevage. Leurs larves à fort potentiel de croissance sont nourries dans un support servant d’abri et d’aliment. Elles sont récoltées avant leur dernière mue. En revanche, les méthodes d’élevage sont peu ou pas développées. C’est ce à quoi s’attellent des start-up créées par des entrepreneurs innovateurs et non par des spécialistes des insectes.

 

3- Les start-up européennes décollent

 

C’est l’autorisation de nourrir les poissons avec des insectes, donnée par l’UE en 2017, qui a fait bondir les start-up des starting-blocks. En 2018, la Fédération européenne des entreprises d’insectes (Ipiff) estimait la production européenne à 2000 t par an avec une prévision de 200 000 t en 2020, 1,2 million de tonnes (MT) en 2025, 3 Mt en 2030 à comparer aux 4,5-5 Mt de farines de poissons produites. L’Europe compte une cinquantaine de sociétés dont une dizaine en France. Ynsect, Innovafeed et Nextalim se détachent avec des projets ambitieux. Nées après 2010, elles ont rapidement fait la preuve du concept en laboratoire, puis mis au point une production à petite échelle (quelques centaines de tonnes) et testé le marché. L’année 2020 s’annonce comme l’année de la construction d’un site industriel de plus de 10 000 t d’insectes par an pour chacune d’elles. Leur ambition ne s’arrête pas là. Toutes annoncent un déploiement en Europe et aux USA, qui pour une fois semblent à la traîne.

 

4- Des usines d’insectes sur un modèle industriel

 

Les agriculteurs pourront difficilement s’intégrer dans cette nouvelle filière. Entomo Farm l’avait imaginé chez des éleveurs de poulets du Gers (1), mais elle a jeté l’éponge fin 2018. Tous les modèles économiques reposent sur un process automatisé pour écraser les coûts. Le principe d’élevage est le suivant : les œufs récoltés après la ponte (5 % des larves conservées) sont déposés dans des bacs de culture. Ceux-ci sont munis de capteurs (température, hygrométrie…) pour suivre la croissance pendant plusieurs semaines. À Dôle, L’usine expérimentale verticale d’Ynsect manipule 76 000 boîtes sur 3 000 m2. Arrivées à maturité, les larves sont mises à mort, par le froid ou par le chaud, puis on sépare les protéines et les lipides. Le digestat est commercialisé en engrais organique. Les prix actuels proposés aux fabricants d’aliment aquacole oscillent entre 2,5 et 12 €/kg de protéines. En volailles ou en porc, le prix d’intérêt est d’environ 0,40 €/kg.

(1) Voir Réussir aviculture –édition imprimée  n° 236 de mai 2018, p 32-33.

 

Voir aussi :

- Quelle est la réglementation européenne sur les insectes d’élevage ?

- Le groupe Orvia se lance dans la génétique de la mouche soldat noir

- Le groupe Cargill étudie la valorisation alimentaire des insectes

 

Encore des challenges à relever

Pour réaliser les prévisions de croissance formulées par la Fédération européenne des entreprises d'insectes, plusieurs obstacles restent à franchir. Celui des investissements l’est déjà, avec deux milliards d’euros prévus d’ici 2025. Il faut ensuite que la réglementation européenne s’assouplisse (interdiction en porc et volaille). La qualité alimentaire et la sécurité sanitaire devront être garanties (d’où la réglementation). Enfin, le consommateur aura le dernier mot. C’est son acceptabilité et son achat qui segmenteront le marché entre la nutrition humaine, l’alimentation des animaux d’élevage (poissons majoritairement, porcs et volailles) et celle des animaux de compagnie. Des estimations font état aux Pays-Bas d’un marché potentiel de 1 % de l’aliment en poulet (70 000 t) et en porcelet (800 t) et de 10 % de la farine de poisson en Europe (80 000 t). Les start-up se préoccupent aussi de la concurrence avec les méthaniseurs sur le gisement des aliments des insectes. Enfin, il faudra vérifier si cette nouvelle filière est réellement aussi durable et vertueuse que sur le papier. L’analyse du cycle de vie ne se fera qu’une fois l’industrie en place.

 

 

Nealia fournisseur et bientôt utilisateur

Depuis 2017, le fabricant d’aliments Nealia, situé en région Grand-Est, fournit de l’aliment pour les insectes de l’usine expérimentale d’Innovafeed à Gouzeaucourt dans le Nord. C’est aussi un utilisateur potentiel d’huiles et de protéines. En collaboration avec Innovafeed et les Volailles champenoises, un essai sera réalisé en 2020 sur des poulets commerciaux label rouge. Ils seront nourris avec un aliment dont l’huile de soja (incorporée à 2,5-3 %) aura été remplacée par des graisses de larves d’Hermetia. Il s’agit de mieux connaître le produit et les réponses zootechniques. Les impacts organoleptiques et les réactions de consommateurs seront aussi abordés.

 

Les plus lus

Confirmation d'influenza aviaire dans un élevage breton

Le premier foyer d'influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) de la saison 2024-2025 est confirmé ce mardi 13 août dans un…

Huit ans après son premier poulailler dynamique produisant essentiellement du poulet, Clémence Bellanger récidive avec un statique donnant accès à une véranda.
« Je suis passée du dynamique au statique dans mon poulailler avec jardin d'hiver»
Productrice de dindes et de poulets avec un bâtiment dynamique créé en 2016, Clémence Bellanger a construit un second poulailler…
Jérôme Chasles espère amortir en cinq ans son installation de récupération d’eau de pluie qui lui aura coûté 15 000 euros.
Consommation d'eau en volailles : "Je réduis ma facture en récupérant l'eau de pluie"

Pour abreuver ses vaches à moindre coût, l’éleveur breton Jérôme Chasles a installé une citerne souple et un traitement de l’…

Graphique : Schéma du montage du système Ekorain d’OcènePrêt à brancher et à fonctionner, le container Ekorain assure toutes les étapes de la potabilisation de ...
Hygiène : Un traitement pour changer l’eau de pluie en eau de boisson pour l'élevage 

La société Ocene commercialise un module de traitement à base d’ultrafiltration, spécifiquement destiné à potabiliser l’eau de…

Nouveaux visuels, affichage, spot radios et TV, Galliance met le paquet sur la communication.
Galliance : « Notre relance en volailles Label rouge s’appuie sur un ancrage régional »
Durement impacté par la grippe aviaire, deuxième opérateur de la volaille mais troisième en Label rouge, Galliance joue la carte…
Au moins un compteur connecté équipe les poulaillers mais plus rarement un second pour surveiller les consommations de parquets séparés (mâles et femelles) et encore ...
La consommation d’eau des poulaillers déborde l’été en Auvergne Rhône-Alpes
En région Auvergne Rhône-Alpes, la saison estivale impacte fortement la consommation d’eau des élevages de poulets utilisant la…
Publicité
Titre
je m'abonne
Body
A partir de 100€/an
Liste à puce
Version numérique de la revue Réussir Volailles
2 ans d'archives numériques
Accès à l’intégralité du site
Newsletter Volailles
Newsletter COT’Hebdo Volailles (tendances et cotations de la semaine)