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HVE : vrai progrès environnemental ou écoblanchiment ?

Futur sésame des éco-régimes de la PAC, au même titre que l’AB, la certification HVE cristallise les oppositions. Pas assez exigeante pour les uns, elle est au contraire une vraie marche de progrès pour les autres. Etat des lieux.

Les critiques se durcissent contre la HVE, jugée insuffisamment exigeante par les partisans du bio pour accomplir la transition agroécologique.
Les critiques se durcissent contre la HVE, jugée insuffisamment exigeante par les partisans du bio pour accomplir la transition agroécologique.
© Fabrice Monnery

Cette année, la certification Haute valeur environnementale (HVE) fête ses dix ans et affiche une belle progression. Entre juillet 2020 et juillet 2021, le nombre d’exploitations ayant décroché le troisième et plus haut niveau de la certification environnementale est passé de 8218 à 19216. Un chiffre qui dépasse l’objectif de 15 000 exploitations HVE pour 2022 fixé par le gouvernement en 2018.

Lire notre dossier complet | La certification HVE a dix ans

Pourtant, l’heure n’est pas aux célébrations. La raison ? Les accusations de greenwashing – ou écoblanchiment – à l’égard de la HVE fusent de toutes parts, en particulier depuis l’annonce d’un crédit d’impôt de 2 500 euros pour les exploitations certifiées. En décembre 2020, la Confédération paysanne, avec Agir pour l’environnement, France Nature environnement et le syndicat Synabio critiquaient vertement la HVE, considérée comme une illusion de transition agroécologique.

En juillet, le ministère de l’Agriculture annonçait que le niveau supérieur des futurs éco-régimes, nouvelles aides vertes de la PAC, serait accessible via une certification bio ou HVE. « La HVE risque de siphonner la bio », réagissait la Fnab, dénonçant cette équivalence. En septembre, les organisations WWF et Greenpeace, associées à l’UFC– Que Choisir, défendaient à leur tour l’estampille AB face au logo HVE. « C’est un abus de langage de parler de haute valeur environnementale. C’est de la petite valeur environnementale », critiquait ainsi Alain Bazot, président de l’association de consommateurs. Les ONG fondent leurs critiques sur plusieurs études, en particulier celles de l’Institut de développement durable et des relations internationales (IDDRI) de mars 2021 et du cabinet Basic, publiée en septembre 2021.

Une marche « trop basse » pour la conditionnalité

La note confidentielle de l’office français de la biodiversité, diffusée dans la presse en mai dernier, et l’avis du conseil général de l’environnement et du développement durable (CEDD), en octobre, ont enfoncé le clou : les exigences de la HVE « ne permettent pas de sélectionner des exploitations particulièrement vertueuses ». Pour les détracteurs de la HVE, la voie A, qui impose le respect d’une série d’indicateurs, n’est pas assez contraignante. Et la voie B, accessible dès lors que le ratio intrants sur chiffre d’affaires est inférieur à 30 %, serait une duperie nécessitant d’être supprimée.

« Il n’est pas possible de mettre la marche aussi basse pour la conditionnalité. Les critères de cette certification doivent augmenter fortement, plaide Cécile Claveirole, secrétaire nationale de France Nature environnement. L’argent de la PAC doit servir à financer une réelle transition agroécologique pour agir massivement sur l’atténuation du changement climatique, la consommation des ressources de la planète et l’effondrement de la biodiversité. »

Principal chiffon rouge des défenseurs de l’environnement : la possibilité d’utiliser des pesticides de synthèse en HVE. « Si on veut vraiment travailler sur une certification qui vise à une haute valeur environnementale, les produits cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques et perturbateurs endocriniens doivent être absolument retirés de la liste des produits autorisés dans le cadre de la HVE », affirme Benoît Biteau, député européen Les Verts – ALE.

Les ONG défendent aussi la supériorité de la bio sur les autres labels. « Considérer la HVE au même titre que la bio dans l’éco-régime relève de l’aberration », considère Arnaud Gauffier, directeur des programmes Agriculture au WWF. Seule l’agriculture biologique permettrait un changement de modèle rapide et massif. « Les contraintes de la HVE ne sont pas suffisantes pour avoir un impact majeur sur les systèmes agricoles. Nous demandons que le niveau 2 [supérieur] des éco-régimes ne concerne que l’AB et que la HVE soit rétrogradée en niveau 1 [standard], en attendant la révision de son cahier des charges », complète Joseph D’Halluin, chargé de campagne Agriculture chez Greenpeace France.

Coïncidence ? Les critiques pleuvent sur la HVE alors que celle-ci est en train de faire son trou, notamment chez les exploitations en grandes cultures. Elles représentent actuellement un contingent de 2000 fermes certifiées, loin toutefois des 15 000 exploitations viticoles. Les chambres d’agriculture et les organismes stockeurs multiplient les formations pour accompagner les agriculteurs dans cette voie. « L’une des principales motivations, c’est que la HVE permet de s’affranchir du conseil stratégique sur l’exploitation, instauré par la séparation vente-conseil des produits phytosanitaires. C’est aussi un atout pour les agriculteurs qui pratiquent la vente directe », constate Damien Ferrand, responsable du pôle développement agricole de la coopérative Oxyane.

Pour les agriculteurs récemment certifiés, cette mise à l’index passe mal. « Passer en HVE, c’est compliqué. Ça implique de changer ses pratiques de manière globale. On est entre le bio et le conventionnel, témoigne Pierre Vandecandelaere, jeune agriculteur à Harquency dans l’Eure, certifié HVE depuis septembre dernier. On pénalise les rendements et il faut réussir à valoriser économiquement ses efforts. » « Cette certification n’est pas accessible à tout le monde », confirme Mélanie Gruet, responsable réglementation, environnement et certification chez Cérésia. Sur 170 demandes d’autodiagnostic reçues l’an dernier par la coopérative basée à Reims, seules 40 se sont avérées éligibles.

« Le plus compliqué, c’est le critère phytosanitaire. Si une exploitation standard ne gagne pas 4 points en IFT, elle n’obtiendra pas la HVE. Or gagner 4 points, cela veut dire une consommation de produits phyto inférieure de 40 % à la moyenne régionale, ce qui n’est pas rien. Le plus compliqué, c’est ensuite de conserver la HVE et de stabiliser son IFT, malgré la pression des insectes ou les maladies de l’année. »

Selon les régions, le volet biodiversité peut aussi être un obstacle. « Tout le monde n’a pas de lisières de bois ou des haies. En Champagne crayeuse, des agriculteurs plantent des haies pour obtenir la note de 10 points dans le module biodiversité. Même chose pour les fermes qui n’ont pas une grande diversité de cultures : colza, blé, orge, ce n’est pas possible. Souvent, il faut également remettre des parcelles en jachère ou en herbe », énumère Mélanie Gruet.

« Progrès continu pour un maximum d’exploitations »

« Qu’importe la voie empruntée, il faut répondre aux attentes des consommateurs avec pragmatisme et ne pas opposer les agricultures », estime Simon Lefevre, chef de marché céréalier au sein de l’Union In Vivo, rappelant les impératifs d’une « troisième voie » en agriculture : concilier performances environnementale, alimentaire et économique. Car pour les agriculteurs, ce qui freine, c’est le risque économique et l’absence de valorisation, en particulier en grandes cultures. Le marché ne rémunère guère cet effort. Certaines coopératives proposent une prime de 1 à 2 euros la tonne pour du blé HVE, ce qui est bien loin de compenser les baisses de rendements ou la prise de risque, contrairement aux prix en bio.4

« Passer en HVE entraîne une baisse de chiffre d’affaires moyen de 14 % avec de fortes disparités, précise Laurent Brault, chef de projet pour l’association pour le développement de la HVE. La HVE permet d’augmenter marche par marche la moyenne de la pratique environnementale de la ferme France. C’est une démarche de progrès continu qui va permettre d’emmener le maximum d’exploitations. »

Révision prochaine du référentiel

Une chose est sûre : tout le monde s’accorde à réclamer une mise à jour du référentiel de la HVE. Vieux de 10 ans, il ne tient compte ni des nouveaux outils disponibles pour les agriculteurs, ni des attentes grandissantes des consommateurs. Au ministère de l’Agriculture, on s’active sur ce sujet. « La revue de la HVE sera effective avant la mise en place de la nouvelle PAC », assurait le ministre de l’Agriculture, le 28 septembre dernier, lors d’une table ronde organisée par l’association française des journalistes agricoles.

Un groupe de travail planche sur une vaste mise à jour du plan de contrôle de la HVE. La publication de nouvelles listes de matériels, équipements, OAD, pratiques, méthodes alternatives, variétés est imminente. Les exigences sur les engrais ou les produits phytosanitaires devraient être renforcées. En complément, le ministère de l’Agriculture a engagé une étude d’évaluation des performances environnementales du dispositif HVE. « Cette étude permettra d’alimenter des réflexions pour envisager des évolutions plus structurelles », indiquent ses services. La bataille de la transition de l’agriculture est bel et bien engagée.

Un cahier des charges à points

 

Obtenir la HVE par la voie A impose d'obtenir un minimum de points sur quatre thématiques : biodiversité, phytosanitaires, irrigation et fertilisation.

 

La certification environnementale comporte trois niveaux. Le premier est un prérequis qui reprend les exigences réglementaires, en particulier la conditionnalité des aides PAC. Le second s’articule autour d’une obligation de moyens mis en œuvre à propos de quatre thématiques : protection de la biodiversité, stratégie phytosanitaire, gestion de la fertilisation et gestion de la ressource en eau. Le niveau 3 constitue la Haute valeur environnementale, ou HVE. Il y a deux façons d’accéder à la HVE : la voie A et la voie B.

Cette dernière exige un ratio intrants sur chiffre d’affaires inférieur à 30 %. La voie B est jugée trop facile d’accès pour certaines productions à forte valeur ajoutée ou ayant un recours massif à la main-d’œuvre, comme la viticulture. En revanche, elle est hors de portée pour des exploitations spécialisées en grandes cultures. Ces dernières doivent donc passer par la voie A, qui s’appuie sur le respect des quatre thèmes précédents (biodiversité, irrigation, phytosanitaires, fertilisation) mais avec une obligation de résultat. Chaque thème est ainsi décomposé en critères qui permettent, selon les caractéristiques de l’exploitation, d’obtenir des points. Une note supérieure à 10 pour chaque thème est nécessaire pour obtenir le niveau 3 (HVE). Cela permet de prétendre au niveau 2 (supérieur) des éco-régimes, autour de 82 euros/ha, au même titre que la bio.

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