« Le bien-être de nos vaches et veaux, nous y veillons et nous en parlons »
Dans la Sarthe, Sylvia Delangle communique sur son métier. Les formations au bien-être animal l'ont aidée à progresser encore. Son objectif : avoir une bonne image auprès des « extérieurs ».
Dans la Sarthe, Sylvia Delangle communique sur son métier. Les formations au bien-être animal l'ont aidée à progresser encore. Son objectif : avoir une bonne image auprès des « extérieurs ».
À l'EARL des sables, dans la Sarthe, Sylvia Delangle fait partie de la commission bien-être animal de l'Association des producteurs Bel Ouest (APBO). Cette organisation de producteurs a développé un cahier des charges qui impose entre autres, un minimum de 150 jours de pâturage par an, et de suivre une formation sur le bien-être animal au moins une fois tous les trois ans.
Sylvia Delangle ne s'intéresse pas par hasard au bien-être animal, ou plutôt à comment répondre aux attentes sociétales sur ce point. Depuis longtemps, elle fait un peu de vente directe – lait cru et aujourd'hui faisselle, fromage blanc. « Cette activité est dimensionnée pour me permettre d'échanger avec les gens de l'extérieur, sans que ce soit trop chronophage pour moi. Je transforme un jour toutes les deux semaines. Les clients commandent et viennent chercher à la ferme leurs produits, sur un créneau horaire précis. On discute et ils peuvent visiter la ferme. »
Les questions des « extérieurs » nous sensibilisent
D'autre part, elle et son mari sont engagés dans la vie locale. « À ces occasions, on peut répondre aux interrogations des gens hors milieu agricole. Cela nous sensibilise aux attentes sociétales, car nous voulons que notre métier ait une bonne image. »
Sur le bien-être animal, il y a une différence entre la perception qu'ont les personnes extérieures à l'agriculture et les éleveurs. « Le bien-être animal pour moi, éleveuse, ce sont les cinq libertés fondamentales : l'absence de faim, de soif, d'inconfort, de blessures ou de maladie, de peur de l'être humain ; et c'est la possibilité d'exprimer des comportements naturels. Nous sommes attachés à nos animaux, et nous veillons à leur bien-être pour qu'ils nous le rendent bien. »
Pour les « extérieurs », c'est assez différent. « Le premier point important à leurs yeux est la liberté de mouvement de l'animal, qu'il puisse vivre en plein air, dans les prés, et qu'il puisse avoir des interactions sociales. Ils m'interrogent sur la séparation veau-mère. Je leur explique que si on attend trop (plus de 12 heures), la séparation est douloureuse : ils meuglent pendant plusieurs jours. Elle est moins stressante quand elle intervient tôt. » En revanche, pas de questions sur l'écornage des veaux, qui est pourtant un chapitre important. « Comme s'ils avaient oublié que les veaux développent des cornes et que nous les retirons. »
Améliorer encore les conditions de pâturage
L'EARL répond au cahier des charges de l'APBO sur le pâturage. Pour améliorer les conditions de pâturage, les chemins principaux ont été refaits. En été, les vaches traites sont mises de préférence sur les parcelles bordées de bois offrant de l'ombre. « Notre projet est d'accroître les surfaces de pâturage pour les laitières, avec de l'ombre. Nous avons acquis une parcelle de deux hectares en bordure de forêt. On baissera peut-être la surface des taries au profit des vaches. Cette année, avec un conseiller de la chambre d'agriculture, nous allons planter des haies ou des bosquets le long de certaines clôtures. Car il y a encore quatre parcelles où il n'y a pas d'abri naturel. »
De la place sur l'aire paillée
Quand Sylvia et Gaël Delangle se sont installés sur la ferme des sables en 2006, faite pour 40 vaches laitières, ils ont d'abord investi pour agrandir la stabulation, pour que les vaches soient bien. Leurs 65 vaches ont une aire paillée dimensionnée pour 80 vaches. « Nous sommes restés en aire paillée essentiellement pour une raison de coût. Et j'aime que les vaches soient dans une aire totalement libre. Je trouve qu'il y a plus d'interactions entre les animaux. » Puis, ce fut le tour de la salle de traite, qui était une 2x4. « Les vaches restaient longtemps debout dans l'aire d'attente. » Aujourd'hui, c'est une 2x8. Et grâce à deux extracteurs d'air, il y a moins de mouches.
« Aujourd'hui, il faudrait améliorer l'ambiance de l'aire de couchage l'été. Quand on observe les vaches, on voit qu'elles cherchent les courants d'air. Mais il ne faut pas dégrader le confort en hiver. Peut-être avec un bardage côté ouest qui s'ouvre davantage l'été et se resserre en hiver. Mettre quelques ventilateurs à pâles ? », s'interroge Sylvia Delangle.
Un écornage des veaux plus précoce
L'EARL fait partie des fermes qui ont testé le diagnostic BoviWell en 2020 (données 2019). Elle a été bien notée, sauf sur les veaux. « Ils ont un critère mortalité qui n'était pas bon en 2019. C’était une année exceptionnelle, avec de la coccidiose. Nous avons mis en place un protocole de désinfection et de vide sanitaire des locaux, ainsi qu'un traitement préventif sur les génisses de 1 mois. » Et l'écornage était réalisé trop tard et sans anti-douleur.
Lire aussi : « Le diagnostic bien-être animal BoviWell nous aide à progresser », au Gaec de Barbezieux, en Meurthe-et-Moselle
En janvier dernier, l'éleveuse a suivi une formation sur l'écornage. « Aujourd'hui, j'écorne entre 3 semaines et 1 mois. Pas avant, car plus jeunes, les veaux sont trop nerveux. Avec un fer horn’up à batterie au lieu d’un fer classique. Et j'administre un anti-inflammatoire en sous-cutané, qui agit contre la douleur avec une bonne durée d'action (72 heures). Il est plus cher, mais au moins la douleur est bien prise en charge. » Avant 4 semaines d'âge, l'anesthésie n'est pas obligatoire et Sylvia ne le fait pas. Comme d'autres éleveurs, elle n'aime pas cet acte très technique, avec des produits qui peuvent avoir des effets secondaires, et coûteux (7,50 € HT par veau environ).
Un parage préventif des vaches
Sylvia a aussi suivi une formation de deux jours au parage. « Avant, je n'appelais le pareur qu'en urgence. Maintenant, je fais du préventif. Je commence par le faire venir tous les quatre mois, pour remettre le troupeau sur pattes. Puis, il pourra venir moins souvent. » L'éleveuse a décidé aussi de travailler la génétique. La formation l'a aidée à observer les animaux et à déceler les pratiques à risque et les zones à problème. Par exemple, « je pensais qu'il fallait attendre une heure après la traite pour que le sphincter du trayon se referme bien. Donc on maintenait fermée la barrière d'accès à la stabulation après la traite, et les vaches restaient du coup trop longtemps debout. Depuis ma formation, on ouvre la barrière juste après la traite. » Sur l'aire d'exercice, il y a une zone d'eau stagnante, liée à un défaut du sol. « J'ai réalisé que c'était un facteur favorable aux dermatites. On va donc équiper notre racleur d'un caoutchouc pour mieux racler l'aire d'exercice. »
Sylvia Delangle insiste sur l'intérêt des formations. « On est attentif au bien-être animal. Mais il y a des points qui nous échappent. Les formations permettent aussi d'aiguiser le regard. J'observe mieux mes animaux, leurs déplacements, leurs postures, leurs comportement. Et les formations, c'est aussi une ouverture, des échanges avec les autres éleveurs. »
Chiffres clés
Valoriser les engagements
L'APBO a développé un cahier des charges pour répondre à des attentes sociétales. Bel s'engage sur un prix du lait de base objectif à 350 €/1 000 l et des primes pour le non-OGM (15 €/1 000 l) et le pâturage (6 €/1 000 l).
Le cahier des charges. 100 % des adhérents de l'APBO apportent une alimentation sans OGM à leurs troupeaux. 98 % s'engagent sur une sortie à l'herbe d'au moins 150 jours par an. Avec au moins 4 ha de pâturage pour les vaches traites, plus 1,2 ha par 100 000 l produits. Tous les adhérents doivent suivre une formation sur un élément du bien-être animal. Au moment du contrôle par un organisme extérieur, la formation doit dater de moins de trois ans.
Faire connaître les bonnes pratiques. « Bel ne met pas assez en avant notre travail et nos progrès : pas de publicité, l'étiquetage des produits commence à peine... On ne fait pas tout ça pour rien ! », s'inquiète Sylvia Delangle. Elle n'attend pas, et explique ses pratiques et le métier, en ouvrant sa ferme. « On demande de plus en plus de choses aux éleveurs, des justificatifs, des contrôles. Il faut un retour : communiquer sur nos pratiques ; et que les consommateurs acceptent de mettre le prix pour des pratiques respectueuses, du bien-être animal et de l’environnement. »