Consommation d'eau en volailles : "Je réduis ma facture en récupérant l'eau de pluie"
Pour abreuver ses vaches à moindre coût, l’éleveur breton Jérôme Chasles a installé une citerne souple et un traitement de l’eau de pluie. Un dispositif transférable en élevage avicole, au moins pour le lavage des poulaillers.
Pour abreuver ses vaches à moindre coût, l’éleveur breton Jérôme Chasles a installé une citerne souple et un traitement de l’eau de pluie. Un dispositif transférable en élevage avicole, au moins pour le lavage des poulaillers.
Depuis janvier 2024, à la place de l’eau du réseau, Jérôme Chasles utilise l’eau de pluie de ses 2 100 m² de toiture en bac acier pour abreuver ses 80 vaches laitières. « J’ai posé des gouttières et installé une citerne souple de 250 m3".
"Après avoir été débarrassée des particules grossières, l’eau coule dans la poche par gravité. Elle est reprise par la pompe que j’avais pour mon puits. Pour la rendre potable, la société Aquadis m’a installé une pompe à chlore et une désinfection aux UV. »
Pour l’installateur Philippe Allioux, « c’est le minimum à faire. Pour abreuver, il serait souhaitable d’ajouter une filtration au charbon actif et une minéralisation. Jérôme va devoir surveiller les apports en minéraux de ses animaux. Une cuve en béton aurait eu l’avantage de reminéraliser l’eau et de faire remonter le pH. » Pour l’éleveur, ce n’est pas un souci car il supplémente déjà en calcium. Depuis l’arrêt de l’eau du réseau, il n’a pas constaté d’impact négatif sur la production laitière.
Retour sur cinq ans au maximum
Faute de compteur de consommation, l’éleveur avait estimé à 2 500 m3 par an les besoins pour l’abreuvement et les nettoyages (robot, tank à lait). Avec environ 900 mm de pluviométrie annuelle, « j’ai tablé sur 1 200 m3 récupérés et j’ai surdimensionné la poche, la chambre d’agriculture ayant estimé mon besoin de stockage à 150-200 m3. Je voulais une bonne marge de sécurité ».
Compte tenu d’un premier semestre pluvieux, le volume récupéré est très au-dessus des prévisions. Depuis le démarrage en janvier, l’élevage a consommé 1 000 m3 en cinq mois, sans recourir au réseau. Avec la subvention de 40 % qu’il attend et une prévision d’économie de 50 %, Jérôme a estimé amortir son investissement de 25 000 euros (hors aides) en cinq ans. À ce rythme, ce pourrait être bien moins.
Le saviez-vous ?
Dans la cadre de son programme Agri-Invest, la région Bretagne soutient les économies d’eau via son dispositif « Investissements résilients eau », qui comprend un volet « Pratiques de désherbage mécanique » et un volet « Récupération d’eaux de pluie ». En récupération, le plafond des investissements éligibles est de 60 000 euros, au taux d’aide de 40 %, pour 6 000 euros d’investissement minimum. Dix-neuf dossiers récupération ont été déposés et l’appel à projets sera clos le 31 août. L’appel suivant devrait démarrer fin 2024.
Quatre avis d'utilisateurs et de spécialistes du matériel de traitement et de lavage
« Un investissement élevé pour laver »
Philippe Allioux - Aquadis (spécialiste traitement de l'eau)
« Le recyclage des eaux pluviales a du mal à percer en Bretagne, car la très grande majorité des éleveurs utilise une eau très bon marché (puits ou forage). La récupération des eaux de pluie nécessite un investissement relativement élevé pour ne fournir qu’une partie des besoins, pour le lavage uniquement. Et même pour du lavage, il faut a minima filtrer avant et après le stockage et traiter au chlore et aux UV. »
« Oui pour le lavage, mais non pour l’abreuvement »
Louis-Marie Pasquier- éleveur
Aviculteur dans les Deux-Sèvres, Louis Marie Pasquier a installé une réserve d’eau de pluie de 240 m3 il y a six ans, lors de la construction de deux poulaillers supplémentaires de 1 800 m².
« Les services vétérinaires m’ont demandé de récupérer toutes les eaux de pluie. J’avais aussi besoin de 120 m3 d’eau en réserve d’incendie. J’ai doublé sa capacité pour laver aussi les bâtiments sans entamer dans les 120 m3. Comme j’ai un forage qui n’est jamais en manque, je n’ai pas prévu d’abreuver les volailles, d’où l’absence de traitement. Le dispositif est très simple : l’eau des 5 000 m² de toiture et celle tombée sur les abords bitumés transitent par un regard. Une pompe maintient la citerne souple au niveau maximum et le surplus est évacué. Même avec trois laveurs travaillant à fort débit, j’ai toujours assez d’eau. Moyennant une filtration et un traitement adéquats, ce système pourrait servir d’abreuvement. C’est techniquement envisageable. Mais pour abreuver uniquement avec cette eau, il me faudrait beaucoup plus de stockage. »
« J’investis pour stocker de l’eau de lavage »
Gwénael Ollivier - éleveur
Installé près de Redon (35), Gwénael Ollivier va réaliser un équipement de stockage d’eau de pluie qui servira à laver son canardier de 1 000 m².
« Avec 6 m3 utilisés par heure, les laveurs professionnels ont de gros besoins, mais mon forage ne peut pas fournir autant. Jusqu’à présent, je suis obligé de stocker dans plusieurs tonnes et d’utiliser la cuve de 10 m3 de mes vaches. Après lavage, je suis toujours ennuyé par le rétablissement de l’eau dans le circuit des vaches. Je vais remplacer tout cela par une poche de 180 m3 qui se remplira pendant le lot et sera reprise par une pompe. J’ai prévu d’investir 15 000 euros, hors subvention de 40 %. Je n’ai pas prévu de traitement, n’ayant pas l’intention de m’en servir pour abreuver. Du moins pour l’instant. En fin de lot, mes canards consomment 8 m3 par jour. »
« C’est compliqué d’économiser de l’eau au lavage »
Olivier Léon - Hydroclean (nettoyeurs à haute pression)
« En matière de lavage, il y a des fondamentaux incontournables qui impactent le choix du matériel. Ce n’est pas la pression qui lave, mais le débit d’eau. En pratique, une pression de 150 bars est suffisante, car plus elle est forte, plus elle risque d’abîmer (isolant, néons…). Je préconise d’utiliser un nettoyeur avec au minimum 20 litres de débit par minute (l/min) ou 26 l/min, voire 30 l/min. Plus on a de débit, plus on pousse la poussière et le fumier, et plus on va vite. Avec 15 l/min, il faut compenser par la pression pour décoller les poussières et fientes. Je vois trois solutions pour économiser de l’eau. L’application d’un détergent favorise le décapage en appliquant le bon dosage, notamment avec notre chariot à mousse « 3 en 1 ». Laver à l’eau chaude peut également être une solution, mais ce nettoyeur demande plus d’entretien. Et avec ce matériel, on est plutôt sur un couple 20 l/min-200 bars. Un bon détrempage peut aussi faciliter le lavage. Si les éleveurs équipés de la brumisation ont un peu de temps, ils peuvent actionner la brume pour saturer le bâtiment en hygrométrie. »