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Melon : le problème croissant des virus

Auparavant présents surtout dans le Sud-est, les virus posent de plus en plus de problèmes dans tous les bassins de production de melon. En l’absence de solution curative, tout doit être fait pour s’en prémunir et éviter leur dissémination.

Les virus sont un problème croissant en cucurbitacées. Alors qu’en 1998, seules 35 espèces de virus de 17 genres étaient identifiées au niveau mondial, on dénombrait 59 espèces de 20 genres en 2012 et 100 espèces de 28 genres en 2020. « Depuis 35 ans, un « nouveau » virus est observé en moyenne tous les deux ans en zone méditerranéenne », souligne Cécile Desbiez, d’Inrae. Et au-delà du Sud-est, les virus sont désormais présents dans tous les bassins. « Dans le Centre-ouest, ils posent problème en melon depuis deux à trois ans. En 2020, tous les producteurs ont été touchés », indique David Bouvard, de l’Acpel.

Souvent transmis par les pucerons

Un virus est un parasite obligatoire infectieux, souvent pathogène, de petite taille. Sa structure est simple : une coque protéique et un seul type de génome (ARN ou ADN) contenant l’information génétique. La majorité des virus des plantes a besoin d’un vecteur pour se disséminer. Les principaux sont les pucerons (60 %), mais certains virus sont transmis par des aleurodes, coléoptères, champignons, thrips, nématodes ou encore par le pollen, la graine ou par contact. En France, les principaux virus posant problème en melon sont transmis par des pucerons. Trois d’entre eux sont transmis en mode non persistant (voir encadré) : le WMV et le ZYMV, du genre Potyvirus, qui regroupe 25 % des virus de plantes connus, et le CMV (genre cucumovirus). Le CABYV (genre polerovirus) est transmis en mode persistant. Une enquête virus des cucurbitacées menée en 2016-2017 dans le Sud-est a montré que les virus les plus fréquents sont le WMV et le CABYV. Le CMV est aussi assez fréquent en melon. Le ZYMV est relativement peu fréquent, souvent tardif, mais grave. Le melon necrotic spot virus (MNSV, ou virus de la criblure du melon), transmis par la graine, est quant à lui peu fréquent et a été trouvé uniquement sur melon. Certains virus peuvent être transmis par des aleurodes (Bemisia tabaci, Trialeurodes vaporarium), en mode semi-persistant ou persistant. « Les virus émergents au niveau mondial ces dernières décennies sont souvent transmis par des aleurodes, en lien avec l’émergence de certains biotypes de Bemisia tabaci, précise Cécile Desbiez. Ils entraînent des problèmes agronomiques importants, notamment les begomovirus. En Europe, le seul begomovirus connu sur cucurbitacées est le ToLCNDV. » D’autres virus importants peuvent être transmis par le sol (nepovirus, transmis par des nématodes, carmovirus comme le MNSV transmis par un champignon du sol et par la graine).

Pas de solution miracle

Les symptômes, qui apparaissent une à trois semaines après l’infection, peuvent être des mosaïques, flétrissements, crispations, nécroses… sur feuilles et fruits, avec souvent un impact fort sur le rendement et la qualité. En l’absence de virucide, la protection passe par l’utilisation de matériel sain (plants, semences), l’élimination des plantes malades, l’enlèvement des adventices et repousses sur la parcelle et aux abords, et la désinfection des outils. Des résistances génétiques existent aussi contre certains virus. S’il n’y a pas de résistance forte en melon contre les ZYMV, WMV, CMV et CABYV, une résistance monogénique forte existe contre le MNSV. Le gène Vat, qui confère une résistance au puceron Aphis gossypii et à la transmission de virus par A. gossypii a aussi une efficacité partielle contre la dissémination du CABYV, mais peu ou pas contre les WMV, ZYMV et CMV qui peuvent être transmis par de nombreux autres pucerons. Autre solution : le contrôle des vecteurs (pucerons, aleurodes…). « Les traitements chimiques sont toutefois peu efficaces contre les virus à transmission non persistante et peuvent même la favoriser, signale Cécile Desbiez. Comme la transmission se fait en quelques secondes, le traitement peut augmenter les déplacements des pucerons qui vont alors piquer plusieurs plantes. » La lutte biologique a une efficacité variable. La protection des abris par des filets insect-proof est une solution, encore plus en pépinière pour obtenir des plants sains. Autre piste : les paillages plastique réfléchissants, qui gênent les vecteurs, mais sont vite recouverts en cucurbitacées, ou encore sous abri des plastiques anti-UV qui perturberaient les pucerons et aleurodes. En plein champ, des bandes fleuries ou enherbées peuvent aussi être utiles, grâce aux auxiliaires et au fait que les pucerons piqueraient d’abord les fleurs et se déchargeraient ainsi en virus.

A lire aussi : Une année atypique en melon

Quatre principaux virus en melon

ZYMV (Zucchini yellow mosaic virus) : le plus grave en melon

Observé dès 1973 en Italie, le ZYMV est apparu en France en 1979 et a émergé au niveau mondial en quelques années. Transmis par plus de 20 pucerons, il entraîne des symptômes variables (mosaïques, déformations sur feuilles, entre-noeuds courts, flétrissements…) mais a souvent un impact fort sur le rendement et la qualité, avec parfois des mosaïques et craquelures sur fruit, une chair dure, liégeuse… Ses hôtes sont surtout les cucurbitacées, mais il peut infecter aussi quelques plantes ornementales (bégonia, delphinium) et adventices (lamier amplexicaule).

WMV (Watermelon mosaic virus) : le plus fréquent mais pas le plus grave

Identifié en 1965, le WMV est présent dans la plupart des zones de culture de cucurbitacées, surtout en conditions tempérées et méditerranéennes. Il peut être transmis par plus de 30 pucerons. On note une forte variabilité moléculaire et une évolution rapide des souches. Les symptômes peuvent être forts, avec des mosaïques sur feuilles et fruits, moins visibles sur fruits mûrs. Sa gamme d’hôtes comprend plus de 170 espèces, cucurbitacées, pois, carotte, épinard, orchidées et de nombreuses adventices qui servent de réservoir à virus en hiver.
CMV (Cucumber mosaic virus) : fréquent mais moins grave en melon

Un virus de répartition mondiale qui compte 1 300 espèces hôtes (tomate, maïs, adventices). Sa transmission se fait en mode non persistant par plus de 40 pucerons. Son impact peut être important, mais pas en melon où l’on constate des symptômes plus ou moins sévères de mosaïque sur feuilles et fruits, mais qui régressent sur fruits mûrs.
CABYV (Cucurbit aphid-borne yellows virus) : souvent non reconnu

Très fréquent, mais souvent non reconnu et moins grave que d’autres virus, le CABYV entraîne le jaunissement des feuilles âgées, sans symptômes sur fruits, mais avec une possible baisse de rendement par coulure des fruits. Sa localisation est limitée à la sève et il est transmis en mode persistant, surtout par Aphis gossypii. Sa gamme d’hôtes est assez large et inclut les cucurbitacées et des adventices qui servent de réservoir de virus.

A savoir

mode non persistant (CMV, WMV, ZYMV…). Le virus peut alors être transmis par de nombreuses espèces de pucerons. Le puceron se charge immédiatement en virus en piquant l’épiderme d’une plante infectée, mais n’est plus infectieux après quelques heures.

mode persistant (CABYV…). Le virus n’est transmis que par une ou deux espèces de pucerons. L’acquisition du virus dans la sève d’une plante infectée est lente (plusieurs heures), mais le puceron reste infectieux toute sa vie.

Un nouveau virus identifié sur cucurbitacées

Un nouveau virus potentiellement nuisible en melon a été détecté en France cet automne, le tomato leaf curl New Delhi virus (ToLCNDV), organisme de quarantaine au niveau européen, ce qui implique l’obligation de déclaration et la mise en place d’un plan de surveillance. Connu depuis 1992 en Inde, où il cause de gros dégâts en tomate, il a été identifié en Europe à partir de 2012, en Espagne, Italie, Grèce, Portugal, et en Afrique du nord. En France, il a été détecté sur quatre parcelles de courgette, une en Occitanie et trois en Provence-Alpes-Côte d’Azur. « Les souches émergentes dans le bassin méditerranéen sont différentes de celles trouvées en Inde et ailleurs et très homogènes au niveau moléculaire, ce qui peut traduire une introduction unique », signale Cécile Desbiez. Sa transmission se fait principalement par Bemisia tabaci, sur le mode persistant, ce qui signifie que l’acquisition du virus par l’aleurode est lente mais que l’insecte reste ensuite infectieux toute sa vie. Une transmission par la graine a aussi été décrite en Italie sur courgette mais son impact agronomique réel est mal connu. « En général, quand il y a transmission sur une longue distance, celle-ci se fait par les plantes. Puis le virus est transmis entre parcelles par les insectes. » Sa gamme d’hôtes est large globalement, mais plus étroite pour la souche méditerranéenne. « Il y a eu quelques cas en tomate, poivron, aubergine, mais le virus s’attaque surtout aux cucurbitacées. On l’a trouvé aussi en Espagne sur des adventices très fréquentes comme l’ecballium, le datura, la morelle noire, le laiteron. » Les symptômes sur melon sont la crispation des feuilles avec des mosaïques et jaunissements marqués, un rabougrissement des plantes et des fruits fendus et craquelés.

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