Comment le biocontrôle crée de la valeur économique
Le biocontrôle est difficile à valoriser auprès des consommateurs, mais il est un outil essentiel pour l’obtention de nombreux labels.
Le biocontrôle est difficile à valoriser auprès des consommateurs, mais il est un outil essentiel pour l’obtention de nombreux labels.
Le biocontrôle peut-il créer de la valeur économique pour les agriculteurs ? En lui-même, il est difficile à valoriser auprès du consommateur final, car les notions qu’il incarne sont complexes à appréhender. En revanche, l’usage du biocontrôle est incontournable pour des labels bien connus du grand public : agriculture biologique, zéro résidu de pesticides, sans pesticide de la fleur à l’assiette… « Le consommateur accroche, comprend de quoi on lui parle. C’est à travers ces labels que le biocontrôle aura tout son rôle à jouer et pourra apporter de la valeur économique », affirme Céline Barthet, présidente d’IBMA France lors des Rencontres du biocontrôle.
« Le biocontrôle est un vrai outil au service des producteurs, qui permet de créer ce genre de label », souligne Pierre-Yves Jestin, président de Savéol et membre de l’Alliance Nature et Saveurs avec Prince de Bretagne et Solarenn. Précurseur de ce type de démarche avec Zéro résidu de pesticides, le Collectif Nouveaux champs a également fait du biocontrôle l’un des piliers des moyens de protection utilisés pour arriver à l’objectif de zéro résidu, à travers par exemple la lutte biologique et la protection intégrée.
Un accès à certains marchés
Hors des labels, la valorisation directe du biocontrôle reste à développer. Il peut cependant permettre un accès à certains marchés ou cahiers des charges. Les cahiers des charges de la grande distribution, notamment, accordent une part significative à l’utilisation du biocontrôle. « Les agriculteurs sondés dans notre enquête sur l’usage du biocontrôle indiquaient pour 40 % d’entre eux que le biocontrôle leur permettait déjà de valoriser leur production. Environ 30 % disaient qu’il leur permettait d’accéder au marché », décrit Céline Barthet.
L’ouverture de marchés grâce au biocontrôle peut être illustrée par l’exemple de la technique de l’insecte stérile (TIS, voir encadré). Utilisée depuis de nombreuses années dans différentes parties du monde, la TIS a permis dans plusieurs cas l’éradication de l’insecte cible dans la zone géographique où elle était appliquée. L’absence du ravageur peut alors devenir un précieux atout pour ouvrir de nouveaux marchés à l’export. C’est le cas pour la mouche méditerranéenne des fruits, considérée comme un ravageur de quarantaine dans de nombreux pays. De plus, le bénéfice économique de l’éradication d’un ravageur peut être bien plus important que le coût de la technique.
« L’une des premières utilisations de la TIS, dans les années 1950, a permis l’éradication de la Lucilie bouchère des Etats-Unis, du Mexique, et de l’Amérique centrale après plus de 50 ans de campagne », illustre Clélia Oliva, spécialiste de la TIS au CTIFL, lors du dernier congrès de la FNPF. Le bénéfice de cette élimination est estimé à 1,3 milliard de dollars chaque année ! Le coût de la technique, sur 45 ans, est de l’ordre d’1 milliard de dollars. En Californie, des lâchers préventifs de mouches méditerranéennes des fruits stériles sont effectués depuis la fin des années 1990 dans le bassin de Los Angeles. Depuis, aucune infestation majeure n’a eu lieu, mais les lâchers se poursuivent car ils sont beaucoup plus intéressants économiquement par rapport aux pertes qu’engendrerait une implantation de ce ravageur.
L’insecte stérile, une technique déjà ancienne
La technique de l’insecte stérile est une approche de biocontrôle consistant à élever en masse un insecte cible, à le stériliser par rayons X, et à le relâcher massivement afin qu’il entre en compétition avec les insectes cibles sauvages. Il faut que le ratio insectes stériles/insectes sauvages soit très élevé. La technique a émergé dans les années 1930, et a été utilisée pour la première fois dans les années 1950 sur Lucilie bouchère, avec grand succès.
Depuis les années 1970, la TIS est très utilisée dans le monde contre la mouche méditerranéenne des fruits, ou encore contre la mouche tsé-tsé depuis les années 1990. En Europe, il existe actuellement deux fermes de production : une de mouche méditerranéenne en Espagne, et une de mouche de l’oignon aux Pays Bas. Le projet Pilotis du CTIFL vise une production française à petite échelle sur le centre opérationnel de Balandran. C’est la première plateforme R & D dédiée à la TIS en France. Pour le moment, deux insectes cibles sont travaillés, le carpocapse et Drosophila suzukii.
Optimiser l’efficacité du biocontrôle
S’il peut permettre dans certains cas de valoriser la production, le biocontrôle présente encore des freins bien identifiés, qui limitent une plus large utilisation par les agriculteurs. Parmi ces freins, la difficulté d’optimiser l’efficacité des produits de biocontrôle. Car de nombreux paramètres entrent en compte dans cette efficacité : mode d’action du produit, pression du pathogène, environnement, pratiques culturales… « L’Aprel et INRAE travaillent sur une application smartphone, en lien avec la plateforme ephytia, pour faciliter l’usage du biocontrôle en améliorant les connaissances sur ces produits, en termes d’efficacité et de conditions d’application », a présenté Anthony Ginez, de l’Aprel, lors des Rencontres du GIS PIClég en décembre dernier.
Maraîchers et expérimentateurs notent les traitements dans l’appli (déclaration de l’environnement, conditions d’application des traitements et évaluation de l’efficacité produit), puis les données sont analysées dans une base de données. Pour chaque produit de biocontrôle, l’utilisateur peut consulter une fiche produit avec des références réglementaires ou de la littérature, et des retours terrain. L’application Deci Control, encore en cours de construction, est disponible sur smartphones Androïd et Apple.