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« Pour sortir de l’influenza aviaire, parlez-vous et soyez créatifs », conseille Jean-Pierre Vaillancourt

Fils d’accouveur québécois, vétérinaire aviaire et professeur en médecine vétérinaire à Montréal, Jean-Pierre Vaillancourt est un expert reconnu en Amérique du Nord. Il livre quelques suggestions aux parties prenantes pour aborder l’après-épizootie d’influenza aviaire.

Pour un enseignant-vétérinaire canadien, la diversité avicole de la France, presque unique au monde, constitue un laboratoire passionnant à étudier.
© P. Le Douarin

Quel regard portez-vous sur l’aviculture du sud-ouest, que vous connaissez pour avoir travaillé en 2017-2018 à la chaire de Biosécurité de l’école vétérinaire de Toulouse ?

Jean-Pierre Vaillancourt - La France est une mosaïque d’élevages de toutes les espèces, de toutes les tailles et de tous les modèles qui ont tous le droit d’avoir pignon sur rue et d’être écoutés. Cela va du plus ancestral au plus moderne en claustration, en passant par l’élevage en plein air. Tout cela cohabite sur le même territoire, voir le même lieu. Cette cohabitation est encore plus accentuée dans le sud-ouest. Quand on est aviculteur en Amérique, avoir sa basse-cour est inimaginable !

Cet enchevêtrement favorise les problèmes sanitaires, tout comme la gestion des mortalités qui m’a beaucoup surpris. L’équarrisseur peut transporter des contaminants de ferme en ferme, alors qu’en Amérique c’est souvent géré individuellement, mais selon les circonstances. Dans des zones à forte densité d’élevage, il arrive que les intégrateurs rachètent l’équarrisseur pour avoir un meilleur contrôle de la biosécurité.

L’élevage n’est pas le seul en cause. Nous constatons que la Nature subit des changements favorables à des épizooties récurrentes. Donc, n’accusez pas plus le système « industriel » que le système « traditionnel ».

Ne soyez pas non plus  fatalistes après trois épizooties survenues en cinq ans. Si vous voulez continuer à produire, il faut commencer par revoir les principes de base de la prévention.

N’accusez pas plus le système « industriel » que le système « traditionnel »

Dans ces conditions, peut-on appliquer correctement la biosécurité ?

J-P. V.- En productions animales, le risque zéro n’existe pas, sauf à appliquer des protocoles de laboratoire de niveau 4. Et dans les petits élevages du sud-ouest, il est difficile de respecter les protocoles de biosécurité conçus pour des élevages standard.

Il faut l’adapter aux réalités du terrain, tout en respectant deux principes millénaires : diminuer les sources de contamination et éloigner les contaminants des animaux. Je dis souvent qu’il faut « réinventer la roue ». Ca veut dire discuter avec ceux croyant que la biosécurité ne sert à rien.

Ce qu’on leur a prescrit n’est peut-être pas adapté ou bien le message est mal passé. Il faut qu’ils comprennent pourquoi la protection est importante, et que les mesures de prévention viennent d’eux-mêmes. Par exemple, le micro-zonage pourrait être une piste à explorer.

Lire aussi : Faire rimer biosécurité avec bon sens

En quoi consiste la stratégie du micro-zonage ?

J-P. V.- La mise sous une bulle sanitaire étanche d’une filière complète (élevages, abattoir, couvoir, usine d’aliment…) est impossible au niveau d’un large territoire, mais on peut imaginer une concertation à très petite échelle (quelques km carrés).

A ce niveau, il y a souvent une continuité épidémiologique entre les élevages qui se partagent les pathogènes (bactéries, virus…) et certains vecteurs de pathogènes (mouches, ténébrions, rongeurs, etc.). La dizaine d’éleveurs impliqués pourraient réfléchir à un fonctionnement coordonné plus sécurisé, en discutant aussi avec les fournisseurs et les acheteurs (animaux, gaz, paille, aliment, équarrisseur…). Eux savent quels sont les problèmes récurrents et quelles solutions apporter. La question n’est pas de savoir si on aime son voisin, mais quoi faire avec lui si on veut continuer à produire demain. C’est une question de survie.

Le leadership doit venir de la base. Les intervenants sont là, les connaissances sont là, les capacités sont là.

Comment mieux maîtriser le virus influenza quand il est là ?

J-P. V.- Malheureusement, les problèmes arrivent souvent le vendredi après-midi et peuvent s’enchaîner en un scénario catastrophe... A la moindre suspicion, il faut être en mesure de réagir en quelques heures et pas en quelques jours, quitte à ce que ce soit une fausse alerte 9 fois sur 10… Ca commence par la géolocalisation des élevages et par l’information des professionnels en temps réel.

Il est important que le maillon élevage puisse prendre lui-même des décisions. Aux Etats-Unis, les intégrateurs peuvent intervenir sans attendre l’autorisation fédérale (jusqu’à un certain point). ils sont équipés pour abattre plusieurs sites. En matière d’efficacité, le leadership doit venir de la base. Les intervenants sont là, les connaissances sont là, les capacités sont là.

 Les autorités et les professionnels ont intérêt à travailler main dans la main, dans la transparence et la confiance. Au Québec, on dit aussi « se dire les vraies affaires ». Chez vous, j’ai souvent entendu dire que  « la France est un état Jacobin ». C’est peut-être la manière d’aborder la lutte sanitaire qu’il faut repenser.

Vous vous en sortirez en mobilisant votre capacité de création et en réunissant des conditions gagnantes : s’assoir autour de la même table, communiquer et travailler ensemble.

Je ne crois pas à la solution du vaccin miracle qui résout tout.

La vaccination pourrait-elle constituer une arme supplémentaire ?

J-P. V.- Il est tentant de vacciner pour limiter la maladie à quelques foyers plutôt qu’à des centaines.

Le débat sur l’intégration de la vaccination dans la stratégie de contrôle de l’influenza aviaire doit avoir lieu, mais cela ne vous empêchera pas de repenser la biosécurité.

La vaccination pose une foule de questions : quel vaccin, comment, quand, où, le coût, l’évaluation bénéfices/risques…  

Je ne crois pas à la solution du vaccin miracle qui résout tout. L’influenza, ça ne se gère pas comme la maladie de Gumboro ou de Marek.

Vu l’enjeu, la réponse ne viendra pas à court terme. C’est une réflexion à mener sur plusieurs années et à porter au niveau européen.

Lire aussi : Faire de la biosécurité un atout

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