« Un projet d'agrandissement doit se gérer en amont »
Places de couchage, stockage... L'évolutivité d'un site pâtit souvent d'un manque de réflexion globale, selon Jean-Marc Pilet de la chambre d'agriculture de la Mayenne.
Quelles sont les principales erreurs à éviter pour bien gérer un agrandissement ?
Jean-Marc Pilet, chambre d'agriculture de la Mayenne - «Il faut d'abord analyser sa situation de départ et les conséquences des changements sur le travail, le revenu, le respect de la réglementation environnementale, les bâtiments, les silos... avec des outils d'aide à la décision tels que Capacilait développé par l'Institut de l'élevage et les chambres d'agriculture.
Le problème le plus fréquemment rencontré est l'absence d'analyse globale. Les éleveurs ont trop tendance à se pencher sur le cas des vaches laitières en oubliant les génisses, les veaux, les ouvrages de stockage... et la façon dont ils s'articulent entre-eux. Par exemple, il faut conserver la possibilité d’étendre ses bâtiments sur le maximum de faces. Autre phénomène parfois sous-estimé, l'agrandissement se traduit souvent par l'augmentation du temps de présence des animaux dans le bâtiment. Il faut donc également se poser la question de l'accroissement des stocks de fourrages et de concentrés ainsi que des besoins en stockage d’effluents afin de gérer au mieux ces derniers d’un point de vue agronomique. »
Quelles sont les différentes solutions envisageables ?
J.-M. P. - « La place de couchage est très souvent le premier facteur limitant avec les capacités de stockage des effluents. Au-delà de 5 à 10 % de vaches en plus par rapport aux capacités de couchage, même de façon temporaire, l'éleveur prend des risques sur le plan sanitaire. Il faut absolument viser une place à l'auge et de couchage par animal.
Si le bâtiment est saturé, vous pouvez dans certains cas libérer des places occupées par d'autres animaux (génisses, vaches taries...). Sinon, vous pouvez installer des logettes dans une stabulation sur aire paillée pas assez profonde pour optimiser les places à l’auge sans modifier la structure du bâtiment. Mais pour obtenir un réel impact sur le nombre de places, il faut installer au moins trois rangées de logettes, ce qui est envisageable avec au moins 15-16 mètres minimum. D'où l'intérêt dans les projets aire paillée neufs de prévoir cette possibilité dès le départ. Avec ce type de réaménagement, il faut compter environ 500 euros par vache en incluant les tapis ou matelas. Cette solution peut cependant s'accompagner d'un nombre insuffisant de places à l'auge, de problèmes de contention, de rationnement et de bien-être animal. Tout dépend de la situation du bloc traite. Si vous installez un robot de traite avec trois rangées de logettes, en général vous avez un tiers de place à l'auge en moins. Si la fréquentation du robot est bonne, ça peut passer. En revanche, avec des systèmes de traite classique cela devient plus problématique, à moins de récupérer des places au niveau de la salle de traite.
Quand cette solution n'est pas envisageable, soit vous agrandissez la stabulation existante, à condition qu'elle ne soit pas trop vétuste et que le site le permette (pas d'autres ouvrages, de maison d'habitation d'un tiers à moins de 100 m, ruisseau, contraintes topographiques...), soit vous repartez sur un projet neuf. Le manque de places pour les vaches laitières et pour les autres animaux et le besoin d’un bloc traite conduit souvent à cette dernière solution relativement logique et évolutive. »
Pouvez-vous nous indiquer des ordres de prix ?
J.-M. P. - « Prévoir des extensions, surtout sur le papier, ça ne coûte pas cher. Après, toute la difficulté consiste à prévoir une marge de sécurité suffisante sans déraper sur les coûts. Si vous avez par exemple un projet pour 80 vaches, mieux vaut prévoir 5 à 10 places de plus et surtout les extensions du bâtiment.
La pire des situations, c'est quand il manque 6 ou 7 places. Pour un bâtiment neuf avec aire paillée plus aire d'exercice, il faut compter environ 2 400 euros HT par place supplémentaire hors mise aux normes. Avec des logettes (deux rangs), l'investissement monte à 2 700 euros HT par vache hors mise aux normes. Et si vous partez sur un projet neuf avec nouvelle salle de traite classique, un silo et une mise aux normes, le niveau d'investissement peut vite grimper à 6 ou 7 000 euros HT par place, voire plus ! Pour les nurseries, on peut toujours pallier un manque de places en installant des niches ou des igloos à l'extérieur avec un coût d'environ 550 € HT par niche et de 210 € par place en igloo collectif. »
Comment raisonner la construction des autres ouvrages ?
J.-M. P. - « Le raisonnement est le même que pour le bâtiment principal. Il faut prévoir les extensions sur les quatre faces, sans brider l’ambiance et les interactions (circulation) entre chacun.
Par exemple, pour un bloc traite, pour gérer d'éventuels besoins de postes supplémentaires, soit la maçonnerie a été prévue dès le début, soit il faudra prévoir l’impact d’un agrandissement sur le matériel, sur la maçonnerie, sur les niveaux, sur le parc d’attente, donc penser au maximum de portes de sortie en cas d’évolution ! »