Impacts de la grippe aviaire : « Les indemnisations sont insuffisantes en pondeuse »
Producteur vendéen d’œufs et éleveur de volailles en circuit long, Jean-Louis Limousin déplore des indemnisations loin de couvrir les pertes en pondeuse, ainsi qu’un manque d’informations économiques dur à supporter.
Producteur vendéen d’œufs et éleveur de volailles en circuit long, Jean-Louis Limousin déplore des indemnisations loin de couvrir les pertes en pondeuse, ainsi qu’un manque d’informations économiques dur à supporter.
« J’ai 57 ans et 35 ans de pratique en élevage de volaille (gavage, œuf, chair). Je suis à côté de Saint-Fulgent – carrefour avicole en Vendée – avec deux sites, l’un en poules bio (20 000 places en deux bâtiments) et l’autre en poulet-dinde (deux fois 1 000 m²).
J’ai été foyer sur les deux élevages la première semaine de mars 2022. Toutes les volailles sont mortes… Ça n’a pas été facile à vivre, même si je m’y attendais quand le virus est arrivé en Vendée. »
Une VMO sous-évaluée en œuf
« Le processus des indemnisations sanitaires s’est enclenché rapidement avec 75 % de la Valeur marchande objective (calculée par production et selon l’âge des animaux)versée en mai, mais l’attente a été longue pour obtenir l’annonce du solde. Cela s’est bien passé pour l’atelier chair.
En revanche, la VMO des poules bio pose problème. J’ai touché 114 400 euros d’acompte, puis on m’a proposé 856,79 euros pour les 25 % restant ! Ça a été la douche froide. Cette VMO finale était plus de 2 euros en dessous de la VMO initiale, tirée du barème salmonelle.
C’était une perte de 77 500 euros sur les 194 000 euros de dettes court terme quand les poules sont mortes. J’ai refusé la proposition et demandé un expert. Il a chiffré le reste dû à 46 000 euros, y compris l’aliment et les œufs détruits.
J’ai déposé un recours gracieux auprès de l’État que j’ai annulé, car le 12 avril, j’ai appris que l’administration avait enfin donné raison à l’expert. Mais je ne sais pas quand la somme sera versée. »
Ni montant, ni date annoncée
« En chair, j’ai redémarré en août et j’ai été rebloqué de mi-décembre à mi-avril dernier car je suis repassé en zone réglementée (ZR) le 17 octobre avec la deuxième vague. En œuf, j’ai pu repartir en décembre et en janvier grâce à des poulettes issues de la ZR.
L’administration sanitaire locale nous a bien accompagnés en s’adaptant aux directives du ministère, qui sont très discutables. Sinon j’aurais dû attendre, encore et encore ! Avant, j’ai eu cinq reports de livraison.
Pour les indemnisations économiques, j’ai touché 20 000 euros d’acompte début octobre pour chaque site. En chair, le solde est arrivé mi-mars 2023 et correspond au prévisionnel (9954 euros). Au 12 avril, je n’avais toujours pas reçu le solde de la première vague pour la production des œufs. Il reste à indemniser le deuxième vide en chair et la fin du premier vide en œufs (du 17 octobre jusqu’aux mises en place). Pour l’instant, je ne sais ni quand ni combien je serai indemnisé. »
Geler ses dettes au maximum
« N’ayant pas d’autre ressource que la volaille et l’œuf, il m’a fallu geler les remboursements d’emprunts et les dettes court terme. En accord avec la banque, j’ai stoppé le remboursement du capital jusqu’au 1er janvier 2023 (environ 9 000 euros par mois).
Les deux coopératives avec lesquelles je travaille n’ont pas exigé toutes les sommes. Une coopérative est là pour aider ses adhérents, pas pour remplacer la banque. Malgré cela, je ne peux pas payer les poulettes car j’ai encore 55 000 euros de dettes court terme et 18 000 euros à la coopérative. Celle-ci récupère la facture d’aliment sur la reprise des œufs. Pour vivre au quotidien, j’ai eu les avances d’octobre et les deux lots réalisés d’août à décembre.
L’administration locale nous a bien accompagnés dans la gestion sanitaire.
Mon principal reproche va à l’État qui nous a laissés dans l’expectative et l’incertitude la plus totale. Est-il normal de laisser des éleveurs vides plus d’un an, sans aides financières conséquentes ? À l’avenir, il faudra vraiment que les versements des indemnisations soient plus rapides. C’est à l’État de prendre ses responsabilités et d’accélérer les procédures.
Malgré tout, je crois encore à un avenir pour les productions avicoles. Dans ce contexte sanitaire la vaccination me paraît incontournable, même si ce n’est pas la panacée. »