Quel bilan faites-vous à chaud ?
Jean-Michel Schaeffer - « La filière est solidaire et travaille collectivement pour s’adapter à une situation jamais rencontrée. Tout le monde était sur le pont pour répondre à l’énorme demande : les accouveurs, les éleveurs, les équipes de ramassage, le fabricants d’aliments, les salariés des abattoirs, les transporteurs,… Je les en remercie. La première semaine de confinement, l’objectif prioritaire était de permettre à la filière de continuer à fonctionner avec le personnel, la logistique et les intrants indispensables, et cela même en situation dégradée. L’Anvol est intervenue auprès des pouvoirs publics pour assouplir les restrictions imposées (livraisons de gaz industriel, maintenance des outils industriels, ramassage des volailles…). Les distributeurs ont aussi dû s’adapter pour répondre au départ à une demande énorme de produits de première nécessité puis aux contraintes du confinement (concentration des achats dans les supermarchés de proximité, développement du drive et des livraisons à domicile…). Dans ce cadre, ils ont dû simplifier leurs achats. Toutefois, ils sont solidaires avec les petites filières (lapin, pintade, canard, caille-pigeon) en proposant ces productions dans les magasins en libre-service. Par ailleurs, il a fallu développer les ventes en distribution des produits traditionnellement plus orientés vers la restauration hors domicile notamment les cuisses. Les bouchers jouent eux aussi pleinement le jeu en mettant en avant toutes les productions françaises. »
Certaines filières (canard, poulet de Bresse, pigeon, caille, volailles vivantes) souffrent énormément. Quel est leur avenir ?
J.-M.S. - « Avec l’arrêt de leurs principaux débouchés, leurs difficultés sont indéniables et nous en avons fait part à l’administration centrale (Ministères et Elysée). Une des particularités de la France, c’est sa diversité avicole qui fait la richesse des territoires. Ces productions doivent être accompagnées, elles sont en danger. Notre principal souci concerne la filière canard. La crise covid 19 ne fait malheureusement qu’amplifier les problèmes déjà rencontrés. Nous devons absolument travailler à la mise en avant de cette production. Il convient par ailleurs d’assurer la continuité de la production de reproducteurs pour les petites filières pour leur permettre de repartir après la crise. Il faut aussi faire jouer la solidarité entre filières. »
Quelle sortie de crise envisagez-vous ?
J.-M.S. - « Franchement, il me paraît difficile de faire des spéculations. Nos repères d’avant ont volé en éclats. Il est certain qu’il y aura un impact pour les éleveurs, notamment avec l’allongement des vides sanitaires. Il sera variable selon les productions, mais ce qui est sûr c’est que pour tous la crise va coûter cher et que la filière ne pourra pas l’assumer seule. La solidarité qui s’est manifestée durant ces semaines ne suffira pas. Nous aurons besoin d’un soutien de l’État. »
De quels autres soutiens a besoin la filière ?
J.-M.S. -"Tous les volumes destinés à la RHF n’ayant pas été absorbés par la GMS, les stocks sont plus élevés en volaille qu’en porc et en ruminants. Nous avons demandé qu’une aide au stockage privé nous soit accordée au niveau européen Par ailleurs, nous demandons une clause de sauvegarde pour stopper temporairement les importations des pays tiers afin d’écouler les stocks après le déconfinement. Enfin, nous souhaitons que les volumes en stock puissent être prioritaires dans les achats des collectivités dès que la restauration collective reprendra son activité. Les mesures générales d’accompagnement applicables aux éleveurs sont inadaptées car leurs revenus fluctuent à la bande. Nous avons demandé une adaptation du calcul et un relèvement de l’indemnisation du Fonds de solidarité qui nous semble peu élevée. »
Cette crise pose-t-elle la question de la souveraineté alimentaire ?
J.-M.S. - « Après que nous ayons frôlé la rupture d’approvisionnement durant les quatre premiers jours du confinement, la France ne manque pas de volaille parce que la consommation globale a diminué. En temps normal, nous serions déficitaires. Dans une telle période, détenir ses propres capacités alimentaires est un gage de sécurité et de stabilité pour un pays. C’est un élément que devront prendre en compte nos décideurs lors des prochains débats sur la Pac de demain et surtout dans les accords internationaux de libre-échange. Les quotas actuels d’importation sont-ils légitimes dans ces circonstances ? Et à quelles conditions ? L’alimentation n’est pas un bien de consommation comme les autres. »
Que devient le plan d’actions de l’Anvol ?
J.-M.S. - « Nous sommes en cohérence avec les affirmations récentes du président Emmanuel Macron. Cela fait longtemps que nous disons qu’un poulet sur deux consommé en France est importé. Le projet que nous défendons est de se mettre en ordre de marche pour produire plus pour nourrir les Français. La filière a commencé à investir massivement et nous demandons toujours un accompagnement des pouvoirs publics pour aller plus vite, notamment sur le maillon élevage."
L’organisation « intégrée » de l’aviculture permet-elle de mieux résister et de s’adapter ?
J.-M.S. - « Depuis le 16 mars, des mécanismes de solidarité entre les maillons se sont mis en place et j’ai le sentiment que tout le monde a la volonté de se serrer les coudes. Le système de contractualisation implique une responsabilité partagée, laquelle crée un lien puissant. Dans cette épreuve, les acteurs se sont fait confiance. L’autre point fort de notre système, c’est sa forte réactivité qui va permettre un ajustement plus rapide. »
Le rapport des consommateurs avec l’origine de leur alimentation pourrait-il changer ?
J.-M.S. - « Il faut exploiter le slogan « #on vous nourrit » qui a le mérite d’être explicite. Le consommateur devrait en prendre vraiment conscience. Nous comptons sur l’association de promotion de la volaille française (APVF) pour faire passer le message. »