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Hygiène : Choisir le bon désinfectant de l’eau de boisson des volailles

La longue liste des exigences à remplir pour désinfecter l’eau limite drastiquement le nombre de substances actives pour désinfecter l’eau de boisson.

Daniel Hauchard (à droite) et Nicolas Cimetière, enseignants-chercheurs à l’École nationale supérieure de Chimie de Rennes. « Chaque eau d’élevage est un cas particulier. Il n’y a pas de recette de désinfection 'passe- partout', sinon on la connaîtrait déjà. » © P. Le Douarin
Daniel Hauchard (à droite) et Nicolas Cimetière, enseignants-chercheurs à l’École nationale supérieure de Chimie de Rennes. « Chaque eau d’élevage est un cas particulier. Il n’y a pas de recette de désinfection 'passe- partout', sinon on la connaîtrait déjà. »
© P. Le Douarin

Les désinfectants n’ont pas tous la même efficacité biocide. Leur pouvoir assainissant s’évalue par la valeur C.T, C étant la concentration dans l’eau et T le temps de contact avec l’agent à détruire. Cette valeur est propre à chaque biocide et à l’espèce microbienne visée. Plus le CT est faible et plus le désinfectant est efficace. Pour désinfecter correctement, il faut atteindre cette valeur en combinant simultanément la concentration et le temps. Après l’ozone, c’est le chlore qui se classe le mieux, avec des différences selon sa forme chimique.

 

 
 © Réalisation Réussir ...

 

En plus d’être actif contre les bactéries, virus et champignons, le désinfectant doit être rémanent pour empêcher le redéveloppement microbien dans le circuit. On n’utilise donc pas les ultraviolets (sauf en aquaculture) qui tuent les microbes mais n’ont pas de rémanence.

De plus, le produit doit être relativement simple à mettre en œuvre. C’est pourquoi, l’ozone n’est pas employé car il est difficile à solubiliser et doit être fabriqué sur place. Enfin, le désinfectant doit opérer dans un environnement chimique favorable à l’expression de son pouvoir désinfectant. Il ne doit pas trop réagir avec les composés non biologiques présents dans l’eau, former des produits indésirables ou encore dégrader le réseau d’eau. C’est pour ces raisons que l’eau brute est souvent débarrassée de ses impuretés (fer, manganèse, matière organique, calcaire) et acidifiée comme nous le verrons ultérieurement. Enfin, les produits doivent avoir été agréés pour un usage biocide (catégorie TP5) dans l’eau de boisson. Donc pas de PHMB, d’ammoniums ou d’aldéhydes qui peuvent être autorisés pour désinfecter les bâtiments…

En pratique, trois substances actives sont proposées par les prescripteurs : le chlore actif (libre), le dioxyde de chlore et le peroxyde d’hydrogène souvent associé à un acide fort qui le stabilise (peracétique, orthophosphorique…).

Selon Didier Hauchard et Nicolas Cimetière, enseignants-chercheurs à l’École Nationale Supérieure de Chimie (ENSC) de Rennes, le meilleur candidat est de loin le chlore libre sous forme d’acide hypochloreux, devant le dioxyde de chlore et le peroxyde.

L’acide hypochloreux arrive en tête

L’acide hypochloreux HClO est 100 fois plus efficace que l’ion hypochlorite ClO-, avec lequel il se trouve en équilibre en fonction du pH de l’eau. À pH supérieur à 7,5 c’est l’ion hypochlorite qui domine très largement. À pH inférieur à 3 c’est le chlore gazeux dissous Cl2 qui prend le dessus. Entre ces deux bornes, l’acide hypochloreux prédomine. Donc, « la maîtrise du pH est absolument indispensable pour chlorer efficacement », affirme Nicolas Cimetière, expert en chloration. Il conseille de se situer entre pH 6,5 et 7,5, ce qui impose d’injecter un acide, non organique de préférence (pour limiter la formation d’un biofilm après dégradation de l’acide).

La dose de chlore à introduire dépend des composants de l’eau (matière organique, fer, manganèse, carbonates) avec lesquels l’acide hypochloreux réagit, ainsi qu’avec certains produits médicamenteux (antibiotiques notamment). Certains sous-produits peuvent être toxiques (trihalométhanes) ou irritants (odeur de chlore des chloramines). C’est pourquoi, bon nombre d’eaux brutes sont prétraitées avant chloration.

Le chlore libre non consommé inhibe les micro-organismes et ultérieurement ceux présents dans le réseau. En pratique, on recherche un très léger excédent en bout de ligne, de l’ordre de 0,5 ppm de chlore libre. La rémanence se contrôle en bout de ligne avec le test DPD. Le DPD 1 mesure le chlore libre (acide hypochloreux ou ion hypochlorite) et le DPD3 le chlore total. La différence indique le chlore combiné (les chloramines principalement).

Dioxyde de chlore et peroxyde moins performants

« Le dioxyde de chlore est de moins en moins utilisé pour désinfecter l’eau publique, constate Nicolas Cimetière. Il était populaire en prétraitement parce qu’il évitait le développement algal et qu’il ne formait pas de dérivés chlorés toxiques (les chloramines) en se combinant avec la matière organique. Mais, il présente une certaine dangerosité quand il est fabriqué sur site et il est plus compliqué à doser que l’acide hypochloreux. »

La société Synthèse élevage a pu constater in vitro que la concentration du dioxyde de chlore vendu en galet diminuait rapidement et d’autant plus que l’eau était ferrugineuse. En 4 heures, le taux initial d’un ppm passait à 0,4 ppm en eau neutre, à 0,2 ppm avec 0., 2 mg/l de fer et à 0 avec 2 mg/l de fer.

Quant au peroxyde d’hydrogène, « il est moins oxydant que le chlore et peu efficace utilisé seul, estime son collègue Didier Hauchard. Il peut réagir avec la matière organique pour donner des sous-produits généralement plus facilement biodégradables. Ce qui risque de former du biofilm avec des doses insuffisantes de peroxyde. Il se décompose aussi avec des sels métalliques, notamment du Fer II et du manganèse (possible avec un forage). »

Ces propos sont corroborés par la vétérinaire Anouk Dronneau. « Nos tests in vitro confirment que les eaux dures, ferrugineuses et manganeuses diminuent son activité désinfectante. Avec une eau neutre et la dose classique de 50 ml/m3, il faut un temps de contact d’une heure pour inactiver E. coli (réduction de 5 log, soit par 100 000). En pratique il faudrait plutôt mettre 250 ml/m3 pour être efficace. C’est possible au vide sanitaire pour décaper le biofilm. »


En résumé, le peroxyde est un produit difficile à maîtriser.

Son seul avantage est de ne pas donner de sous-produits chlorés et de goût comme le dioxyde de chlore. « Peut-être qu’il est utilisable à forte dose ou associé à un pH plutôt acide… poursuit Didier Hauchard, assez dubitatif. Mais attention, c’est un produit dangereux à manipuler, surtout s’il est concentré. » En pratique, il faut prévoir une tête de dégazage sur la pompe doseuse électrique quand il est utilisé concentré.

Le PHMB n’est plus autorisé dans l’eau

Pour certains, le PHMB ou polyhexaméthylène biguanide était le désinfectant « tout terrain » idéal : il avait un spectre d’activité large sur les microorganismes, il s’accommodait d’une eau d’une grande variété (pH, dureté, fer, manganèse), il résistait aux UV, il n’était pas corrosif, il n’inactivait pas les vaccins, antibiotiques, vitamines. Par contre, il était incompatible avec le chlore et le cuivre.

Examiné dans le cadre de la directive Biocide, le PHMB n’a pas été approuvé en catégorie TP5, désinfection de l’eau de boisson. "Le problème est qu’on ne sait pas vraiment comment il fonctionne chimiquement, précise Nicolas Cimetière. Le principe de précaution a donc été appliqué. » Les produits commerciaux qui en contiendraient encore sont dans l’illégalité.

La molécule a été retirée du marché au plus tard le 12 mai 2019, après la décision européenne du 10 mai 2017, et ne devait plus être en élevage depuis le 12 novembre 2019. « Ce n’est pas un oxydant remarque Nicolas Cimetière, enseignant-chercheur à l’ENSC de Rennes.

En revanche, le PHMB reste autorisé pour d’autres usages désinfectants.

Pourquoi analyser l’eau

L’analyse d’eau n’est pas un but en soi, mais un moyen pour mieux atteindre les objectifs de qualité. Selon Loïc Fulbert (GDS 53), elle est réalisée :

-pour diagnostiquer l’eau brute et déterminer quels traitements mettre en place, en vérifiant la physico-chimie (matière organique, dureté, pH, fer, manganèse) et la bactériologie (les coliformes totaux, fécaux, les entérocoques et streptocoques fécaux, la flore totale revivifiable, les bactéries anaérobies sulfitoréductrices) ;

-pour surveiller deux fois par an au captage et à l’arrivée dans l’élevage afin de constater d’éventuelles variations saisonnières ; deux fois par an, en bout de ligne d’abreuvement (analyse bactériologique) ; et une fois par semaine, en bout de ligne afin de contrôler la rémanence du désinfectant (bandelettes ou réactif liquide).

 

 
 © Réalisation Réussir ...

 

Quelles sont les obligations réglementaires ?

Il n’y a pas de réglementation française spécifique à l’eau de boisson en élevage. C’est la réglementation européenne qui s’applique dans le cadre du paquet hygiène. Elle précise que « les installations d’alimentation et d’abreuvement sont conçues pour réduire les risques de contaminations. Elles doivent être nettoyées et entretenues régulièrement dans la mesure du possible. »

Comme les animaux sont destinés à être consommés, les vétérinaires recommandent de s’aligner sur les normes des eaux destinées à la consommation humaine. C’est aussi la position des chartes de bonnes pratiques d’élevage, comme celles de la volaille de chair (CIPC-Cidef). Quelle soit publique ou privée l’eau doit être potable, avec une analyse au moins annuelle.

La charte CIPC-Cidef fait des préconisations sur la gestion du réseau de distribution d’eau (nettoyage, traitement, contrôle…) ainsi que sur les produits utilisés. En ce qui concerne les produits chimiques, c’est la directive Biocide qui s’applique avec une indication d’usage en catégorie TP 5 pour la molécule biocide et une autorisation de mise en marché (AMM) pour le produit commercial.

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