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Pommes de terre : les variétés tolérantes au mildiou montent en puissance

Avec les variétés tolérantes au mildiou, la baisse des IFT devient une réalité en combinant les leviers disponibles. Au marché de suivre pour promouvoir ces nouvelles variétés.

La résistance variétale au mildiou du feuillage fait l'objet d'une attention accrue de la part des sélectionneurs, avec la disparition progressive des variétés sensibles.
La résistance variétale au mildiou du feuillage fait l'objet d'une attention accrue de la part des sélectionneurs, avec la disparition progressive des variétés sensibles.
© M.-P. Crosnier

Muse et Miss Terre (GR1510), deux nouvelles variétés de pommes de terre de consommation inscrites cette année au CTPS, obtiennent la note environnementale très forte de 8, avec très peu de sensibilité au mildiou du feuillage. « Depuis une vingtaine d’années, les obtenteurs s’intéressent davantage à la sensibilité au mildiou du feuillage », notent Fadi El Hage et Denis Gaucher, spécialistes pommes de terre à Arvalis. Une attention dictée par les résistances aux fongicides, les retraits d’homologations et la demande sociétale de diminuer les intrants. « Or la protection fongicide contre le mildiou concerne 75 % de l’IFT total en pommes de terre », rappelle Denis Gaucher.

« Il faut adapter la protection fongicide à la sensibilité de la variété, en trouvant un compromis entre la moindre sensibilité variétale et la réduction d’applications de fongicides », affirme le spécialiste. Tout miser sur la résistance ou sur la très bonne tolérance variétale peut favoriser le contournement de cette résistance par l’agent pathogène du mildiou (Phytophthora infestans). À l’inverse, tout miser sur une protection fongicide n’est pas souhaitable.

Avec les variétés tolérantes, les traitements fongicides démarrent plus tard et les symptômes sont moins nombreux. Le développement de la maladie est plus lent et donc plus facile à gérer. L’impact de la météo reste toutefois déterminant.

Les OAD tels que Miléos prennent en compte la sensibilité variétale. « Miléos est adapté en continu tout au long de la campagne. Il intègre les bilans de campagnes et remontées de plaines », explique Denis Gaucher. Arvalis préconise d’utiliser les variétés tolérantes ou résistantes en combinant plusieurs leviers : variétés peu sensibles, respect de Miléos, emploi de produits de bio contrôle, puis fongicides. « Selon la sensibilité variétale et la pression de mildiou, on peut réduire les IFT jusqu’à 95 % », affirme l’expert. Mais utiliser les variétés peu sensibles sans protection fongicide pourrait compromettre la durabilité de la variété.

Difficile compromis avec le rendement et la qualité culinaire

La sélection n’a pas encore permis de combiner sensibilité au mildiou, bons rendements et qualité culinaire. C’est aujourd’hui le compromis rendement-qualité culinaire qui domine et reste le plus largement répandu, en France et ailleurs. La tolérance au mildiou est encore considérée comme un bonus variétal. Toutefois, « avec l’évolution des politiques publiques en matière d’autorisations de produits phytosanitaires, le triple compromis va devenir de plus en plus important », prévoit Fadi El Hage.

L'adoption des variétés résistantes permettant de baisser drastiquement les traitements fongicides va dépendre fortement de la politique des acheteurs.
L'adoption des variétés résistantes permettant de baisser drastiquement les traitements fongicides va dépendre fortement de la politique des acheteurs.
© M.-P. Crosnier

L’offre variétale de tolérance au mildiou s’étoffe déjà. « Les sensibles sont éliminées, ce qui n’était pas le cas il y a vingt ans », confirme Jean-Denis Moal, sélectionneur de variétés de pommes de terre au comité Nord Sipre. Selon lui, les nouvelles variétés se situeront dans une gamme allant d’intermédiaire à résistante face à cette maladie.

Si les sélectionneurs montent le curseur minimal de résistance mildiou, ce critère n’en est qu’un parmi une trentaine d’autres. Or, l’introduction de gènes de résistance au mildiou se fait parfois au détriment d’autres caractéristiques, comme la productivité ou la qualité culinaire. « Nous cherchons à obtenir une variété avec une note environnementale de 5 à 6 et un niveau satisfaisant pour tous les autres critères, affirme Jean-Denis Moal. Une variété complètement résistante mais avec un critère défaillant la rendra inadaptée au marché. Une note de 6 à 7, comme Allians, apparaît comme un très bon compromis en permettant de réduire les fongicides. » De plus, il faut des variétés peu tolérantes aux virus pour produire facilement du plant.

Pour le chercheur, il est impossible de tout miser sur la résistance au mildiou : « Créer une variété demande dix ans. Avec le réchauffement climatique, d’autres problématiques se développent, comme l’alternariose, sans oublier la lutte contre les nématodes. Dans certains pays, la problématique mildiou est moins importante qu’en climat maritime. » Par ailleurs, il existe d’autres pistes que la voie variétale pour gérer le mildiou, comme la prophylaxie, la gestion des déchets et des repousses, et les traitements.

Un choix variétal dicté par le marché

« Reste que si de nouvelles variétés deviennent disponibles, c’est le marché qui commande », met en garde Samuel Bueche, responsable variétés de pommes de terre à la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais. Les planteurs conventionnels travaillent souvent sous contrat. Ils ne peuvent pas se lancer en solo. Les acheteurs souhaitent avoir des pommes de terre ayant reçu moins de traitements, pour s’adapter à la demande sociétale. Lorsqu’un cahier des charges prévoit de diminuer de 50 % les fongicides, il devient indispensable d’utiliser des variétés résistantes. Malgré tout, souvent, les acheteurs préfèrent continuer d’utiliser les variétés connues.

« Il faudrait qu’ils comprennent que changer de variétés est un moyen efficace et qu’ils doivent accepter une part du risque pour lancer ces nouvelles inscriptions, insiste le conseiller. Pour cela, un réel travail de filière semble nécessaire. Aujourd’hui, il n’y a pas de variétés tolérantes qui percent. » Les producteurs ne se lanceront dans une nouvelle variété que s’il y a un signal fort du côté des acheteurs. Les agriculteurs biologiques, obligés de trouver une solution, jouent un rôle moteur sur ces questions.

Pas de corrélation entre les sensibilités aux mildious du feuillage et du tubercule

La sensibilité variétale au mildiou sur tubercule est complètement différente de la sensibilité au mildiou sur feuillage.
La sensibilité variétale au mildiou sur tubercule est complètement différente de la sensibilité au mildiou sur feuillage.
© V. Marmuse

La sensibilité au mildiou du feuillage s’évalue en notant le pourcentage de feuillage détruit sur la variété. Dans le classement du catalogue français, les notes de 5 (moyennement sensible) à 7 (peu sensible) caractérisent les variétés tolérantes, celles de 8 (peu sensible à très peu sensible) et 9 (très peu sensible) les variétés résistantes. Le catalogue français comprend 62 variétés avec des notes de 5 à 9. On en compte une centaine en ajoutant les variétés des catalogues européens.

La sensibilité variétale au mildiou sur tubercule est complètement différente de la sensibilité au mildiou sur feuillage. Le mildiou du tubercule dépend du ruissellement des spores au moment où la butte est craquelée/ouverte, puis conditions favorables de développement en stockage, ce qui n’est pas le cas du mildiou du feuillage. Une variété peut être résistante au mildiou sur feuillage et sensible au mildiou sur tubercule et inversement. Pour les variétés résistantes au mildiou du tubercule, quelques traces de mildiou sur feuillage en fin de saison auront peu d’incidences sur la qualité de la récolte.

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