Le consommateur européen d’œufs a l’embarras du choix
En Europe, les systèmes alternatifs sont en fort développement en poule pondeuse, conduisant à une offre d’œufs diversifiée. Selon ses priorités, le consommateur peut arbitrer entre prix, bien-être animal et environnement.
En Europe, les systèmes alternatifs sont en fort développement en poule pondeuse, conduisant à une offre d’œufs diversifiée. Selon ses priorités, le consommateur peut arbitrer entre prix, bien-être animal et environnement.
« En dix ans, les préoccupations de bien-être animal ont fait profondément évoluer l’élevage des poules pondeuses en Europe », a constaté Peter Van Horne, économiste néerlandais de l’Université de Wageningue, lors de son intervention à la journée technique du groupe Grimaud. En 2010, 65 % des pondeuses de l’UE étaient élevées en cage conventionnelle (à 550 cm2 par poule) ou enrichie, 21 % au sol ou en volière, 11 % en intérieur avec parcours et 3 % en bio. Cinq ans plus tard, la cage conventionnelle a disparu et les élevages en intérieur (code 2), avec parcours (code 1) et bio (code 0) représentent respectivement 26 %, 14 % et 4 %. Mais la situation est contrastée selon les pays. Plus de 80 % des poules sont encore en cage au Portugal, en Espagne, en Slovaquie, en Hongrie. La cage reste majoritaire en Pologne, France, Finlande et Irlande. À l’opposé, en Suisse et en Autriche, toutes les poules ou presque sont au sol ou en volière, avec ou sans parcours. Entre les extrêmes, l’Allemagne, la Suède et les Pays-Bas ont en moyenne 10 % de poules en cage. Au Danemark, les trois systèmes sont également représentés ; enfin le Royaume-Uni se partage pour moitié entre cage et parcours. Ces évolutions sont poussées par la grande distribution. L’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas ne vendent plus d’œufs de cage. Il n’y en aura plus en 2020 au Danemark, en 2025 au Royaume-Uni et en Italie et entre 2020 et 2025 en France. « Les distributeurs ne veulent plus vendre d’œufs de cage. » La Pologne et l’Espagne restent incertaines. Hors de l’Europe, la cage reste largement dominante, avec toutefois près de 50 % d’œufs alternatifs en Australie, 30 % en Colombie. « Aux USA, il ne se vendra plus d’œufs de cage en 2025 », indique l’économiste.
La part des œufs blancs augmente
Un autre changement observé ces dernières années est l’augmentation de la part des œufs blancs. Traditionnellement, la couleur varie selon le pays, les préférences culturelles des consommateurs, le mode d’élevage. En Suède, au Danemark, en Suisse, les œufs blancs dominent alors qu’en France, Espagne, Italie, Autriche, Pologne, ce sont les bruns. « Mais depuis dix ans, la part d’œufs blancs augmente partout, pour des raisons économiques, d’environnement et de bien-être animal », atteste Peter Van Horne. Aux Pays-Bas, en volière, la comparaison entre souches rousses et blanches montre un surcoût de production de 8 % pour les œufs bruns. Les souches blanches sont par ailleurs plus faciles à élever sans épointage. Enfin, parce que les souches blanches sont plus efficientes pour l’alimentation, leur empreinte carbone est moins élevée. Aux Pays-Bas, la part de marché des œufs blancs est passée de 40 % en 2010 à 65 % en 2017. Et même si l’œuf brun garde une image traditionnelle, l’offre d’œufs blancs est en forte augmentation en magasin, parfois en mélange avec des œufs bruns (Aldi).
Une offre qui se sous-segmente de plus en plus
En système alternatif, les coûts de production sont supérieurs « Par rapport à la cage de 550 cm², le coût augmente de 6-8 % en cage enrichie, de 20-25 % en sol et volière, de 40-45 % en élevage avec parcours et de 140-160 % en bio », estime Peter Van Horne. Un bonus de prix est accordé par les distributeurs pour l’œuf alternatif, « mais sur la période 2013-2016, pour l’œuf brun aux Pays-Bas, ce bonus n’a été en moyenne que de 0,12 €/kg d’œufs et parfois proche de zéro. » Sachant que le prix de base variait de 0,6 à 1 euro/kg. Selon des études (1), l’empreinte carbone des systèmes alternatifs – un peu inférieure à 2 kg CO2 par kg d’œuf - est également supérieure de 12 à 18 % pour le code 2 et de 13 à 16 % pour le parcours, du fait surtout d’une moindre conversion alimentaire et de l’impact plus élevé de la production et du transport des aliments. Néanmoins, les labels bien-être animal se multiplient en Europe. L’offre devient très diversifiée avec des labels à plusieurs niveaux, le conditionnement par 3, 6, 10 ou 20, en carton ou en plastique, des critères qualitatifs d’alimentation (non OGM, oméga 3…), des œufs bruns ou blancs… « Il faut laisser au consommateur la décision de choisir selon ses priorités en matière de prix, bien-être animal, environnement et sécurité alimentaire », conclut Peter Van Horne. Ce qui suppose qu’il puisse avoir réellement ce choix sur ses lieux d’achat.
Novogen accompagne le changement vers l’alternatif
Thierry Burlot, directeur recherche et développement du sélectionneur Novogen, filiale du groupe Grimaud, expose en quoi la sélection a dû évoluer pour adapter les poules aux nouveaux modes d’élevage. « Comme il faut 3 à 5 ans pour qu’un changement génétique se concrétise sur le terrain, nous avons anticipé et intégré l’adaptation de la sélection aux systèmes alternatifs depuis 2009. Nous travaillons la longévité et la persistance pour augmenter le nombre d’œufs après 60 semaines. Nous cherchons à augmenter le poids d’œuf en début de ponte et à le limiter à la fin. Nous travaillons aussi pour que la coloration de la coquille, sa solidité, la qualité interne et l’uniformité restent correctes jusqu’au bout. Concernant le comportement, des poules sont évaluées en cage collective entre 17 et 60 semaines, sans épointage, car nous prévoyons que cela sera interdit. La cage collective permet notamment une sélection familiale sur le picage. Depuis 2015, nous sélectionnons avec des poules évoluant en grand groupe tout en ayant des données individuelles grâce à un identifiant spécifique (puce RFID). De nouveaux critères sont pris en compte (taux de ponte au nid, heure de ponte, temps passé au nid, intervalle entre deux œufs, comportement). Il faut sélectionner des oiseaux à la fois calmes mais actifs, ne restant pas trop longtemps au nid et sachant rechercher un nid non occupé plutôt que pondre au sol. D’autres critères sont recherchés : la tenue de l’emplumement, l’adaptation à tout type d’aliment, la résistance globale, le moindre besoin de stimulation lumineuse. La génomique est aussi devenue un outil important, qui permet une évaluation dès le plus jeune âge et donc accélère la sélection. »