Elevage alternatif
Chez Amélie Poullain, les poules remplacent les vaches
Avec 44 000 poules conduites en volière et en plein air, Amélie Poullain et Olivier Snauwaert viennent de démarrer en Belgique le plus grand poulailler de ce type.
Nom de code : 1BE9026. Ce matricule s’imprime plus de 40000 fois par jour sur les oeufs sortant de la volière géante d’Amélie Poullain et de son mari Olivier Snauwaert : 1 pour le mode d’élevage en plein air, BE pour l’origine Belgique, et 9026 indiquant qu’il s’agit du 9026e élevage avicole référencé. Le 28 mai dernier 44 080 poules Isabrown sont arrivées à Romedenne, petit village situé en Wallonie sur la route menant de Philippeville à Givet (dans les Ardennes françaises). Le jeune couple — elle 26 ans, lui 35 — exploite sur la commune depuis 2004. La jeune femme s’est installée à 21 ans sur la ferme familiale comptant des bêtes à viande — la Blanc Bleue — et des laitières. « J’ai toujours voulu être agricultrice explique Amélie. La ferme a eu jusqu’à 400 bêtes sur 150 hectares, mais nous avons décidé de réduire à 200 bovins avec moins de surface. » Après avoir travaillé hors agriculture, son mari Olivier, lui-même fils d’agriculteur, est venu à la ferme en 2008. « Nous voulions ajouter une activité qui ne soit pas trop encadrée par des quotas et sans trop de contraintes », précise Olivier.D’où le choix du hors-sol.
ATOUT SÉCURITÉ ET RÉGULARITÉ
« Le poulet de chair a été écarté, car trop soumis aux aléas des cours. En poulette, il n’y avait pas de demande de bâtiment. L’oeuf de consommation permet des rentrées d’argent régulières et la commercialisation est assurée. » Pour bénéficier des aides wallonnes, Olivier s’est installé seul avec les poules,mais en pratique ils travaillent ensemble sur les deux exploitations. En optant pour le mode d’élevage alternatif, les éleveurs ont choisi la sécurité. En Belgique, l’avenir des cages aménagées fait débat et la demande est très forte sur l’alternatif, que ce soit plein air ou sol.Disposant de terrain, il leur a été facile de contractualiser sur trois ans pour de l’oeuf plein air avec le groupe Aveve. Bien que novices dans la conduite des poules, Amélie et Olivier ont vu grand. Avec 120 mètres sur 28 de large, leur bâtisse couvre 3360 m2 d’un seul tenant. Elle comprend le magasin à un pignon (sas sanitaire, emballage et stockage des oeufs) et à l’opposé le stockage des fientes pour réduire les coûts (une première en Belgique). Les poules disposent au milieu de près de 2 800 m2 qui se répartissent en deux jardins d’hiver latéraux de 4,4 mètres de large sur 900 m2(1) ouvrant sur un parcours de 16 hectares et la zone de logement proprement dite (1900 m2).
CONCENTRER EN RESTANT AUX NORMES
Le logement choisi est le système de volière RED-L (Vencomatic). Pour optimiser la surface du bâtiment tout en respectant la norme des 9 poules par m2,un portique métallique a été monté. Il permet d’atteindre une densité rapportée au sol de presque 18 poules. Un plateau central, sous lequel les éleveurs peuvent circuler, occupe la partie haute du poulailler avec deux pondoirs, l’abreuvement et l’alimentation. Il est supporté par trois rangées de pieds auxquels sont fixés deux ou trois plateaux-caillebotis intermédiaires (munis de tapis collecteurs). Ils permettent aux poules de monter, de se percher pour dormir, de s’alimenter et de s’abreuver. Les poules sont libres d’exprimer leurs comportements de grattage sur le sol, de voler et sauter, d’interagir, de fuir si nécessaire. Les éleveurs ont remarqué que la ponte est nettement supérieure en haut, et qu’en bas c’est le pondoir central qui rend le mieux par rapport aux côtés. « Les poules recherchent le calme et la sécurité, moindres sur les bords des trappes de sortie souligne Amélie. Je doute aussi que toutes sortent au moins une fois par jour » ajoute-elle. Néanmoins tous leurs oeufs sont estampillés « plein air ». Il est vrai que les 16 hectares nécessaires sont pour l’instant vides de tout bosquet ou verger. Il faudra planter pour ombrager le parcours. Mis à part les poux rouges sans doute importés avec les poulettes, les jeunes éleveurs, inexpérimentés mais motivés, sont satisfaits des résultats. À la 31e semaine, le taux de ponte a atteint 93,6 %, avec 2,5 % de second choix élevage, 0,12 % de mortalité hebdomadaire, 123 grammes d’aliment par poule et un poids moyen d’oeuf de 62,6 grammes. Si tout se passe bien, Amélie songe déjà à une autre unité. Alors, elle dira définitivement adieu à ses vaches et veaux.
(1) Les normes bien-être imposent une superficie de jardin d’hiver égale à la moitié de la zone de logement.