Matériel végétal : l’eau chaude pour assainir le matériel fruitier
La faisabilité du traitement à l’eau chaude d’organes végétatifs est évaluée sur plusieurs espèces fruitières, en vue de renforcer la lutte contre les maladies lors de la multiplication du matériel végétal.
La faisabilité du traitement à l’eau chaude d’organes végétatifs est évaluée sur plusieurs espèces fruitières, en vue de renforcer la lutte contre les maladies lors de la multiplication du matériel végétal.
Le matériel fruitier multiplié et implanté sur le territoire est soumis à une forte pression sanitaire influant sur la compétitivité du secteur. Les échanges importants de matériel végétal et l’accroissement des menaces de bioagresseurs épidémiques placent la filière fruitière française dans une situation inédite. Le défi pour le certificateur, les centres de ressources biologiques et les multiplicateurs impliqués est de faire évoluer l’outil avec les techniques de multiplication, les exigences liées aux différentes espèces fruitières et les exigences de contrôle sanitaire associées aux organismes réglementés suivis. La thermothérapie utilise la sensibilité à la chaleur de la plupart des agents pathogènes des espèces végétales dans l’objectif de les éliminer. Les techniques et le type de matériel végétal traités sont variés : par air chaud ou par trempage dans l’eau chaude, sur fruits, matériel multiplié in vitro, rameaux ou plantes entières. La mise en œuvre consiste à traiter le végétal à une température permettant la multiplication de la plante tout en inhibant la multiplication du pathogène. Une partie de la plante traitée non contaminée par le pathogène est ensuite prélevée pour l’isoler et la multiplier. Dans le cas du traitement à l’eau chaude (TEC), la technique de thermothérapie est basée sur le trempage d’organes végétatifs (porte-greffe, boutures, plants, greffons) dans des bains d’eau chaude thermostatée. Elle a été développée sur vigne dans les années 1990 et est aujourd’hui utilisée à large échelle (voir encadré).
Le TEC évalué sur huit couples « hôte-pathogène »
La stratégie de TEC en place pour la vigne rejoint en partie des problématiques des filières fruitières. C’est pourquoi le projet ThermoFruit, lancé en 2019 pour trois ans, propose d’évaluer la faisabilité du TEC pour l’assainissement de matériels fruitiers vis-à-vis de plusieurs pathogènes : Plum plox virus (Sharka) sur abricotier, pêcher et prunier, HLB sur agrumes, feu bactérien sur poirier et pommier et ECA sur abricotier et prunier. Le projet rassemble le CTIFL, l’Inrae avec quatre Centres de ressources biologiques (CRB Citrus, CRB Prunus et CRB Fruits à pépins), et est financé par un projet Casdar. Une première action du projet (2019-2020) consiste à évaluer l’impact du TEC sur les tissus végétaux. Le matériel végétal retenu est utilisé à œil dormant (rameaux fruitiers d’été). Les expérimentations sont réalisées à l’aide de bains thermostatés de type et dimensionnement « laboratoire ». Les rameaux à greffons sont mis à tremper dans des bains d’eau chaude selon différentes modalités de temps et de températures, puis le matériel est observé après traitement pour vérifier la présence de lésions ou dégradations par la chaleur. Dans l’objectif de confirmer la viabilité des tissus, des yeux issus de chacune des modalités de traitement sont ensuite greffés sur des jeunes porte-greffes (indemnes de virus et maladies de type viral) élevés en pots en serre ou sous abris. Après une période de dormance, le taux de reprise de chacune des modalités est observé au démarrage des yeux greffés pour évaluer l’impact du traitement sur les tissus.
Définir des durées d’exposition et seuils de température
La deuxième action du projet (prévue pour 2020-2021) a pour objectif d’évaluer la sensibilité au TEC de tissus végétaux infectés par un agent pathogène en conditions expérimentales. L’intention est de définir des couples « durée d’exposition et seuils de température » permettant de détruire les agents pathogènes cibles tout en préservant les tissus végétaux. Les résultats collectés au cours de la première action doivent permettre de cibler les plages de températures adaptées à chaque espèce fruitière. Pour chaque couple «hôte-pathogène», des rameaux à greffons issus de plants infectés sont mis à tremper dans des bains d’eau chaude selon différentes modalités de temps et de températures. Puis des yeux issus de chacune des modalités sont greffés sur des jeunes porte-greffes élevés en pots en serre de confinement. Après une période de dormance, le taux de reprise de chacune des modalités est évalué au démarrage des yeux greffés. Dès que la quantité de matériel végétal sera suffisante, un échantillonnage permettra de vérifier la présence ou l’absence du pathogène et ainsi d’évaluer l’impact du traitement sur les pathogènes. Les applications envisagées à l’issue du projet sont variées : renforcer les schémas de multiplications contrôlés comme la Certification fruitière, permettre aux acteurs de la filière de disposer de procédures robustes d’introduction de matériels fruitiers sur le territoire ou encore fournir aux professionnels de la pépinière des garanties sanitaires complémentaires pour le matériel fruitier destiné à l’export. Mais c’est également au niveau des collections variétales et des ressources génétiques fruitières que des bénéfices sont attendus, par l’application de mesures permettant de minimiser les risques sanitaires lors des échanges de matériels sur le territoire.
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Une technique éprouvée sur vigne
Les travaux conduits sur la vigne dans les années 1990 en France (IFV, Inra) et en Suisse notamment ont permis la caractérisation des paramètres de traitement à l’eau chaude de bois et plants de vigne pour lutter contre le phytoplasme associé à la flavescence dorée. Ces travaux ont conduit dès 2003 à la reconnaissance de ce procédé par le ministère de l’Agriculture pour permettre le traitement du matériel issu de zones infestées. Le déploiement de cette technologie a été coordonné par FranceAgriMer en 2015 à l’échelle de la filière afin de permettre les échanges de matériel destiné à la plantation dans les zones indemnes du pathogène. Le TEC en filière vigne est aujourd’hui utilisé dans plusieurs pays européens.
Réalisable à l’échelle des filières de multiplication ?
Une troisième action de ThermoFruit, non incluse dans le projet financé, est prévue à partir de 2021 avec le Centre d’expérimentation de pépinières (CEP). Elle vise à évaluer la faisabilité technologique du traitement à l’eau chaude à l’échelle des filières de multiplication en place pour les arbres fruitiers. FranceAgriMer et les stations de traitement de la filière vigne seront sollicités. Il faudra définir avec elles les conditions d’application propres à leurs installations : quantité de matériel pouvant être traité et modalités de traitement compatibles avec le protocole retenu dans le cadre des actions 1 et 2 de ThermoFruit. Les plages de températures selon les couples « espèce-pathogène », retenues pendant la seconde action, seront éprouvées en conditions externes, sur du matériel fruitier non infecté collecté au sein des partenaires pépiniéristes.