L’éclosion des poussins à la ferme est applicable en Label rouge
Une étude terrain menée par l’Itavi et Euralis montre que l’éclosion à la ferme est possible en poulet Label rouge. Elle apporte aussi une nouvelle dimension au métier d’éleveur.
Une étude terrain menée par l’Itavi et Euralis montre que l’éclosion à la ferme est possible en poulet Label rouge. Elle apporte aussi une nouvelle dimension au métier d’éleveur.
L’Itavi a déjà montré que l’éclosion des poussins à la ferme est réalisable dans des bâtiments équipés de radiants, mais aucune donnée n’existait jusqu’à présent en production Label rouge. Le principal défi technique de cette pratique est de maintenir constamment à 36 °C la température de surface de coquille sur tous les œufs durant trois jours.
Est-elle réaliste pour des volailles plein air démarrées en bâtiments à ventilation statique, équipés de radiants fournissant un chauffage localisé et spatialement hétérogène ? Et peut-on observer des bénéfices en termes de bien-être et de performances chez les poulets à croissance lente, comme c’est le cas pour les poulets à croissance rapide ?
C’est ce qu’a voulu savoir l’Itavi, en faisant un test grandeur nature avec la coopérative Euralis. Celle-ci l’a proposé à Jean Castagnet, éleveur dans les Pyrénées-Atlantiques, et à son technicien Bertrand-Miguel Casedevant, tous deux motivés pour générer les premières références en production fermière.
Adapter la cabane pour maîtriser la température
Jean Castagnet démarre ses 8400 poussins dans huit poulaillers mobiles de 60 m² (7 m x 8,6 m), équipés de deux radiants Systel de 6,5 kW déportés vers la sous-pente (à 1,40 m du sol), avec un réglage thermostatique de la température. Comme il l’explique, « les cabanes étant de petite taille, elles ont une faible inertie. En été, les températures montent fortement l’après-midi et descendent bien la nuit, ce qui implique d’importantes fluctuations sur 24 heures Le pilotage de la température n’est pas si simple ».
Dans les deux cabanes d’essai, les radiants ont été déplacés en position centrale et à 2,20 m de hauteur pour obtenir une zone de température plus large et optimale pour l’accueil des œufs dans des alvéoles cartonnées disposées trois jours avant l’éclosion.
Par sécurité, la litière a été remontée au niveau des trappes pour éviter tout risque de courant d’air parasite et le bâtiment a été préchauffé deux jours avant l’arrivée des œufs.
Surveillance continue de la température
Dans chacune de ces cabanes, l’installation d’un boîtier de régulation des radiants et de huit capteurs Ovoscan ont permis d’atteindre et de maintenir 34,5 °C en ambiance (avec une plage de variation de 1 °C). La température de coquille visée se situait entre 36,1 °C et 36,7 °C durant les trois jours avant éclosion pour atteindre environ 37,8 °C à son approche.
Les données étaient consultables par l’éleveur, son technicien et l’Itavi sur un portail web. L’application émet des alertes quand la surface des œufs est en dessous de 35,6 °C et au-dessus de 38 °C. Cet outil a permis de trouver le bon positionnement des alvéoles et de gérer l’ouverture des fenêtres pour éviter la surchauffe des œufs, l’essai ayant démarré en période de canicule.
Les œufs sont arrivés à 9 h 30 le vendredi 22 juillet 2022, en plein épisode de coup de chaleur. À midi, la température dans les cabanes dépassait de 2°C la consigne, à environ 36 °C. L’après-midi, les fenêtres des cabanes ont dû être ouvertes, le thermomètre dépassant les 40 degrés à l’extérieur.
Comportement et performances améliorés
L’éclosabilité a été excellente à l’élevage où elle a atteint 97 %, comme au couvoir, malgré les fortes chaleurs. La qualité des poussins a aussi été très bonne, ceux éclos à la ferme obtenant les meilleurs scores, expliqués par une proportion plus importante de poussins éveillés et mobiles.
À J1, les poussins nés en élevage étaient plus lourds de plus de 4 g (42,3 g), un écart expliqué par l’accès précoce à l’eau et à l’aliment. Le poids vif d’abattage des poulets était supérieur de 37 g (2 180 g), soit le gain d’une journée d’élevage. Les attrapeurs ont mentionné que ces poulets étaient moins farouches et plus calmes. Leur poids de carcasses suit la même tendance avec +16 g (1 500 g). Ils affichent des taux plus faibles de déclassement (-2 %), de saisie (-0,3 %) et de griffures récentes (-7 %). Les indices de consommation n’ont pas pu être comparés, faute de relevé d’aliment par cabane.
Moindre qu’en production de poulet conventionnel, le gain de performance technique ne compense pas le surcoût des œufs, de gaz, de vaccin et le temps de travail supplémentaire sachant que la rémunération reste la même. L’atteinte et le maintien de la température cible se pose en condition hivernale. La non-maîtrise du nombre exact de poussins nés, imposée par le cahier des charges, serait un frein au développement de cette pratique en production Label rouge.
Une pratique valorisante pour l’éleveur
Jean Castagnet est ravi d’avoir testé l’éclosion à la ferme dans son élevage. « On a eu chaud dans tous les sens du terme, mais au final tout s’est bien passé ! » Plusieurs stress se sont accumulés : la nouveauté de la pratique, la modification de l’installation de chauffage, la canicule et l’envie de bien faire.
L’éleveur a augmenté son temps de travail, comme suit par cabane : une heure pour installer 1150 œufs, cinq heures pour surveiller les températures, retirer les non éclos et faire le tri pendant l’éclosion, deux heures pour la surveillance générale et la vaccination coccidiose. Malgré ce surcroît de travail l’éleveur est « fier d’avoir fait naitre les poussins dans ma ferme, de contribuer à leur bien-être en ayant eu de bonnes performances ».
Mobilisation de nombreux partenaires
Pour disposer d’un suivi complet, cet essai inédit a impliqué des acteurs de l’amont et de l’aval en plus de l’éleveur et de l’Itavi. Le couvoir Socavic (40) a fourni des œufs à couver de cœur de ponte issus des mêmes reproducteurs et du même incubateur. Tous les poussins ont été vaccinés in ovo (Gumboro et Marek), ainsi que contre la coccidiose pour ceux nés au couvoir. Le couvoir Josset-Aviloire (BD France-44) a mis à disposition les huit Ovoscans. L’abattoir Ronsard de Losse (40) a séparé les lots (éclos et non à la ferme) pour suivre le poids et la qualité des carcasses. L’éleveur Jean Castagnet, Bertrand-Miguel Casedevant de la coopérative Euralis et le cabinet vétérinaire Anibio (64) ont assuré avec l’Itavi le suivi des indicateurs sanitaires et comportementaux, des performances d’éclosion, de croissance et d’abattage. L’essai a été financé par l’Institut Carnot F2E.