Récolter un ensilage d’herbe extra
Date de coupe, chaîne de récolte, confection du tas… sont essentielles pour récolter un ensilage de qualité. L’exposition maximale du fourrage sur la surface de fauche améliore le séchage. Voici les règles d’or d’un ensilage réussi.
Date de coupe, chaîne de récolte, confection du tas… sont essentielles pour récolter un ensilage de qualité. L’exposition maximale du fourrage sur la surface de fauche améliore le séchage. Voici les règles d’or d’un ensilage réussi.
Plus riche en matière azotée que le maïs fourrage, l’ensilage d’herbe est un fourrage assez complet qui permet d’améliorer l’autonomie protéique des rations hivernales. À condition toutefois que la qualité soit au rendez-vous. Or, ce n’est pas toujours évident de jongler avec la météo, la disponibilité du matériel, et les autres travaux des champs à assurer. Les valeurs nutritives de l’ensilage d’herbe peuvent fortement varier. Elles oscillent entre 0,60 et 1 UFL, 70 à 110 g de PDIN et 50 à 70 g de PDIE par kg de matière sèche. La valeur alimentaire de l’ensilage dépend d’abord de la qualité de l’herbe au moment de la fauche. Le premier objectif est en effet de faucher tôt pour optimiser la valeur alimentaire ; puis, tout au long de la chaîne de récolte, il faut s’attacher à limiter les pertes de sucres et de protéines pour rester le plus proche possible de la valeur de l’herbe sur pied. Sachant que celle-ci ne peut que diminuer au fil du temps. Bien sûr, les aléas climatiques interviennent, mais le savoir-faire et le choix de la chaîne de récolte s’avèrent également déterminants.
Cela étant, la qualité de l’ensilage d’herbe commence bien avant le chantier de récolte, dès l’implantation des prairies, par le choix des espèces fourragères les plus adaptées. Il est important de déterminer ses besoins en termes de pérennité, type de sol, climat, mode d’exploitation, et valeur alimentaire. Toutes les espèces peuvent être ensilées, mais leur comportement diffère selon leur physiologie. L’idéal pour l’ensilage est de privilégier les fourragères ayant une teneur élevée en sucres solubles. Les sucres agissent comme le carburant des fermentations. Plus l’espèce en contient, plus l’ensilabilité sera bonne. C’est le cas des graminées, en particulier du ray-grass. De leur côté, les légumineuses comme la luzerne ou les trèfles demandent plus d’attention. Non seulement elles s’avèrent moins riches en sucres, mais leur richesse en protéines et minéraux leur confère un pouvoir tampon élevé qui ralentit l’acidification au silo et limite la baisse de pH. D’où l’importance de réaliser des associations de graminées et de légumineuses pour faciliter leur conservation. Mieux vaut aussi recourir à des espèces qui sèchent facilement, comme le dactyle ou la fétuque élevée. Pour les ray-grass italiens, les variétés diploïdes, dotées de plus petites feuilles, se révèlent moins riches en eau que les tétraploïdes et sèchent plus facilement.
« Une implantation réussie conditionne le potentiel de la prairie », avance Mickaël Coquard de Rhône Conseil Elevage. La préparation du lit de semence est primordiale. Cela suppose d’obtenir une terre fine et de semer dans le premier centimètre sur un sol rappuyé pour favoriser un bon contact sol-graine et favoriser le tallage dès les premières semaines d’implantation. Sans une surface plane, il sera illusoire de chercher à faucher à 7 cm. D’où l’intérêt de bien niveler la parcelle en amont et d’aplanir les fameux bourrelets de herse.
Le stade de récolte détermine la qualité potentielle du fourrage. Il se définit en fonction des objectifs de l’éleveur. « Plus il récolte des fourrages jeunes, plus son fourrage sera dense en énergie et protéines », rappelle Mickaël Coquard.
Pour les graminées, la récolte est possible dès la montaison. Selon les espèces et les variétés, les fourragères s’accommodent de dates de fauche plus ou moins précoces. Les RGI et RGH peuvent s’ensiler courant montaison, tandis que le RGA se récolte davantage à un stade feuillu avant épiaison. Quant aux légumineuses, l’optimum se situe au stade début bourgeonnement-bourgeonnement. Au-delà, le rendement augmente mais la qualité protéique et énergétique du fourrage commence à se dégrader.
« Dans les régions où l’eau devient rapidement limitante (dès le mois de juin), la fauche précoce a aussi l’avantage d’assurer des repousses de qualité et de caler un maximum de la production (2 voire 3 coupes) avant la période critique de l’été », complète Anthony Uijttewaal, spécialiste fourrages à d’Arvalis. Dans ces zones, les RGI et RGH décollent tôt et peuvent se récolter dès début avril, voire dernière décade de mars si l’année s’y prête. Alors que dans les régions plus tardives, ce même stade se retrouve fin avril-début mai. « Évidemment, la météo contraint aussi parfois à s’écarter de la date optimum de récolte, poursuit le conseiller. C’est bien la météo qui a le dernier mot. Impossible de respecter le stade cœur de cible si le sol ne porte pas et/ou si les conditions climatiques ne sont pas réunies pour atteindre l’objectif de matière sèche. »
Si on fauche plus bas que 7 cm, on obtient plus de rendement mais on récolte des tiges peu digestibles, peu énergétiques, pauvres en protéines… et au final, on déconcentre le fourrage récolté. L’objectif de 7 cm de hauteur de fauche limite la remontée de terre et de pierres.
Faucher haut évite la contamination par les spores butyriques et aide au séchage. « Le fourrage se trouvant perché sur des chaumes et non en contact avec le sol, sèche plus facilement car de l’air circule dessous, ce qui contribue aussi à une meilleure homogénéité de séchage. » Disposer de chaumes de 8 à 10 cm facilite également les interventions. Les exploitants ne sont pas obligés de descendre les dents de l’andaineur, on gagne quelques précieux centimètres quand on regroupe les andains. « Bien maîtriser la hauteur de fauche présente encore plus d’enjeu pour les éleveurs disposant de giro-andaineurs à rotors », précise Anthony Uijttewaal.
Enfin, le fait de faucher haut améliore la vitesse de repousse. « Les 7 cm laissés au sol contiennent une part importante de réserves, qui pénaliserait la repousse si la plante s’en voyait privée. »
Le taux de matière sèche est le premier critère de réussite d’un ensilage d’herbe. C’est lui qui dicte 90 % de la réussite, en intervenant sur la conservation. « Le taux de matière sèche ne doit pas être inférieur à 30 % ; les ensilages trop humides sont responsables de pertes par jus (sucres et protéines), sont encombrants et mal consommés. » Pour les graminées, mieux vaut viser 35 % MS. On peut se situer entre 30 et 35 % si les graminées se révèlent peu riches en MAT (moins de 15 %). Avec des légumineuses, il faut monter à 40 à 45 % MS, voire 45-50 % MS en luzerne. « En fait, tout dépend de la composition chimique du fourrage, analyse Anthony Uijttewaal. Plus le fourrage est jeune et riche en MAT, plus il faudra le préfaner pour préserver sa protéine et éviter qu’elle ne se solubilise. Des graminées récoltées très tôt avec des teneurs en MAT très intéressantes (18-20 % MAT) méritent d’être récoltées à 40 % MS, comme des légumineuses. »
Il n’y a pas de contre-indication à viser des teneurs en matière sèches plus élevée (40 %, voire 50 %). « Tant que la bâche est fermée, il n’y a rien à craindre, précise l’expert. Le danger réside dans le risque de reprise en fermentation et d’échauffement à l’ouverture du tas, en particulier sur les couches superficielles du silo ne bénéficiant pas d’auto-tassement. » Plus le fourrage est récolté sec, plus le silo referme d’air. La porosité augmente du fait de la difficulté à tasser et de la teneur en MS élevée. Un hachage fin est préconisé pour augmenter la densité de matière sèche. Le maintien d’un cordon hermétique sur le silo et une vitesse d’avancement rapide sont conseillés.
Après la fauche, la plante continue de respirer et le fourrage s’appauvrit. Tant que la plante n’est pas stabilisée par acidification, son catabolisme se poursuit et entraîne des pertes de matière organique digestibles de 1,5 % par jour. D’où l’intérêt de raccourcir le délai entre la fauche et la fermeture du silo. La consommation de sucres est proportionnelle au temps de séchage. « Ceci dit, je préfère laisser préfaner 48 à 60 heures pour atteindre 35-38 % MS que récolter un fourrage en 36 heures à 25 % MS », précise Anthony Uijttewaal.
L’ensilage d’herbe est plus difficile à tasser que l’ensilage de maïs. Tant que le fourrage n’est pas tassé correctement, il est inutile d’apporter une nouvelle remorque.
Comment s’effectue le séchage ?
Comprendre le B.A. BA. du séchage de l’herbe permet de réaliser un travail efficace à la récolte. Jusqu’à 35 % MS, l’évacuation de l’eau de la plante s’effectue principalement par les pores de la plante, appelés stomates. Cette forte évaporation est possible à condition que les stomates soient exposés à la lumière du soleil les premières heures après la fauche. Par contre, s’ils sont tenus à l’ombre, ils se referment et ne permettent pas d’évacuer l’humidité. « Tant que les stomates restent ouverts, jusqu’à 35-40 % MS, le séchage est rapide, précise Mickaël Coquard de Rhône Elevage Conseil. Par temps ensoleillé, les 35 % Ms peuvent être atteints en 24 à 36 h. » Au-delà de 35 % MS, la vitesse de séchage ralentit, l’eau doit traverser la membrane des feuilles (la cuticule) pour s’évacuer. C’est seulement à partir de ce moment-là que l’action mécanique de la conditionneuse se révèle utile pour accélérer le séchage.
Gare aux butyriques
L’ensilage d’herbe a la réputation de favoriser des comptages butyriques élevés. Les butyriques se multiplient fortement dans les ensilages insuffisamment tassés et mal fermés. Tous les ensilages d’herbe contiennent naturellement des bactéries butyriques, mais l’objectif est de limiter leur présence en créant un milieu qui leur est défavorable, notamment en visant un taux de matière supérieur à 30-35 % MS.
L’incorporation de particules de terre, où les spores sont naturellement présentes, participe aussi à la contamination. Attention aux conditions de récolte, à la hauteur de fauche, et au soin apporté à la confection du silo.
L’épandage des effluents peut également contribuer à contaminer le silo. Pour éviter de retrouver des résidus de fumier ou de lisier, il faut épandre bien en amont de la fauche en respectant un délai d’un mois et demi pour les lisiers, et en privilégiant plutôt un épandage à l’automne précédent pour les fumiers. Mieux vaut aussi éviter d’épandre sur une herbe largement développée. « L’une des situations à risque concerne les prairies de fauche qui ont continué à bien pousser durant l’automne et qui recevront du lisier au printemps », alerte Anthony Uijttewaal d’Arvalis.
Un ensilage qui sent fort l’ammoniac signe une forte présence de bactéries butyriques. Il en résulte un gaspillage de matière organique, une perte d’appétence (qui limite l’ingestion) et des risques de pénalités sur le paiement du lait.
Les bactéries butyriques créent des déséquilibres protéiques. Elles « débobinent » ou prédigèrent une partie des protéines, ce qui favorise les protéines rapidement dégradables dans le rumen (urée) au détriment celles digestibles dans l’intestin.