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Quand l’eau génère des problèmes en cascade

Baisse de production laitière, cellules, diarrhées, mauvais nettoyage du matériel de traite… Les écueils liés à des défauts de qualité touchent aussi bien les animaux que les équipements.  

Baisse de l’ingestion d’eau

Les quantités d’eau consommée varient en fonction de l’âge, du poids, du stade physiologique, des conditions climatiques, de la teneur en matière sèche des aliments… En période de fortes chaleurs, une vache produisant 30 kilos de lait peut consommer plus de 150 litres d’eau par jour. Quand un bovin ne peut pas boire assez d’eau, il ingère moins de fourrages, de concentrés… Cela se traduit par une baisse de ses performances voire des troubles de la santé. Attention donc à la quantité d’eau disponible, notamment suite à l’augmentation de l’effectif du troupeau sur un site. Le débit d’eau et l’accès aux abreuvoirs doivent rester suffisants. Mais ce n’est pas tout ! Certains défauts de qualité perturbent le débit et la qualité organoleptique de l’eau, avec à la clé une baisse de la consommation : excès de fer et chlore, souillures dans les abreuvoirs. « 0,25 % de fumier dans de l’eau suffit pour diminuer la consommation », a expliqué le vétérinaire Gaël Cheleux(1), lors d' un symposium organisé par Vétalis en juin dernier. La température intervient également. « En hiver, un prérefroidisseur de tank à lait peut également servir à réchauffer l’eau des vaches. En cas d’abreuvoirs antigels, faire attention aux courants parasites (bien vérifier d’être relié à la terre). »

Un impact sur les cellules et mammites

« Concernant la contamination de l’eau par des bactéries, il n’existe aucune norme officielle pour les bovins, constate le vétérinaire. L’impact des contaminations bactériennes sur la santé des bovins dépend à la fois de leur quantité et pathogénicité. » En cas de suspicion, mieux vaut se renseigner auprès de son vétérinaire. Ce dernier confortera si nécessaire son diagnostic à l’aide d’une analyse d’eau.

Quoi qu’il en soit, malgré l’absence de preuves scientifiques, l’impact positif des traitements bactériologiques de l’eau sur les comptages cellulaires et les mammites est observé dans certains élevages. « Le risque est notamment avéré avec de l’eau dure. Cette dernière favorise la formation de biofilms et donc la multiplication des bactéries », prévient Gaël Cheleux.

Une baisse de production laitière

Au-delà de ses besoins d’entretien, une vache laitière doit consommer environ 3 litres d’eau pour produire 1 kilo de lait. « Une étude a montré que lorsque l’on réduit l’abreuvement de 50 %, on diminue l’ingestion des animaux de 30 % et la production laitière de 20 % », souligne Gaël Cheleux. L’impact sur la croissance a également été démontré.

Des problèmes de qualité du lait

En plus de l’impact sur les cellules et mammites, une contamination bactérienne de l’eau peut contribuer à la formation de biofilms à la surface des équipements (canalisation de traite…). Ces biofilms sont susceptibles de libérer ensuite des quantités plus ou moins importantes de bactéries dans le lait. Attention notamment aux contaminations du lait par les salmonelles, E. Coli

Une baisse des performances de reproduction

Les nitrates sont dégradés très rapidement dans le rumen en nitrites. Ces derniers sont en revanche dégradés lentement. En cas d’accumulation de nitrites, l’oxygénation du sang est perturbée. « Cela peut poser des problèmes de fécondité (absence de nidification de l’embryon en début de gestation). » La présence de salmonelles dans l’eau peut également provoquer des avortements.

Un nettoyage du matériel de traite moins efficace

La dureté de l'eau (eau trop calcaire) et le pH peuvent réduire l'efficacité des alcalins chlorés, des acides et des désinfectants utilisés pour nettoyer l’installation de traite. « Il faut viser un pH neutre autour de 7. » Par ailleurs, la présence de matière organique en suspension dans l’eau (débris végétaux, déjections…) favorise le développement microbien et neutralise le pouvoir désinfectant du chlore.

Baisse du débit d’eau

Les vaches s’abreuvent essentiellement après la traite ou lorsqu’elles s’alimentent. Les besoins en eau peuvent être très importants lors de ces périodes de pointe.  Un réseau mal calibré aux besoins (diamètre des tuyaux insuffisant, faible pression…) ou détérioré (colmatage, fuites…), limite l’abreuvement des animaux.Par exemple, l’excès de calcaire peut conduire à l’encrassement des canalisations. Ce dernier favorise le développement bactérien et diminue le débit d’eau dans le réseau. « L’eau commence à être dure à partir d’une valeur de 15 TH », précise Gaël Cheleux.

Or, une vache peut boire entre 15 et 20 litres d’eau en une minute. Le débit d’eau au niveau des abreuvoirs doit par conséquent être d’au moins 12 litres par minute. « Pour y parvenir, la pression au départ du circuit doit être au minimum de 2,5 bars. Il faut également tenir compte de la pente du circuit (+0,06 bar/60 cm de hauteur) parce qu’elle engendre de la perte de pression », précise Gaël Cheleux. Ce dernier préconise par ailleurs des circuits en boucle plutôt qu’en cul de sac. « Un circuit en boucle permet d’assurer un débit constant et limite les risques d’encrassement et de gel. »

Contamination bactérienne des abreuvoirs

Une pollution par de la matière organique (déjections, résidus de maïs…) favorise la prolifération bactérienne (biofilms dans les canalisations, algues…). En complément d’un traitement d’eau adapté, nettoyer les abreuvoirs, si possible, une fois par jour en période de fortes chaleurs et toutes les unes ou deux semaines le reste de l’année est vivement conseillé.

Détérioration précoce du matériel

L’excès de fer (plus de 0,3 mg/l) forme des dépôts pouvant obstruer les canalisations et bloquer des électrovannes des équipements de traite. Par ailleurs, il neutralise l’action désinfectante du chlore. De son côté, une eau très douce (< 8° TH) et acide (pH < 6,5) peut favoriser la corrosion des canalisations et au final contribuer à la libération d’éléments potentiellement dangereux comme le fer, le plomb, le cuivre…

(1) Ancien chercheur à la faculté de médecine vétérinaire de Liège, il est depuis novembre 2019 vétérinaire technique au pôle innovation chez Vétalis.

À savoir

« Quand on abreuve un bovin, on abreuve son rumen. Attention aux chocs thermiques pour la flore ! », prévient Gaël Cheleux. Pour optimiser la consommation d’eau, sa température doit être comprise entre 10 et 20°C, avec un optimum autour de 15 à 17 °C. 

Exemples de pathologies diverses et variées

. L’excès de chlore peut diminuer la baca et donc le risque de fièvre de lait. « Il faut cependant être très attentif lors du tarissement », recommande Gaël Cheleux. En excès, le chlore s’ajoute à la liste des perturbateurs endocriniens et peut provoquer une hypothyroïdie responsable de goitres chez les veaux et de baisse de production.
. Trop de sulfates (> 2 000 PPM) provoque des diarrhées chez les veaux.
. L’excès de fer ferreux (forme très soluble) modifie de façon indirecte le métabolisme des animaux. Il peut provoquer des carences en cuivre (baisse de production laitière, retard de croissance) et zinc. « Une carence en zinc provoque notamment des problèmes de la peau favorables aux flambées de dartres et de dermatites. »
. Une eau carencée en fer peut générer des anémies et des excès en cuivre et manganèse.
. L’excès de solides totaux dissous rime avec diarrhée. Il est mesuré à partir de la conductivité électrique de l’eau. Il augmente avec la teneur en minéraux de l’eau. « Jusqu’à 3 g/l, le bovin tolère. Au-delà, il y a des risques de diarrhées chez les veaux. à partir de 7 g/l, il faut éviter d’utiliser l’eau, et au-delà de 10 g/l, l'eau devient impropre à la consommation. »
. Une eau trop douce (< 7 TH) a un impact sur l’absorption et le métabolisme des oligoéléments. « Les vétérinaires devraient s’équiper d’un appareil pour mesurer la dureté de l’eau pour pouvoir conseiller correctement leurs clients. »

Tolérance zéro pour les veaux

« Il faut utiliser l’eau du réseau par défaut quand on ne dispose pas d’informations sur la qualité des autres eaux disponibles pour les veaux. Les veaux préruminants n’ont en effet pas encore de flore suffisamment active pour avoir un effet tampon sur des substances chimiques et bactéries », explique Gaël Cheleux. Les veaux sont également très sensibles aux contaminations bactériennes : salmonelles, E. Coli, cryptosporidies… Fournir une eau de qualité est d’autant plus importante que les veaux doivent disposer d’eau entre deux buvées de lait. « Trop souvent, on constate que les veaux en cases individuelles n’ont pas à boire en dehors du lait. Il faut cependant attendre au moins 10 minutes après la buvée avant de proposer de l’eau pour ne pas perturber la formation du caillé et donc la digestion du veau. »

Quelles sont vos obligations ?

La réglementation est stricte pour l’eau utilisée pour le matériel en contact avec le lait. Elle est en revanche plutôt « floue » pour l’eau d’abreuvement.

« En matière de réglementation sur la qualité de l’eau utilisée en élevage, les exigences sont celles du paquet hygiène, fixées dans deux règlements européens », explique Philippe Roussel, de l’Institut de l’élevage. « Dans le cas de l’abreuvement des animaux, il existe certaines recommandations variables selon les sources d’abreuvement (eau de surface…). Pour l’eau utilisée pour le matériel en contact avec le lait (lavage des circuits de lait et du matériel de traite, tank, matériel de transformation) ou la transformation à la ferme, l’eau doit être potable », précise Philippe Roussel.

Ces deux finalités aux exigences différentes se retrouvent dans les critères retenus par la charte des bonnes pratiques d’élevage. « Les animaux doivent pouvoir s’abreuver correctement à la fois en quantité et qualité. L’eau doit notamment être visuellement propre, sans excréments, claire et régulièrement renouvelée, résume Anne-Charlotte Dockès, de l’Institut de l’élevage. En revanche, la charte ne se prononce pas sur la potabilité de l’eau. »

La charte incite à doser le chlore

Concernant le second volet, l’enjeu, c’est la santé humaine. La charte définit par conséquent un certain nombre de critères pour assurer un bon nettoyage (eau propre, usage de produits désinfectants homologués…) et ne pas contaminer le lait avec des résidus (bactéries, produits de nettoyage…). « En cas de captage privé, la charte impose de faire une analyse bactériologique de l’eau tous les ans. L’éleveur peut être amené à en faire plusieurs pour vérifier qu’un problème de contamination a été résolu. »

En termes de qualité bactériologique, les deux limites de sécurité retenues par la réglementation concernent les bactéries Escherichia Coli et entérocoques intestinaux. Une eau potable ne contient aucune de ces deux bactéries. Parmi les autres nombreux points inclus dans la charte, rappelons qu’elle incite les éleveurs à doser le chlore lors d’une analyse d’eau en cas de désinfection avec du chlore. « Cette information s’avèrera utile pour préciser le diagnostic en cas de non-conformité des résultats bactériologiques, mais aussi pour s’assurer qu’il n’y a pas de dérive dans l’utilisation du chlore (surdosage). On peut considérer que 1 mg/l de chlore libre dans l’eau constitue un seuil maximum à ne pas dépasser pour une utilisation en élevage. »

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