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Chiffres clés : Automotrice et robot d’alimentation se font concurrence

Face au robot d’alimentation qui réduit l’astreinte sans réellement la supprimer, la mélangeuse automotrice en individuel fait valoir son débit de chantier.

Répondant aux contraintes de main-d’œuvre des élevages dont la taille ne cesse de croître, les robots d’alimentation ont le vent en poupe depuis trois ans. Leur coût élevé reste toutefois un sérieux frein, d’autant que dans la plupart des exploitations équipées, l’automatisation n’est que partielle. En effet, mis à part les quelques installations équipées de coûteux silos tours, le désilage reste une tâche régulière à réaliser. Suite aux premières enquêtes réalisées en Basse-Normandie par les chambres d’agriculture auprès d’éleveurs équipés de robots depuis deux ou trois ans, Christian Savary, conseiller machinisme de la Manche, confirme : "sur l’échantillon analysé, le temps moyen accordé à l’alimentation varie de trois quarts d’heure à une heure. Pour éviter les échauffements, le désilage en cube est généralement réalisé tous les deux jours. La surveillance, l’entretien de la cuisine et le paramétrage de l’installation prennent aussi quelques minutes quotidiennes ". Face à ce constat, le conseiller estime que l’alternative de l’automotrice en individuel peut s’avérer tout aussi efficace pour limiter le besoin de main-d’œuvre. " Avec une machine de 12 m3, on compte environ 70 vaches laitières au tour, sachant qu’avec une bonne organisation, on atteint 15 à 20 minutes par tour. "

L’automotrice plus limitée pour les rations complexes

L’automotrice tient ainsi la comparaison, à condition d’avoir une ration pas trop complexe et un faible nombre de lots d’animaux. « Lorsque l’on a une ration avec dix ou douze ingrédients, les temps de chargement et de mélange deviennent vite limitants. De même si la taille des lots ne permet pas d’optimiser le volume de la mélangeuse. »

Autre élément différenciateur, les infrastructures à mettre en place ne demandent pas les mêmes moyens. La réussite d’une automotrice réside dans un regroupement du stockage des aliments, et des zones d’intervention bien stabilisées. En comparaison, la mise en place d’un robot est plus contraignante. S’il évolue sur un rail, il ne pourra desservir que des bâtiments très rapprochés. S’il est guidé au sol, il peut parcourir une certaine distance, moyennant des pistes bétonnées dont la longueur peut rapidement gonfler le coût de l’installation. À noter que de nombreux robots n’ont pas la capacité de franchir des pentes importantes, une contrainte supplémentaire lorsqu’il y a un dénivelé important entre deux bâtiments. À cela s’ajoute la surface de bâtiment nécessaire à l’installation de la cuisine, qui est plus ou moins conséquente en fonction du nombre d’équipements nécessaires à la préparation de la ration (tables de stockage, convoyeur, mélangeuse…).

Un amortissement plus long pour le robot

Enfin, l’approche économique est différente entre un robot et une automotrice. La durée d’amortissement d’un robot peut atteindre douze à quinze ans, alors que celle d’une automotrice se limite généralement à sept à dix ans. Si l’investissement dans une automotrice en individuel se situe entre 100 000 et 120 000 euros pour un modèle de 12 m3, le coût du robot est très variable. Il va de 80 000 euros pour une installation basique, sans système de stockage des aliments (bol de 10 m3, wagon de 3-4 m3 et 100 m de rail), à plus de 150 000 euros lorsque la cuisine intègre plusieurs tables de stockage des fourrages, des trémies à concentrés, des convoyeurs… Sachant qu’à cela s’ajoutent les frais liés à la surface de bâtiment nécessaire à la cuisine.

Quant au coût d’utilisation, il doit être étudié au cas par cas : si le robot prend l’avantage avec sa consommation électrique très peu onéreuse (1,50 à 2 euros par jour, d’après Christian Savary), il n’est pas mieux placé en coût d’entretien si l’on se réfère aux contrats de maintenance du leader du secteur : deux niveaux de 2 300 et 5 000 euros par an.

"L’automotrice optimise l’organisation et le confort de travail"

Utilisateur d’une automotrice en Cuma pendant plusieurs années, le Gaec des Fenassiers, dans les Côtes-d’Armor, a récemment investi dans sa propre machine.

"Les années d’expérience avec une automotrice en Cuma nous ont convaincus de l’intérêt de la mélangeuse automotrice pour optimiser l’organisation du travail, assure Antoine Ollivier, éleveur en Gaec avec son père Gérard et Luc Gesret à Plénée-Jugon, dans les Côtes-d’Armor. Ayant moi-même été le chauffeur de la Cuma avant de m’installer, j’avais pu analyser tous les gains en termes d’astreinte et de confort de travail que peut apporter une automotrice par rapport à un bol traîné." Quant à l’alternative du robot d’alimentation, le Gaec l’a d’emblée écarté. "Nous ne voyons un intérêt au robot que s’il permet d’automatiser toutes les taches, notamment le désilage. Or, cela imposait d’investir dans un silo tour, ce qui n’était pas envisageable sachant que l’on dispose d’un silo couloir récemment construit. Et le fait que tous les animaux ne soient pas sous le même bâtiment aurait compliqué le parcours du robot."

35 à 40 minutes par jour pour alimenter 250 animaux

La mélangeuse automotrice RMH VS121 assure depuis début novembre la distribution pour 250 animaux au total, avec cinq rations différentes : deux pour les 110 vaches laitières (1,1 million de litres), une pour les génisses, une pour les taries et une pour les 50 taurillons. Toute la distribution est effectuée chaque matin, hormis le dimanche, celle du samedi assurant le week-end. Profitant d’un stockage groupé des composants de la ration (ensilage d’herbe et de maïs, foin, paille et concentrés), à proximité des bâtiments d’élevage, excepté celui des taurillons éloigné de 800 mètres, les associés du Gaec consacrent un minimum de temps à l’alimentation. "En comptant le chargement, le mélange et la distribution, on passe environ 35-40 minutes chaque matin pour alimenter tous les animaux", apprécie Antoine Ollivier.

Au moment de choisir leur matériel, les associés ont ciblé une machine adaptée à une utilisation individuelle : un gabarit compact avec un bol de 12 m3, une fraise de 1,80 m et un moteur 4 cylindres de 120 chevaux. "Nous avons sélectionné trois marques avec des machines aux prestations similaires : c’est le budget qui a fait la différence. Avant de partir sur le neuf, nous avons également étudié le marché de l’occasion. Mais pour une machine de 2 000 heures en état, il faut compter environ 80 000 euros, un écart trop faible avec une machine neuve qui est amortie sur dix ans et qui devrait bien vieillir avec ses 200 heures par an", précise l’éleveur.

Une petite automotrice à 100 000 euros

Pour atteindre les 100 000 euros, l’automotrice est assez basique du côté des trains roulants. "Son essieu arrière directeur à petites roues et son homologation à 25 km/h la cantonnent à la cour de ferme. Elle fait simplement le trajet pour les taurillons." En revanche, elle ne fait pas l’impasse sur les équipements de confort d’utilisation. "On dispose d’un système de pesée avec les différentes rations programmées, et de deux caméras : une au sommet du bol pour observer le mélange et une à l’arrière pour reculer en sécurité. La nouvelle cabine est équipée de grandes vitres qui offrent une bonne visibilité. Quant aux phares de travail, on a mis le paquet avec des projecteurs à leds. C’est primordial quand on travaille de nuit." La prise en main de l’automoteur s’est déroulée sans difficulté, "mes associés et notre salarié ont rapidement maîtrisé la conduite de cette automotrice compacte et maniable. Une fois que l’on a intégré le fonctionnement du système de pesée, les commandes n’ont rien de très compliqué. La pédale d’avancement qui gère à la fois la marche avant et la marche arrière peut perturber au départ."

Des gains de temps et d’argent avec le robot d’alimentation

Le Gaec des Châtaigniers a fait l’acquisition d’un robot d’alimentation pour se dégager du temps et améliorer la production par tête. « Lorsque je me suis installé, notre priorité était ce gain de temps », annonce Stéphane Barbot, en Gaec avec son frère Jean-Yves, à la Pouëze, dans le Maine-et-Loire. Le troupeau est conduit pour obtenir une production maximale par vache et réduire la taille du cheptel. Doté d’une salle de traite classique 2x6 à décrochage automatique, le Gaec, qui produit 700 000 litres avec 76 vaches, n’a pas souhaité investir dans un robot de traite, estimant que le gain de temps n’était pas au rendez-vous et que les coûts d’installation (robot et modifications du bâtiment) et d’entretien étaient trop élevés. « En revanche, notre réflexion s’est portée sur la robotisation de l’alimentation, car la mélangeuse et le tracteur qui la tractait arrivaient en bout de course, explique Stéphane. Dans un premier temps, nous avons essayé de constituer une Cuma de désilage avec chauffeur, mais nous n’avons pas réussi à rassembler les 3 000 000 litres de quota nécessaires pour un coût d’alimentation acceptable. De plus, l’automotrice, même en acquisition individuelle, nécessitait de renforcer tous les bétons et ne passait pas partout dans nos bâtiments. » « Et une seule distribution par jour ne nous apparaissait pas idéale dans notre philosophie d’alimentation pointue », poursuit Jean-Yves Barbot.

Un peu plus chère à l’achat (140 000 € de robot + 20 000 € d’armature et de rail), la solution du robot est apparue comme une source d’économie et de gain de temps. « Nous gagnons une heure par jour et 1 600 litres de carburant par an, sans compter les frais d’entretien du tracteur, estiment les deux associés, après six mois d’expérience. Et la solution Kuhn que nous avons choisie, notamment pour la compacité de la cuisine et les faibles besoins énergétiques, ne consomme que 1,5 kW par jour pour 70 laitières, soit 65 centimes par jour et 250 euros HT par an. »

Avec neuf apports quotidiens de 5 h à 23 h, le Gaec a pu augmenter la portion de fibres dans l’alimentation, ce qui auparavant se soldait par des refus dans l’auge. « Maintenant, il ne reste plus rien dans l’auge, apprécie Jean-Yves Barbot. Les vaches ont une meilleure rumination et une meilleure valorisation du fourrage : on ne constate plus d’amaigrissements des vaches lors des premières semaines après le vêlage. Et mieux encore, les taux protéique et butyreux ont tous les deux pris deux points, sans pousser à fond, ce qui se traduit par un gain de plus 20 euros pour 1 000 litres. Cela suffit à rentabiliser l’investissement. Et j’estime à 300 litres le gain de production annuel par vache. De 76 vaches, on devrait passer en dessous de 70 têtes, ce qui me fera gagner du temps à la traite. »

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