L’intelligence artificielle au service de la production d’œufs
Fondée par un professeur en mathématiques appliquées, See-d développe l’intelligence artificielle (IA) pour aider les organisations de production d’œufs à mieux piloter les élevages qu’elles encadrent.
Fondée par un professeur en mathématiques appliquées, See-d développe l’intelligence artificielle (IA) pour aider les organisations de production d’œufs à mieux piloter les élevages qu’elles encadrent.
L’intelligence artificielle (IA) appliquée à l’élevage n’en est qu’à ses débuts, mais Emmanuel Frénod est certain qu’elle va vite prendre son envol. Basée à Vannes (Morbihan), sa société See-d fait partie des pionniers de l’IA en élevage, avec un premier système opérationnel en production d’œufs. Depuis peu, les applications dans l’élevage du porc et la volaille de chair sont aussi explorées.
Prévoir la date de réforme des poules
« En 2019, la coopérative du Gouessant nous a sollicités pour établir une prévision économique de la date de réforme des lots de poules, explique Emmanuel Frénod. Elle est personnalisée à chaque élevage à partir des données recueillies depuis dix ans, intégrant également les élevages de poulettes. » Cette simulation n’a pas nécessité la mise en œuvre d’un recueil d’informations supplémentaires.
Comment définir l’intelligence artificielle
Emmanuel Frénod a une définition pragmatique de l’intelligence artificielle : « les outils d’IA permettent de manière simple de rendre opérante la modélisation statistique d’un système, en l’occurrence un élevage, et de simuler son pilotage. Même si on ne se sait pas parfaitement comment ce système fonctionne, l’IA apprend à partir de données historiques et évolue avec les nouvelles informations qu’elle intègre. »
Vers un pilotage assisté de l’organisation
La collaboration entre les statisticiens et informaticiens de See-d et les experts des métiers de l’œuf de la coopérative Le Gouessant (techniciens, vétérinaires, nutritionnistes…) se renforce depuis 2019.
Cet outil d’IA a été baptisé IPOQ, pour "indice de production d’œuf quotidien". « À notre demande, relate Mickaël Alexandre, responsable du service avicole du Gouessant, de nouvelles fonctionnalités ont été apportées par See-d. Elles complètent notre suivi technico-économique développé en interne (Aunéor) qui a été digitalisé. » Chaque éleveur dispose d’une tablette qui remplace le papier et actualise les données au jour le jour. « Le couplage d’Aunéor et de l’IA nous donne une meilleure réactivité, indispensable dans notre métier où tout passe par la performance, au niveau des élevages comme de l’organisation. Nous utilisons l’IA au quotidien, notamment les techniciens d’élevage. »
Les autres outils développés et personnalisés à chaque élevage sont la courbe de ponte prévisionnelle, l’alerte précoce sur le décrochage du taux de ponte, le suivi journalier des œufs par capture d’image.
L’analyse statistique de dix ans de données des couples éleveur-élevage a permis de définir sans a priori quatre groupes d’élevages, en fonction de critères « psychotechniques » décrivant leurs motivations et leurs comportements techniques. La différenciation s’est faite sur le niveau de performances et son hétérogénéité dans le temps, la capacité à revenir à la normale après une perturbation et l’anticipation de l’éleveur. « On s’est rendu compte que cette typologie n’avait rien à voir avec le classement en trois tiers, ni avec la taille des élevages, souligne Emmanuel Frénod. Nos résultats ont été corroborés par nos clients. »
Dans un métier où garder sa place passe par la performance, l’humain reste encore le maître du jeu en tant que décideur et acteur, même s’il est aussi un capteur et un transmetteur d’informations.
Les quatre applications de l’Ipoq à la coopérative Le Gouessant
Développé pour la production d’œufs, le dispositif d’intelligence artificielle de See-d réalise quatre fonctions.
La date de réforme économique d’un lot de poules est évaluée avant l’âge de 35 semaines, en se basant sur l’historique des poulettes et de l’élevage récepteur.
En plus des deux courbes du nombre d’œufs communes à toute l’organisation (minimale et maximale), Ipoq calcule une courbe « nominale » avant le transfert des poulettes dépendant de leur historique et de l’élevage, ainsi qu’une courbe "prédictive" qui correspond à la correction de la nominale par la prise en compte des données réelles des cinq dernières semaines de ponte.
Ipoq calcule une probabilité de décrochage du taux de ponte, en fonction de l’historique des poulettes et de l’élevage. Les deux niveaux d’alerte définis varient selon le « profil » de l’élevage. « Utilisée par le technicien, cette fonctionnalité permet de réagir plus vite et d’anticiper l’accompagnement », souligne Amandine Astruc. La géolocalisation visualise la répartition des alertes et d’éventuels liens (sanitaire par exemple).
Installée au-dessus du tapis de convoyage, une caméra enregistre le flux d’œufs dont le diamètre et l’aspect sont analysés par l’IA. Il en résulte une estimation du poids des œufs et de la qualité des coquilles.
Ne pas craindre l’intelligence artificielle
L’IA n’est pas l’image fantasmée des films de science-fiction dans lesquels les robots prennent souvent le pouvoir sur les humains.
Professeur en mathématiques appliquées de l’Université Bretagne Sud, Emmanuel Frénod n’a pas l’ambition de remplacer les éleveurs par des systèmes virtuels qui prendraient les décisions à leur place, en les relayant au rôle d’exécutants.
Cette équipe de spécialistes de l’intelligence artificielle (IA), considère que cette technologie est un outil d’aide à la décision qui accroît la compréhension du fonctionnement d’un système de production (un élevage, une usine…).
Selon Emmanuel Frénod, parler d’« intelligence humaine augmentée » serait plus approprié. En effet, l’IA aide les humains à mieux réagir aux aléas et à mieux anticiper. En résumé, à mieux conduire. L’acteur du système d’élevage est comme un pilote de fusée ou d’avion qui continue à prendre des décisions et à agir, tout en étant assisté par un « copilote digital ». Celui-ci capte, analyse et interprète les données, voire exécute certaines tâches automatiquement.