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Maîtriser Escherichia coli en pondeuse

Conséquences d’un déséquilibre, les colibacilloses des poules pondeuses peuvent être mises en sommeil à condition d’agir sur les causes. Revue de détail avec le vétérinaire Jean-Charles Donval.

Le vétérinaire Jean-Charles Donval passe la moitié de son temps en élevages de poules reproductrices et œufs de consommation. L’an dernier, il est intervenu 74 fois pour des infections colibacillaires, touchant tous les modes d’élevage. Il est persuadé que « les infections colibacillaires, dont le signe clinique majeur est la mortalité, sont les témoins d’un déséquilibre dans l’élevage. Présents dans tous les bâtiments d’élevage, les colibacilles entraînent de la mortalité et des signes cliniques lorsque la poule est affaiblie par un désordre très variable. On peut traiter, mais la colibacillose devient souvent chronique, faute d’avoir résolu la ou les causes déclenchantes ». Pour apporter les réponses adaptées, il faut se poser les bonnes questions. « La recette miracle qui fonctionnerait d’un site à l’autre n’existe pas. » Cela commence par l’analyse de la mortalité (combien, à quel âge, dans quelle partie du bâtiment), de l’état des poules (poids moyen et homogénéité, consommation d’eau et d’aliment, état des fientes, comportement…) puis des performances (nombre d’œufs, calibre, qualité, propreté…). « Trop souvent, on manque d’informations zootechniques. Cela devrait être mieux fait afin d’améliorer le diagnostic. »

Un programme de vaccinations à adapter

Il est nécessaire de balayer tous les facteurs de risque. Car, insiste-t-il, « les colibacilles sont des germes d’une surinfection secondaire provoquée par une cause souvent invisible ». Le déséquilibre peut résulter de la présence d’autres pathogènes, des poux rouges, des conditions d’élevage, des fientes, et même de la nutrition… La liste est longue, mais Jean-Charles Donval insiste sur trois risques très fréquents : la pression sanitaire respiratoire en lien avec l’environnement extérieur et intérieur (multi-âge par exemple), la qualité de l’eau et les poux rouges.

Plusieurs germes viraux ou bactériens « que l’on peut gérer par la vaccination adaptée au contexte de la zone » sont des éléments prédisposants : la bronchite infectieuse, le syndrome infectieux de la grosse tête (SIGT), le mycoplasme synoviae. Depuis peu, avec les nouveaux modes d’élevage des germes qui avaient presque disparu réémergent, comme la variole, des pasteurelles, le mycoplasme gallisepticum, le coryza…

La qualité de l’eau est primordiale

Concernant l’eau de boisson, « on le rabâche depuis des années, mais trop souvent sa qualité est défectueuse ». C’est une exigence qu’il faut toujours rappeler, sachant qu’un réseau long et complexe favorise la formation d’un biofilm sur une durée de présence longue. « Aujourd’hui, des outils permettent de visualiser et de mesurer, d’autres d’agir physiquement et chimiquement au vide sanitaire et en cours du lot. Il ne faut pas hésiter à investir sur la qualité de l’eau. »

Quant au pou rouge, « c’est devenu un dominant des élevages en cage et alternatifs ». Il conseille le piégeage pour voir quand la situation dérape. L’objectif est de retarder au maximum l’échéance du traitement, sachant que son effet est aléatoire…

D’autres risques propres à l’élevage ne sont pas à négliger, notamment la ventilation, la lumière et la nutrition (impact du niveau protéique élevé). Les trois quarts des cas de colibacillose aiguë sont liés un dysfonctionnement de la ventilation : sous-ventilation en hive,r et en été sur-ventilation ou excès de température. « On voit de plus en plus de problèmes en bâtiment réaménagés ou en volière, du fait d’une inadéquation entre le volume d’air et la densité de poules, d’une ventilation inadaptée, d’une trop grande longueur ou largeur (jardin d’hiver ajouté), de réglages non maîtrisés… »

Apparition de nouveaux risques sanitaires

« En zone de forte densité d’élevage, comme la Bretagne, le concept de bande unique est presque illusoire, estime Jean-Charles Donval. Et la situation risque d’empirer. » L’arrêt des cages va se traduire par la multiplication d’unités plus petites. Plus les sites seront proches, plus ils seront sanitairement dépendants. Déjà difficile, la gestion des virus respiratoires se complique dans ces zones.

Par ailleurs, la transition vers l’élevage en semi-liberté, notamment en volière, impose d’apprendre à gérer des animaux qui se déplacent. Outre l’apprentissage des oiseaux, la gestion de l’alimentation et de la lumière change. Finalement, les poules sont plus "challengées" dans les systèmes alternatifs, avec plus de mortalité qu’en cage liée aux colibacilles. Cela imposera d’investir dans la qualité des poulettes, le suivi des poids et des programmes de prévention, notamment des vaccinations, y compris contre les colibacilles. C’est déjà le cas dans certaines organisations de production et des élevages à l’historique colibacille.

Deux exemples en élevage alternatif

Les mortalités sont généralement plus élevées dans les élevages en production alternative qu’en conventionnel, en lien avec l’infection par des colibacilles.

- L’éleveur A élève 2 lots de 6 000 pondeuses en plein air. La mortalité était chronique sur un bâtiment (entre 0,2 et 0,3 % par semaine entre 20 et 35 semaines) avec une mortalité globale pouvant atteindre 15 %. Les poules mortes présentaient des lésions de colibacillose (O78K80). Le nombre de traitements antibiotique variait entre deux et cinq par lot. Deux autres germes respiratoires étaient récurrents (bronchite infectieuse de type variant 793B et Mycoplasma synoviae). Le principal risque de cet élevage bien maîtrisé était la forte densité avicole environnante. Les actions correctrices ont porté sur la concertation des épandages, sur la double vaccination E. coli des poulettes (à 6 et 13 semaines) et sur la vaccination BI et SIGT dès le transfert. La mortalité s’est réduite dès le début de ponte et aucun traitement antibiotique n’a été nécessaire contre les infections colibacillaires. La ponte et la qualité d’œuf se sont améliorées.

- L’éleveur B élève 25 000 pondeuses en volière plein air. La surmortalité est chronique durant toute la vie du lot (12 % au total). Les lésions dominantes sont de la colibacillose (non typable NT et O78K80) avec circulation d’un virus BI de type variant 793B et la présence de Mycoplasma synoviae. Quatre traitements antibiotiques sont réalisés. Les facteurs de risques sont la lumière trop intense et la ventilation statique insuffisante en été. Les poulettes ont été vaccinées à 4 et 10 semaines (vaccin vivant) et à 15 semaines (autovaccin contre NT et O78K80). Des brasseurs d’air ont été installés et l’intensité lumineuse réduite progressivement. La mortalité s’est réduite dès le début de ponte (moins de 5 % à 67 semaines d’âge). Un seul traitement antibiotique a été nécessaire à 40 semaines (sous ventilation en hiver). L’état d’emplumement s’est nettement amélioré.

Une mortalité à géométrie variable

La mortalité est la principale manifestation de la colibacillose et elle est très variable en intensité et dans la durée : de quelques unités à plus de 1 % par semaine, en forme de pic ou chronique plusieurs semaines, voire des mois. Jean-Charles Donval a défini des seuils d’alerte nécessitant l’intervention du vétérinaire : 1 pour mille par semaine (le double en mode plein air) et 1 % de mortalité atteinte à 30 semaines (2 % en plein air).

Les lésions cliniques caractéristiques sont de deux types : péricardite et péri-hépatite (« voile blanc ») ou les infections génitales (ovarite, salpingite). Dans de rares cas, il peut y avoir une mortalité brutale sans lésion.

Près de la moitié des isolements concernent le sérotype O78K80, puis O2K1 et O1K1, et un tiers sont non typables. Les souches sont différentes de celles impliquées en volaille de chair.

Les traitements antibiotiques sont nombreux (un quart des bâtiments pondeuses suivis par le vétérianire) et répétés (8 % avec plus de trois traitements). Néanmoins, les antibiotiques présentent des niveaux de sensibilité importants : 40 à 50 % avec l’oxytétracycline, 70 à 80 % avec l’amoxicilline, 80 à 100 % avec les TMP sulfamides, 100 % avec la colistine. Mais leur usage devrait fortement baisser sous la pression de la demande sociétale (réglementation et cahier des charges).

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