Les atouts de la viande de canard Barbarie
Face au canard Pékin, le canard de Barbarie présente de nombreux avantages. Sa commercialisation reste toutefois complexe.
« Deux races de canard sont exploitées dans le monde pour la viande : l’Anas platyrhyncos domesticus ou canard Pékin, importé de Chine en Europe au XIXe siècle, et le Cairina Moschata ou canard de Barbarie, originaire des régions intertropicales d’Amérique, mais qui supporte des températures très basses, et a été introduit en Europe au XVIe siècle », rappelle Roland Tonarelli, animateur de la filière canard du groupe LDC et directeur du pôle Maître Coq-Favreau Couthouis (1). Le canard de Barbarie étant plus difficile à élever que le Pékin, la France assure l’essentiel de la production européenne. « Le reste de l’Europe a progressivement fait le choix du Pékin, plus facile à élever », a-t-il précisé.
Valorisation de toutes les pièces
Face au Pékin, le canard de Barbarie a pourtant plusieurs avantages. « Même s’il y a un dimorphisme sexuel, le Barbarie est plus lourd que le Pékin et a un poids de filet supérieur », souligne Roland Tonarelli. Le Barbarie mâle offre ainsi un poids vif de 4,6 kg et 320-350 g de filet, contre 3,5 kg de poids vif et 240-280 g de filet pour le Pékin. La femelle Barbarie par contre ne pèse que 3,2 kg, avec 200-260 g de filet. « En élevage, 75 % des canards de Barbarie sont des mâles et 25 % des femelles. » Autre atout du Barbarie : toutes les pièces sont valorisées. « Le gésier, les manchons, l’aiguillette, le cœur sont valorisés, alors qu’ils ne le sont pas en Pékin. Le Pékin étant plus petit, l’aiguillette est laissée sur le filet et les manchons sur la carcasse. »
La sélection ayant produit un canard de Barbarie presque entièrement blanc, un atout pour la vente de duvet, la plume est également bien valorisée, à 45 euros le kilo, avec 700 g de plume par canard. « La valorisation de la plume est très importante dans l’équilibre économique du canard de Barbarie. » Les pattes, très palmées, sont valorisées en Asie, notamment en Chine, où elles constituent un mets rare et se vendent 4,50 euros le kilo. « Alors qu’en Pékin, les pattes ne sont pas valorisées et la plume très faiblement. » Enfin, la langue se vend 20 euros le kilo en Chine.
Accorder tous les marchés
Les destinations et les débouchés varient toutefois selon les pièces. « La diversité des débouchés rend la commercialisation du canard de Barbarie très complexe, assure Roland Tonarelli. Tous les marchés doivent être demandeurs. Il y a aussi la concurrence de la Pologne et de la Hongrie avec du canard Pékin, notamment sur les cuisses, et sur le marché français celle du magret, à l’image très qualitative et parfois moins cher que le filet, comme c’est le cas depuis début 2024. » S’y ajoute le fait que le canard de Barbarie est plus difficile à élever que le Pékin, que sa durée d’élevage est de 77 jours pour le mâle et 68 jours pour la femelle, contre 42 jours en Pékin, et que le bec doit être épointé. Enfin, l’activité en congelé export oblige à stocker toute l’année pour vendre sur le dernier trimestre. Un point positif cependant est que la viande de canard est une alternative à la viande rouge. « En 2023, alors que la consommation de viande de boucherie a baissé de 3,7 % par rapport à 2022, celle de canard a augmenté de 13 %. »
Un marché du canard convalescent en France
Alors qu’en 2018, selon les données Cicar, 40,2 millions de canetons de Barbarie ont été produits en France, les mises en place en 2022 sont descendues à 21,9 millions, du fait de la crise Covid puis de l’influenza aviaire. Mais en 2023, même si les abattages étaient encore en recul de 37 % par rapport à 2019 et l’export de 35 %, les mises en places sont remontées à 22,5 millions. Au premier semestre 2024, elles étaient très supérieures à celles de 2023. « Sur les six premiers mois de 2024, les abattages de canard ont atteint 92 000 tonnes en France, dont la moitié en canard à rôtir, contre 53 000 tonnes sur la même période en 2023, soit une hausse de 73 %, rapporte Roland Tonarelli. La filière sort progressivement de la crise de l’influenza aviaire. Les abattages augmentent toutefois aussi de 45 % en Pologne, 64 % en Hongrie et 9 % en Allemagne. »