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Transition écologique
Une ambition de neutralité carbone en 2035 pour la Coopération Agricole

ZEN : zéro émission nette, telle était le thème de la conférence-débat du 18 février organisée par la Coopérative Agricole. Coopératives et représentants de l’Etat, de la recherche et de la formation sont venus témoigner des possibilités, tant en termes d’innovations que de financement et de recherche.

L'innovation a notamment été au coeur des débats.
© La Coopération Agricole

Mieux que l’objectif national de 2050 : la Coopération Agricole a annoncé une ambition de neutralité carbone d'ici 2035, lors de sa conférence-débat digitale “ZEN : zéro émission nette, quelle équation pour la chaîne alimentaire ?”, le 18 février. « Notre ambition pour la coopération agricole est d’être ZEN dès 2035, en prenant en compte à la fois les émissions et les captations. Pour cela on a vraiment besoin d’outils d’évaluation et de mesures de cette captation. Et nous vous donnons rendez-vous au Sia 2022 pour la présentation de notre feuille de route ! », a précisé le président Dominique Chargé.

Emissions de gaz à effet de serre et agriculture : quelques chiffres

Comme le rappelle Jean-Marc Jancovici, associé de Carbone 4 et président de The Shift Project, l’agriculture a sa part de responsabilité dans les émissions de gaz à effet de serre (GES). Mais plus qu’avec le carbone, c’est le méthane (ruminants et rizières) et le protoxyde d’azote (épandage des engrais) qu’elle est le plus émettrice.

« L’agriculture représente 20 % des émissions mondiales de GES et si on ajoute l’impact de la déforestation, alors c’est 30 %, contre 15 % pour le transport et 20 % pour les centrales à charbon. Si l’on raisonne en empreinte carbone, alors un quart de l’empreinte carbone d’un Français vient de son assiette (dont la moitié par la viande bovine), résume Jean-Marc Jancovici. Pour stopper la tendance du changement climatique, il faudrait que les émissions baissent chaque année de 5% pendant au moins deux générations. 5%, c’est une année sous Covid, c’est donc un objectif compliqué. Il va falloir déspécialiser l’agriculture, raccourcir les chaînes d’approvisionnement, remettre des haies... »

Capter plutôt qu’émettre : remettre des légumineuses dans les assolements et dans les assiettes

Sébastien Treyer, directeur général de l’Iddri, confirme : « L’enjeu pour le secteur agricole est de diminuer les épandages et le cheptel bovin et d’autre part augmenter la captation de carbone, notamment par la hausse des légumineuses dans les assolements et dans le rééquilibrage alimentaire des Français. Cette question de la transition protéique passe par la recherche mais aussi l’innovation dans l’organisation des territoires. La spécialisation des bassins de production, qui a permis aux coopératives des économies d’échelle et une compétitivité internationale, va commencer à poser problème. Comment relancer la polyculture-élevage ? Comment envisager un modèle qui tienne la route ? »

Outre un modèle à repenser, appelé par les experts présents, les coopératives sont déjà bien engagées dans le processus. Certaines sont venues témoigner [lire plus bas quelques exemples précis], sur les pistes qu’elles ont déjà explorées, tant en termes d’innovation, que de formation ou de financement : méthanisation des effluents, développement des légumineuses, systèmes d’assurance…

Conditions de réussite : rester compétitifs aux frontières et sur le marché

Pour Dominique Chargé, les conditions de réussite de cet ambitieux objectif ? « Ne pas dissocier ces changements nécessaires de la compétitivité. Pour cela, il faut répondre aux attentes de tous les marchés et compenser les distorsions de concurrence aux frontières. »

Le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, a assuré, en clôture des débats, qu’il pousserait au niveau européen lors de la présidence française en 2022 la mise en place des clauses miroirs. Il a aussi rappelé « l’importance de l’innovation et de la montée en gamme pour créer de la valeur, mais aussi la nécessité d’arrêter de détruire la valeur par une guerre des prix stérile. »

Un nouveau modèle de la décarbonation soutenue par l’Etat

Thomas Courbe, directeur de la DGE du ministère de l’Economie, l’affirme : « Il faut trouver un nouveau modèle pour financer la décarbonation, modèle qui passerait par le prix du carbone associé à un mécanisme de contrôle aux frontières pour éviter la fuite du carbone (dumping, importations moins exigeantes…). Les discussions se font au niveau européen. »

Dans l’attente, l’Etat français a décidé d’utiliser le Plan de Relance et d’intervenir sur les deux tiers de décarbonation qui n’est pas compétitive avec 1,2 Md€. « Par exemple, remplacer un four à gaz par un four à biomasse coûte le prix de l’investissement de l’achat mais aussi ensuite la biomasse qui coûte plus cher que le gaz. L’idée est de couvrir l’écart de coût pendant 15 ans. Nous voulons aussi accroître l’offre technologique disponible pour les agriculteurs. »

Un soutien financier des Régions : l’exemple de l’Occitanie

La Région Occitanie met en place des contrats d’agriculteurs durables, sur 4 ans, avec des obligations de moyens et de résultats, avec six territoires pilotes en 2021. « La Région s’engage notamment à une assistance technique (en lien avec les chambres d’agriculture) et le financement d’études de dimensionnement et d’adéquation aux marchés, et aux conditions pédoclimatiques. Les filières sous signe de qualité et bio seront privilégiées (réorientation des aides par exemple). La contractualisation avec les transformateurs (contrats d’achat sur plusieurs années et développement de filières sous qualité) seront poussées, par exemple avec les transformateurs Andros et St Mamet. En 2021, six territoires seront pilotes », annonce Carole Delga, présidente de la Région.

Qui va payer la facture ? Eclairer le consommateur pour justifier l’écart de prix

Qui va payer le stockage du carbone ? Le consommateur, en premier lieu. « Aujourd’hui le consommateur a recours à des applications de scan car il veut tout savoir, au-delà de la composition nutritionnelle de ses aliments. L’enjeu de la plateforme numérique des aliments NumAlim, c’est de réunir tous les acteurs de la chaîne pour trouver un accord collectif sur la façon de collecter les données et de calculer l’impact carbone. Etape suivante : valoriser les produits et leurs engagements et qualités par différentes strates de prix », explique Jérôme François, directeur général de NumAlim.

« Il faut un système d’étiquetage qui permette aux consommateurs de faire un choix d’achat éclairé et qui justifie le prix du produit. L’application la Note Globale se dit en train d’établir cette notation, précise Maximilien Rouer, cofondateur et directeur du développement de La Note Globale. Ensuite, le secteur agri-agro est le seul secteur à pouvoir prélever le carbone de l’air et le transformer donc il serait bien que les autres secteurs compensent leurs émissions en soutenant financièrement la contribution de l’agriculture ».

 

Eureden, Cristal Union et Les Vignerons de Buzet : quelques exemples concrets

Eureden : plan de financement dépendant des réussites et une filière bretonne de pois et féverole

Le groupe coopératif Eureden est en cours d’élaboration de son bilan carbone mais a déjà intégré des critères RSE dans son plan de financement, notamment concernant la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique, la santé et la sécurité des salariés et la baisse des phytos. « Ces trois indicateurs en particuliers nous obligent à fixer une trajectoire sur cinq ans et à l’atteindre pour avoir un meilleur taux bancaire », souligne Béatrice PERROT, directrice communication et RSE de la coopérative.

Sur la question de la relocalisation, Eureden souhaite créer une filière bretonne pour l’alimentation animale (féverole, pois) pour ne plus dépendre du soja importé. « Mais pour que cette filière bretonne soit durable, il faut qu’elle soit rentable et donc que le consommateur accepte de payer plus cher son filet de poulet nourri aux protéines végétales locales... »

Cristal Union : usine biomasse et des marchés pour la pulpe de betterave non déshydratée ?

Le groupe sucrier Cristal Union a pour engagement de baisser ses émissions de GES de 40 % d’ici à 2030, ce qui représente un investissement de 30 à 40 M€ par an. « Chez nous, le stade agricole représente 30 % de notre impact carbone, le transport 10 % et l’industrie 60 %, explique Michel Mangion, directeur RSE de la coopérative Cristal Union. C’est donc sur ce stade que nous avons majoritairement focalisé nos efforts, et en particulier sur l’efficience énergétique nécessaire dans l’extraction du sucre : mise en place de trois chaudières biomasse pour se substituer à l’énergie fossile, des usines en cogénération, modernisation des lignes, la valorisation de l’énergie fatale au maximum, peut-être envisager de développer un marché de la pulpe de betterave non déshydratée vers l’élevage ou les méthaniseurs, ce qui permettrait de valoriser la pulpe sans l’énergie nécessaire à la déshydrater… »

Les Vignerons de Buzet : assurer le risque lié à la baisse des phytos à part des aléas climatiques

Dans la coopérative Les Vignerons de Buzet, l’introduction du volet sciences humaines et sociales a été un levier indispensable pour engager la transition : « jouer sur la fierté de la coopérative, ouvrir un dialogue avec chacun des coopérateurs pour s’affranchir de leur peur, établir une double comptabilité qui relie les ressources naturelles et humaines pour montrer l’intérêt de s’engager. Sur la baisse des IFT [indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires], nous travaillons avec Groupama pour assurer le risque tout en le séparant des risques climatiques », explique Pierre Philippe, directeur général de la coopérative.

 

 

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