Vaches laitières : « La repro impacte directement la marge sur coût alimentaire »
Bertrand Méline, nutritionniste indépendant chez RumiSens Conseil, explique comment une bonne gestion de la reproduction permet d’améliorer sa marge sur coût alimentaire.
Pourquoi utiliser la marge sur coût alimentaire comme critère économique ?
Bertrand Méline - « Connaître sa marge sur coût alimentaire (MCA) est primordiale pour optimiser son bilan technico-économique. C’est la première chose à calculer dans un élevage. Elle est directement impactée par l’efficacité de la reproduction. L’analyse des données de l’élevage, le suivi du troupeau, la conduite de l’alimentation, la gestion du sanitaire ou encore la stratégie d’achats des éleveurs interviennent également sur la MCA. L’objectif est d’avoir une marge sur coût alimentaire supérieure à 7 euros par vache et par jour. »
En quoi la reproduction peut-elle améliorer la MCA ?
B. M. - « La reproduction impacte directement le mois moyen de lactation et par conséquent la production laitière par vache et par jour et la marge sur coût alimentaire. Quand vous le réduisez, vous remontez la courbe de lactation du troupeau vers le pic de lactation. Cette réduction augmente mécaniquement la moyenne de production laitière journalière des vaches. Il y a beaucoup d’élevages qui se situent autour de 6 à 6,5 mois. Le gain de production laitière dépend de la situation de départ. Si vous passez de 6,5 mois à 5,5 mois avec un troupeau à 10 000 litres de lait, vous gagnerez environ 9 % de lait. Si vous le diminuez à 5 mois, vous augmenterez la production laitière par vache et par jour de 15 %. Être à 150 jours de mois moyen, c’est vraiment l’idéal. Mais ce n’est pas évident de le maintenir dans la durée. »
Comment conserver un stade de lactation proche de 150 jours ?
B. M. - « En ce qui concerne la reproduction, il faut travailler deux grandes thématiques. Il faut inséminer précocement, dès 40 à 50 jours post-partum et gérer les vaches en retard. Ces dernières sont en effet très pénalisantes parce qu’elles sont très avancées en lactation. Elles pénalisent la rentabilité du troupeau, même si elles produisent encore 26 à 28 kg de lait. Il faut donc gérer les vaches qui ne sont pas encore inséminées 80 jours après le vêlage. Il ne faut pas attendre 120 ou 150 jours si vous voulez atteindre l’objectif d’un intervalle vêlage-vêlage inférieur à 385 jours. Cela implique que 70 % des vaches soient inséminées une première fois avant 80 jours post-partum. Les suivis du vétérinaire permettent de choisir le protocole à appliquer aux vaches qui sont hors délai et de réformer certaines vaches suffisamment tôt. »
Inséminer dès 40 jours post-partum n’est-il pas risqué ?
B. M. - « Non. C’est possible à condition de le faire sur des vaches éligibles à une insémination précoce. C’est-à-dire les vaches qui n’ont eu aucun problème post-partum, ni métabolique (acétonémie, acidose, hypocalcémie, etc.), ni sanitaire (vaginite, métrite, endométrite, etc.). Il y a encore beaucoup d’éleveurs qui attendent trop. Il est possible d’inséminer tôt car l’ovocyte qui sera fécondé (ou non) est issu d’une vague folliculaire qui a démarré pendant le tarissement. Donc, durant une période avec peu de problèmes métaboliques quand elle est bien gérée. A contrario, si vous attendez trop, vous risquez d’inséminer alors que l’ovocyte a maturé pendant une période (début de lactation) qui n’est pas favorable à sa qualité. »
Quels sont les prérequis pour inséminer précocement ?
B. M. - « La qualité de la détection des chaleurs est primordiale. Il faut être au-delà de 80 % de vaches détectées en chaleurs avant 50 jours post-partum. La gestion des rations des vaches taries doit être optimale. Il faut bien suivre l’évolution de leur état corporel pendant la phase de préparation au vêlage. Durant cette phase, le pH urinaire doit être au maximum de 7,5. L’idéal est de viser un pH de 5,5 à 6, mais en le faisant en plusieurs étapes. Une bonne ingestion au tarissement, autour de 11 à 12 kg de matière sèche par jour, est indispensable. Le taux de protéine de la ration doit se situer entre 13 et 14 % par kilo de matière sèche ingérée (kg MSI). Pour l’énergie, il ne faut pas dépasser 0,85 UFL/kg MSI et 19 % d’amidon/kg MSI. La Baca doit se situer entre 0 et 50 meq/kg MSI. Sans oublier la couverture des besoins en minéraux. Il faut notamment garder à l’esprit que lorsque vous travaillez la Baca au tarissement, les besoins en calcium d’une vache en préparation-vêlage sont supérieurs à ceux d’une vache en lactation. Ils sont de 10 g/kg MSI versus 8 g/kg MSI pour des vaches en début de lactation. Un suivi du calcium sanguin des vaches en début de lactation ainsi que des analyses précises des fourrages peuvent aider à bien piloter cet aspect. »
La marge sur coût alimentaire se calcule en multipliant le produit lait (l/vache/j) par le prix du lait (€/l) desquels il faut soustraire le coût de la ration (€/vache/j).
Un mois de moins et 35 000 euros de plus par an
Pour illustrer l’intérêt de réduire le mois moyen de lactation autour de 5 à 5,5 mois, Bertrand Méline s’est basé, lors de son intervention aux troisièmes rencontres Bov’idée, organisées par la société Synthèse élevage, sur un troupeau avec un prix du lait à 0,360 €/l et un coût de la ration à 3,95 €/VL/j. Dans la situation de départ, les vaches produisent 29,8 l de lait par jour. Le mois moyen de lactation est de 6,5 mois. Dans ces conditions, la marge sur coût alimentaire est de 6,78 €/VL/j : 29,8 l x 0,360 €/VL/j - 3,95 €/VL/j. Elle est donc inférieure à l’objectif de plus de 7 €/VL/j.
En réduisant le mois moyen de lactation à 5,5 mois, la production laitière augmente à 32,5 l/VL/j (+9 %). Et la marge sur coût alimentaire passe à 7,75 €/VL/j : 32,5 l x 0, 360 €/VL/j - 3,95 €/VL/j. « Un gain de marge de 0,97 €/VL/j pour un troupeau de 100 vaches laitières, représente un gain de 2 910 € par mois et de 34 920 € par an », précise Bertrand Méline.
Ces montants peuvent être améliorés en optimisant le nombre de primipares intégrées dans le troupeau. Ces dernières produisent entre 15 et 22 % de lait en moins qu’une multipare. « Si vous gagnez 10 points sur le pourcentage moyen de primipares (de 40 % à 30 %), vous augmenterez la production laitière de 2 %. La production passe à 33,1 l/VL/j. Et la marge sur coût alimentaire passe à 7,97 €/VL/j, soit un gain de plus de 40 000 € par an. » Cela implique donc d’avoir une bonne longévité des vaches dans le troupeau et d’avoir une stratégie de réforme en adéquation avec les objectifs du troupeau.
Le saviez-vous ?
Calculer le taux de vaches gestantes permet d’évaluer comment le mois moyen de lactation du troupeau va évoluer. Il se calcule en divisant le stade moyen de lactation (en jours) par le pourcentage de vaches gestantes. L’objectif est d’avoir un ratio inférieur à 3. Avec un troupeau à 150 jours de lactation et 50 % de vaches gestantes, le ratio est de 3. Avec 55 % de gestantes, il baisse à 2,7.
À retenir
]]> Viser un mois moyen de lactation de 150 jours
]]> Avoir un bon taux d’insémination (60 % en prim’Holstein), quitte à dégrader un peu le taux de réussite à l’IA
]]> Bien gérer les vaches en retard (non inséminées plus de 80 jours post-partum)
]]> Âge au premier vêlage précoce
]]> Ne pas intégrer trop de primipares dans le troupeau
]]> Bien gérer les vaches taries
]]> Stratégie de renouvellement (doses sexées, croisement viande, réformes)