Le sélectionneur Hendrix Genetics fait part de son retour d’expérience sur la maîtrise du picage en poussinière de dindes repros, avec des solutions transposables en chair telles que l’enrichissement et la gestion des animaux agressés.
Fabien Le Bihan, éleveur à Guiclan, Julie Ménis et Hugo Paysan, d’Hendrix Genetics : « Il ne faut jamais laisser une dinde piquée au milieu du bâtiment, le risque étant que d’autres congénères ne la piquent par effet de mimétisme. »
Dans une démarche d’amélioration du bien-être animal, l’entreprise Hendrix Genetics travaille depuis quinze ans sur les solutions visant à mieux maîtriser l’agressivité et limiter le risque de picage dans ses élevages de dindes repro Hybrid Turkeys. Pour ces animaux à haute valeur ajoutée, l’enjeu est aussi économique, du fait de l’incidence sur la viabilité et sur le nombre de futurs reproducteurs passant en bâtiment de ponte. L’accompagnement des éleveurs autour de la gestion du picage s’est fait dans le temps et par étapes progressives. La première, constituant le socle de base, a porté sur l’optimisation du confort des volailles (ventilation, litière, dispositifs d’alimentation, lumière…).
Trois étapes clés ont ensuite été franchies avec la mise en place d’une infirmerie, l’aménagement de zones de refuges et enfin la mise à disposition de divers enrichissements, testés dans les fermes internes. « En travaillant sur l’ensemble de ces points, on a gagné en moyenne 1 % de viabilité en phase de poussinières », chiffre Hugo Paysan, d’Hybrid Turkeys. « Les essais en cours portent désormais sur le levier nutritionnel (voir ci-contre), un axe de travail qui avait jusqu’à présent été peu exploité et grâce auquel on espère un gain supplémentaire de viabilité d’1 % », vise le nutritionniste.
Isoler les volailles agressées
L’origine du picage étant multifactorielle, l’entreprise propose aux éleveurs une combinaison de solutions, adaptée au contexte de chaque élevage. Certaines préconisations ont toutefois été généralisées, telles que l’isolement dans une infirmerie dès les premiers signes de picage. « C’est celle qui nous a fait le plus progresser en viabilité. Plus la volaille atteinte est isolée tôt, plus elle a de chances de se rétablir. » « Il ne faut jamais laisser une dinde piquée au milieu du bâtiment, le risque étant que d’autres congénères la piquent par effet de mimétisme », confirme Fabien Le Bihan, éleveur et multiplicateur à Guiclan dans le Finistère.
Créer des zones de refuges permet par ailleurs aux volailles dominées de s’isoler : par exemple en se mettant à l’abri sous une palette, posée en biais contre la cloison, comme le pratique l’éleveur. « Cela fonctionne très bien dans la salle des mâles », observe-t-il. « Les femelles se cachent plutôt sous la table de vaccination au centre de la salle. »
Renouveler régulièrement les enrichissements
Comme dispositif d’enrichissement, Fabien Le Bihan a recours en routine à des ficelles et des bidons suspendus. « La ficelle est le « jouet » le plus simple et le plus efficace pour occuper les dindes », souligne Julie Ménis, technicienne d’Hybrid Turkeys. « Elle doit être positionnée assez haut (au-dessus de la tête) pour éviter tout risque d’ingestion. » Les dindes se lassant très vite, elle conseille de renouveler régulièrement le type d’enrichissement, par exemple en marquant les bidons d’une couleur différente toutes les trois semaines ou en les remplissant de grains (bruit attractif).
L’utilisation de balles de pétanques en plastique fonctionne aussi très bien sur les jeunes volailles.
Agir dès les premiers signes de picage
En élevage de dinde repro, les périodes à risque de picage se situent principalement vers 4-5 semaines d’âge (lié à l’accumulation de fines d’aliment) puis entre 8 à 12 semaines (périodes de transitions alimentaires et de vaccinations). L’éleveur est particulièrement attentif à certains indicateurs précoces, comme l’absence de plumes sur la litière. Les dindes perdent naturellement des plumes. Leur ingestion peut être un signe d’une carence ou d’un stress.
En cas d’augmentation du picage, il suspend des balles de luzerne. « Elles occupent la volaille qui la consomme tout en apportant une sensation de satiété qui contribue à calmer », ajoute Hugo Paysan. Il conseille aussi de réserver l’utilisation de blocs à piquer au moment de l’observation des premiers signes de picage pour détourner l’attention des volailles agressives. « Les dindes se lassant très vite de ce type d’enrichissement, mieux vaut y avoir recours sur des périodes très ponctuelles. » Baisser la température de consigne de 0,5 à 1 °C permet d’agir rapidement en cas de picage.
Du grit en préventif sur des phases clés
Hybrid Turkeys a par ailleurs généralisé l’apport de grit. « En augmentant la taille et l’épaisseur du gésier, le grit contribue à une meilleure assimilation des nutriments, limite le risque de carences et aide à avoir des animaux moins nerveux. » Il est distribué à partir de 28 jours et environ toutes les 3 à 4 semaines à des moments clés, par exemple avant les transitions alimentaires. Traitée thermiquement pour éviter tout risque de contamination, sa taille varie entre 3,5 mm à 4 semaines d’âge à 5,8 mm après 10 semaines.
La nutrition, un levier encore à explorer
Hendrix Genetics a lancé une dizaine d’essais nutritionnels en station R & D sur la problématique du picage. « Ce levier est souvent négligé, alors que l’alimentation peut jouer un rôle important sur le comportement d’agressivité des dindes », souligne Hugo Paysan. Plusieurs thématiques sont investiguées : impact de la taille des particules et de la dureté des granulés pour faciliter les transitions alimentaires, optimisation des apports en acides aminés pour éviter le risque de carences (tryptophane…), apport de fibres pour ralentir le transit (tournesol, luzerne, avoine…), intérêt des solutions nutritionnelles à base d’extraits végétaux, effet d’un apport en oxyde de magnésium agissant comme neurotransmetteur pour réduire l’agressivité…