Fourrages et changement climatique : des intercultures estivales à pâturer dès juillet
Testées en Bretagne, les intercultures estivales ont confirmé leur intérêt sur la production d’un fourrage de qualité l’été. Elles apportent une réponse aux éleveurs confrontés à l’avenir à des perspectives climatiques séchantes.
Testées en Bretagne, les intercultures estivales ont confirmé leur intérêt sur la production d’un fourrage de qualité l’été. Elles apportent une réponse aux éleveurs confrontés à l’avenir à des perspectives climatiques séchantes.
Les intercultures estivales sont une solution intéressante pour l’élevage dans un contexte de répétition des épisodes de sécheresse et d’absence de pluie en été. Elles offrent une ressource fourragère supplémentaire sur l’exploitation afin de sécuriser et renforcer l’autonomie alimentaire. Ce fourrage disponible en été prend le relais des prairies. En les sollicitant moins sur cette période, le surpâturage est limité.
Les intercultures permettent également de maintenir une surface pâturable disponible aux animaux dans une problématique de renouvellement de prairies, notamment lorsque les exploitations ont des surfaces accessibles limitées. Les intercultures estivales profitent de l’effet retournement de prairie en valorisant bien l’azote libéré par sa destruction. Cet itinéraire de culture permet de limiter les fuites d’azote et de réduire l’utilisation de produit phytosanitaire.
Des espèces résistantes en été
Pour les essais, le choix des intercultures testées a été défini en fonction du type de sol en Bretagne, mais aussi en fonction de leur utilisation : priorité au pâturage et à un développement à cycle court. Les intercultures étaient composées d’espèces réputées robustes face à des épisodes de sécheresse. L’objectif était de produire un fourrage disponible aux vaches à partir de début juillet et en été. Des associations graminées-légumineuses ont été choisies dans un objectif d’optimisation de la valeur alimentaire. Certaines associations sont déjà connues comme le ray-grass d’Italie-colza et d’autres sont plus innovantes comme le teff grass-trèfle d’Alexandrie (TA) ou la chicorée-trèfle d’Alexandrie. Le semis a été réalisé avant le 15 mai après une prairie dégradée ou un méteil récolté précocement, afin d’assurer une bonne implantation en bénéficiant des précipitations de fin de printemps.
Chiffres clés
2 récoltes en moins de 100 jours
4,3 t MS/ha en moyenne
Coût semence : 93 €/ha
Coût implantation : 80 €/ha
Coût/ha : 40 €/t MS au pâturage
Des résultats qui se confirment
Les trois années de suivi ont permis de fiabiliser les résultats obtenus. Même si ces années climatiques ont été différentes. L’année particulière 2022 avec des précipitations limitées et de fortes chaleurs a mis en évidence la robustesse de certaines modalités en cas de sécheresse marquée. Dans l’ensemble, les différentes intercultures présentent un bon compromis entre rendement et qualités alimentaires. En moyenne, la production de fourrage est évaluée à 4,3 t MS/ha sur deux cycles de production et 100 jours d’implantation. Les deux tiers du rendement sont réalisés sur le premier cycle début juillet. Le deuxième cycle est récolté fin août. En 2022, malgré des conditions sèches, certaines modalités ont affiché 1,5 t MS/ha au deuxième cycle en seulement 47 jours de pousse.
L’avoine et le colza présentent des croissances soutenues confirmant leur capacité à produire rapidement mais sont peu pérennes. Le RGI et le trèfle Alexandrie supportent moins les fortes températures. Cependant, associé avec le colza, le RGI reste une valeur sûre en termes de productivité et de valeur alimentaire, à condition que les ravageurs tels que les altises ou les limaces ne soient pas de la partie.
Le teff grass et la chicorée ont consolidé l’intérêt sur leur potentiel de production dans des conditions séchantes. Ces deux espèces ont davantage montré une capacité de repousse après la première récolte et dès l’apparition des premières pluies pendant l’été. Même si le teff grass a tendance à épier à tous cycles, l’ensemble des modalités testées affichent des valeurs alimentaires autour de 1 UFL avec des teneurs en azote supérieures à 20 % de MAT sur chaque cycle de récolte. Le développement feuillu de la chicorée et du colza affiche une meilleure digestibilité et facilite à l’évidence le pâturage par les animaux.
Adapter les intercultures à ses besoins
Avec un semis au printemps, les intercultures estivales offrent la possibilité de produire un fourrage de qualité à pâturer en été. Le choix des espèces dépend du nombre d’exploitations envisagées et de la culture prévue ensuite dans l’assolement. Pour une seule exploitation et un semis fin d’été, il est recommandé d’opter pour des mélanges à implantation rapide tels que l’avoine ou le colza. Si plusieurs exploitations sont envisagées, il est préférable de choisir un mélange avec de bonnes capacités de repousse. Malgré des rendements plus faibles lors du premier cycle de récolte, les mélanges contenant de la chicorée et du teff grass se révèlent intéressants sur l’été.
Il faut être vigilant à la montaison rapide de certaines espèces (teff grass, avoine). Pour une meilleure gestion de l’épiaison au pâturage, il faudra bien évaluer la quantité de surfaces nécessaires aux besoins des animaux.
Par ailleurs lors d’un renouvellement d’une prairie, il est conseillé de labourer avant de semer l’interculture pour éviter les repousses. À l’inverse il est possible d’éviter un labour pour l’implantation de la culture suivante.
Stéphane Boulent, chambres d'agriculture de Bretagne
Repères
24 plateformes semées sur 3 ans
Les intercultures ont été semées majoritairement après destruction d’une prairie et avant le 15 mai. Il n'y a eu aucune fertilisation minérale, ni utilisation de produit phytosanitaire durant l’implantation. Juste une fauche de nettoyage si nécessaire. Des observations tous les 20 jours du semis jusqu’à la récolte ont été réalisées. La récolte a été déclenchée au stade d’un fourrage pâturé de qualité pour l’alimentation des animaux. Soit 14 cm hauteur herbomètre sur la modalité RGI-TA lors du 1er cycle et 14 cm hauteur herbomètre sur la modalité chicorée-TA lors du 2e cycle.
Avis d'éleveur : Florent Bodin, Gaec Monbreuil à Montauban-de-Bretagne en Ille-et-Vilaine
« La chicorée n’a cessé de pousser »
« En 2021, après les intercultures, j’ai semé une céréale début novembre. J’ai été surpris par la chicorée. Elle s’est bien développée, et n’a pas cessé de pousser jusqu’au semis des céréales. Avec le RGI, c’est une des modalités qui a le plus plu aux vaches. Début novembre, le RGI et le teff grass étaient encore présents, au contraire des autres intercultures. Même si le colza était appétent, il n’a pas été au-delà d’un cycle. L’avoine était trop avancée et les vaches ont eu des difficultés à la pâturer. Chaque modalité a son stade de récolte, il faut être attentif à leur développement pour garantir une bonne valeur alimentaire au pâturage. Si je retiens quelque chose de la plateforme d’essai, c’est l’assurance du RGI-TA et la pérennité de la chicorée. »
Avis d'éleveur : Nicolas Coatrieux, Gaec de la Croix de Bodudo à Le Vieux-Bourg dans les Côtes-d’Armor
« Les vaches ont préféré l’avoine au teff grass »
« Sur notre exploitation, l’accessibilité autour du bâtiment est limitée. Certaines prairies fatiguent et je recherchais une culture pour les renouveler sans pénaliser la surface pâturable. La plateforme d’essai était l’occasion de tester plusieurs espèces. Le semis a été réalisé le 17 mai après destruction de la prairie. Un premier pâturage a eu lieu le 8 juillet. Les vaches ont préféré l’avoine au teff grass. Mais au final, tout a été consommé. Avec cette année séchante, j’étais content de retrouver un fourrage fin août. »
Avis d'éleveur : Gaec Catillan, à Maxent en Ille-et-Vilaine
« J’ai une préférence pour la modalité chicorée-TA-avoine »
« Suite à la sécheresse de 2022, nous avons souhaité tester les intercultures estivales pour refaire nos prairies sans diminuer notre surface accessible. Les essais se sont montrés concluants : nous avons pu faire cinq pâturages cet été sur la plateforme avec des retours plus rapides que sur certaines de nos prairies. J’ai une préférence pour la modalité chicorée-TA-avoine qui a donné en continu sur l’été et qui été appréciée par les vaches. La modalité teff grass est plus difficile à gérer et semble moins appétente. À l’avenir, je pense mettre en place une interculture estivale à base de chicorée pour refaire les prairies accessibles. »
Côté web
Retrouvez la vidéo de la chambre d’agriculture de Bretagne