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Moisson 2024 - Une campagne maïs tout en contrastes

La campagne maïs 2024 n’a pas été de tout repos en France. Au final, le bilan est plutôt positif. Cependant, le contexte de marché mais aussi les évolutions climatiques et réglementaires complexifient le travail de la filière. 

Franck Laborde, président de l'AGPM, et Céline Duroc, directrice générale de l'AGPM.
Franck Laborde, président de l'AGPM, et Céline Duroc, directrice générale de l'AGPM, lors de la présentation du bilan annuel maïs 2024 le 28 novembre 2024 à Paris.
© Thierry Michel

« La campagne 2023-2024 n’avait pas très bien commencé au printemps mais se finit mieux », a déclaré Aude Carrera, responsable filière maïs chez Arvalis, lors de la présentation à la presse du bilan de la campagne 2024 en France, le jeudi 28 novembre à Paris. Au final, les surfaces de maïs grain ont atteint 1,387 Mha en 2024 contre 1,239 Mha en 2023 (la plus petite surface depuis 2007), soit +12 % d'une récolte sur l'autre. Une progression à noter car, depuis 2020 et ses 1,609 Mha, les surfaces n’avaient cessé de baisser. « C’est mieux, mais nous pensons que 3 Mha de maïs en France est un objectif adapté au marché et à la résilience de la filière dans notre pays », a aussi précisé Franck Laborde, président de l’AGPM. Le rendement ressort à 99,5 q/ha contre 102,5 q/ha en 2023, 78,5 q/ha en 2022 et 104,1 q/ha en 2021. C’est le sixième plus haut rendement atteint depuis 2010. Côté production, on enregistre une hausse de 10 % d'une récolte sur l'autre, à quasiment 13,9 Mt en 2024, contre 12,6 Mt en 2023, 10,8 Mt en 2022 et 15,2 Mt en 2021. C’est la neuvième récolte la plus importante depuis 2010 (la plus élevée restant 2014 avec 18,5 Mt).

D’un printemps complexe à une récolte retardée

La période du printemps s’est avérée pluvieuse et froide, ce qui a pu entraîner des semis tardifs (20 % après le 20 mai et même 10 % en juin). « Des semis au mois de juin, ça existe habituellement dans certaines régions, mais nous n’avions jamais vu de tels extrêmes comme cette année : la proportion de semis en juin et le nombre de régions touchées par ce phénomène sont importants », complète Aude Carrera. Outre les retards de semis, le printemps a été aussi marqué par des difficultés à travailler le sol (tassement), des implantations hétérogènes et des mauvais enracinements ainsi qu’une forte pression des ravageurs du sol. Ensuite, la période de floraison s’est mieux passée avec une alimentation hydrique globalement correcte, des bilans pluie/évapotranspiration hétérogènes (on a noté un stress plus important sur la façade Ouest et en Rhône-Alpes) et pas ou peu d’évènements de type caniculaire. On a cependant enregistré des rayonnements solaires parfois faibles (par exemple pendant la période 15 juillet-15 août), impactant en fonction des stades de développement des plantes.

L’évolution des cultures s’est à nouveau compliqué durant les stades de remplissage et de maturité avec des pressions assez conséquentes d’helminthosporiose (Ouest et Alsace), d’heliothis (Sud-Ouest, Poitou-Charentes, Pays-de-la-Loire et Centre) et de pyrale. Les récoltes ont finalement débuté tardivement, le temps fortement pluvieux du début d’automne ayant retardé les opérations de trois semaines et accru la difficulté des travaux. Il a aussi fallu compter avec des épisodes de tempête provoquant de la verse et des risques mycotoxines en hausse sur la fin de campagne. Autre élément à prendre en compte pour gérer au mieux cette récolte : le taux d’humidité très élevé, atteignant jusqu’à 38 %, entraînant des surcoûts de séchage et parfois de logistique, le matériel de séchage étant mis à rude épreuve. Du fait de la baisse du prix du gaz, « les coûts de séchage devraient être un peu plus réduit qu’en 2023 ». 

Au 18 novembre, les récoltes étaient réalisées sur 82 % des surfaces (contre 96 % en moyenne quinquennale), avec une grande hétérogénéité entre les régions les plus avancées et celles les plus en retard : 94 % des maïs récoltés en Bourgogne-Franche-Comté et dans le Grand Est mais 81 % en Nouvelle-Aquitaine et en Pays-de-la-Loire et seulement 56 % en Bretagne.

Des marchés à privilégier et d’autres à réguler

Côté marchés, Franck Laborde a rappelé l’importance de favoriser les marchés de proximité à l’exportation : le Benelux par rapport à l’Alsace ou l’Espagne par rapport au Sud-Ouest. Il a aussi affirmé l’opposition de l’AGPM à la signature de l’accord avec le Mercosur, en rappelant notamment que 95 % du maïs produit au Brésil est d’origine OGM et que 77,5 % des produits phytosanitaires utilisés au Brésil sont interdits en France (55 % dans l’UE).  L’effet Ukraine est aussi prégnant sur les prix des maïs en Europe de l'Ouest. « Les prix proposés par l’Ukraine pèsent sur ceux des pays proches de ce pays, comme la Roumanie par exemple, qui deviennent des zones de dégagement naturelles. Et cet effet se transmet progressivement à l’Ouest. Quant on a un niveau de prix à 200 €/t en Europe de l’Ouest, on peut trouver des maïs à 120 €/t en Roumanie ».

Sur le marché français en particulier, on peut considérer que le niveau de cours de 200 €/t sur Euronext permet aux producteurs de dégager une marge brute positive ; en dessous, ça devient délicat. « Et encore, c’est vrai compte tenu des bons rendements enregistrés cette année mais attention, dans certaines régions et pour certains producteurs, les rendements ne sont pas bons ou très hétérogènes », tempère Franck Laborde. 

Le maïs, une filière de solutions et stratégiquement nécessaire

Si la récolte 2024 se révèle satisfaisante, « l’hétérogénéité de campagne importante entre 2022, 2023 et 2024 montrent l’importance de mieux gérer le risque climatique, technique et de marchés… et de réassurer les agriculteurs sur l’accès aux moyens de production essentiels », n’a pas manqué de faire remarquer Franck Laborde, président de l’AGPM, lors de la présentation du bilan de campagne 2024 en France, jeudi 28 novembre. Plusieurs points ont été mis en avant :

  • Ne pas interdire de molécules pour les produits phytosanitaires sans solution de remplacement ;
  • Garantir l’accès à l’eau pour les producteurs, notamment en levant les contraintes liées au stockage/réserves d’eau et en évitant d’encadrer le remplissage des réserves par des dates ;
  •  Permettre l’accès aux nouveaux moyens de production, de type nouvelles techniques de génétique (NBT) ;
  • Améliorer le cadre réglementaire et législatif (loi d’orientation agricole, proposition de loi Duplomb/Menonville qui vise à simplifier le métier d'agriculteur notamment en le plaçant sur un pied d'égalité avec ses pairs étrangers, projet de loi de finance et projet de loi de finance de la sécurité sociale).

« Le maïs est un volet fondamental de l’économie dans certains territoires en France et il possède des atouts non négligeables en matière de décarbonation. Il capte huit fois plus de carbone qu’il n’en émet et contribue à la production de biomasse pour fabriquer du biogaz et du bioéthanol », rappelle l'AGPM.

Semences de maïs made in Ukraine

L’AGPM veut aussi attirer l’attention des pouvoirs publiques sur une nouvelle problématique pour la filière : les semences en provenant d’Ukraine. Ces dernières ont obtenu une reconnaissance d’équivalence à la norme UE en 2020. Depuis, et selon Eurostat, les volumes importés sont passés de 9 184 quintaux en 2021-2022 à 120 981 quintaux aujourd’hui. Il s’agit d’une menace pour l’excellence de la filière semence française. Un courrier a été envoyé le 29 novembre au gouvernement français pour reprendre le travail entamé sous le précédent gouvernement, de façon à pouvoir activer de façon momentanée la clause de sauvegarde afin de mieux réguler les flux.   

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