Le parcours peut réellement apporter une plus-value alimentaire aux volailles
L’Inrae montre qu’un parcours enrichi peut couvrir une bonne part des besoins protéiques des poulets, mais le lycée des Sicaudières illustre que la mise en œuvre pratique est délicate.
L’Inrae montre qu’un parcours enrichi peut couvrir une bonne part des besoins protéiques des poulets, mais le lycée des Sicaudières illustre que la mise en œuvre pratique est délicate.
Dans le cadre du projet Secalibio (1), la station Inrae du Magneraud, qui dispose d’un site d’élevage de poulets bio avec parcours, a étudié si les poulets pouvaient compléter leur ration protéique en consommant celles apportées par un parcours enrichi en protéines. Ils ont eu accès à trois parcours différemment implantés de bandes de légumineuses (trèfle violet, trèfle blanc, luzerne, lotier), de graminées (ray gras anglais, fétuque) et de chicorée, semées en pur ou en mélange. Le taux protéique de l’aliment avait été volontairement diminué pour les inciter à sortir et les trappes laissées ouvertes 24 h/24. Quels que soient le parcours et la saison, l’indice de consommation s’améliore de 0,08 (lot d’automne) à 0,2 point (lot de printemps) par rapport au témoin sur prairie de dix ans. L’apport en protéines des parcours enrichis s’élève en moyenne à 9 % de l’ingéré protéique total, alors que celui du témoin n’excède pas 1 %. « Il y a donc un vrai apport protéique à trouver sur un parcours, moyennant un effort de gestion, remarque Karine Germain, l’ingénieure qui dirige cette unité expérimentale. La question est de savoir si en conditions réelles d’élevage, ce sera en supplément ou à la place de l’apport protéique de l’aliment. » Les poulets montrent aussi de fortes préférences. En semis pur, fétuque et lotier sont boudés, tandis que luzerne et chicorée sont très consommées. Le trèfle blanc est préféré au violet. Mais, précise Karine Germain, « ces différences de consommations s’atténuent quand les espèces végétales sont mélangées. Dès qu’il y a de la luzerne et de la chicorée, les poulets consomment de tout. Nous conseillons d’avoir une diversité d’espèces pour pérenniser une prairie qui aura une meilleure régénération et disponibilité dans le temps. »
Une mise en œuvre plutôt délicate
L’enrichissement protéique du parcours est-il extrapolable à un élevage ? C’est ce qui a été vérifié sur l’élevage de poulet bio du lycée des Sicaudières dans les Deux Sèvres, où ont été comparés six lots sur parcours témoin et sur parcours enrichi. Un premier essai de semis de quatre bandes parallèles au bâtiment et composées de différents mélanges (légumineuses, chicorée, orge) n’a pas donné satisfaction : les poulets ont consommé une partie du semis non protégé, les bandes parallèles ont eu un effet barrière, les graminées n’ont pas été consommées… Dans un second temps, il a été décidé de semer un peu chaque année, dans le but de limiter le temps de travail, d’instaurer une rotation dans la prairie et de limiter le risque d’échec (adventices, dégradation par les poulets…). Le parcours a été partiellement implanté à l’automne avec un mélange multiespèce (mélange gazonnant pour la vigne) sous couvert de céréales (triticale-avoine-pois) afin d’empêcher la concurrence des adventices, suivi d’une fauche précoce pour laisser la prairie se développer. Cette prairie a été bien explorée et consommée par les poulets, mais cela n’a pas amélioré leurs performances. Contrairement à l’essai Inrae, l’aliment n’avait pas été appauvri en protéines et les trappes n’étaient pas ouvertes en permanence, ce qui a pu brider la consommation de végétaux. Cette prairie a aussi produit de la biomasse supplémentaire pour des moutons, qui a été enrubannée (2 à 4 t de matière sèche pour 1,5 ha) ou consommée sur pied (2 à 3 t de MS).
Inciter les poulets et entretenir le parcours
Cette étude montre qu’inciter les poulets à consommer plus de végétaux protéiques est possible, mais que cela nécessite d’abord de les attirer avec des aménagements interconnectés. L’implantation de variétés protéiques s’avère intéressante. En revanche, elle implique une bonne préparation du sol, une date de semis à haute densité compatible avec l’âge des volailles, l’utilisation de mélanges de ferme peu coûteux avec des espèces appétentes (luzerne, chicorée, fenugrec…). Il faut aussi de l’entretien (protection du semis, fauche, broyage des adventices) pour optimiser la quantité et la qualité de la biomasse consommable. En résumé, pour qu’un parcours soit productif, il faut le raisonner globalement (aménagements arborés et prairie) et s’en occuper.
Le saviez-vous ?
. un poulet consomme spontanément 0,2 à 15 g de matière sèche par jour sur le parcours, jusqu’à 10 % de sa ration journalière en conditions optimales (trappes ouvertes 24h/24, sol non nu, parcours exploré) et selon les individus (comportement explorateur ou casanier) ;
. les oiseaux consomment plus à l’aube et au crépuscule qu’en journée, mais l’écart s’atténue sur un parcours protégé ;
. les poulets explorent davantage et restent plus longtemps dehors avec un aliment moins protéique (matière azotée totale réduite de 2 %). L’indice de consommation se dégrade, mais le coût alimentaire diminue.