« Nous sommes repassés à deux lots de vaches taries pour limiter l’excès d’engraissement »
Le Gaec Duhamel-Sorin, en Ille-et-Vilaine avait choisi de passer à une ration unique par souci de simplification il y a un an. Tout semblait bien se passer. Puis ils se sont ravisés, sur les conseils de leur vétérinaire.
Le Gaec Duhamel-Sorin, en Ille-et-Vilaine avait choisi de passer à une ration unique par souci de simplification il y a un an. Tout semblait bien se passer. Puis ils se sont ravisés, sur les conseils de leur vétérinaire.
Mi-avril, à l’exception des vaches taries et de quelques jeunes génisses, les bâtiments sont vides. Malgré une pousse d’herbe limitée par des températures particulièrement basses au début du printemps, le troupeau a été lâché dans un paddock. « L’herbe pâturée représente 30 % de la ration des vaches au printemps. À la mise à l’herbe, elles produisent 32 à 33 kilos de lait contre 33 à 34 kilos avec la ration hivernale », précise Stéphane Duhamel, associé avec son frère Thierry et son neveu Antoine Sorin, à la Chapelle-Janson.
Ce dernier a rejoint le Gaec en décembre 2020. Suite à son arrivée, la référence laitière du Gaec a augmenté de 300 000 litres et la SAU de 53 hectares. Les éleveurs avaient anticipé l’installation d’Antoine en augmentant progressivement l’effectif du troupeau de 50 à 90 vaches pour produire leur référence de 900 000 litres de lait.
Deux fois trop de maïs en début de tarissement
La phase de transition s’est plutôt bien passée. Tellement bien que, pour simplifier un peu leur travail, les associés ont décidé il y a un an de modifier la conduite du tarissement. Précisons que la ration des vaches en production est distribuée par une mélangeuse en Cuma. Mais celle des taries est préparée par Stéphane ou Antoine. « Cela représente une petite quantité à distribuer tous les deux jours. Du coup, nous préférons le faire nous-mêmes. » Le changement de cap a consisté à passer à une ration unique pendant les deux mois de tarissement. Tout semblait bien se passer. Mais, sur les conseils de leur vétérinaire, ils viennent de repasser à une conduite en deux lots.
Concrètement, la gestion des fins de lactation n'a pas été modifiée. « Nous arrêterons de distribuer 500 grammes de tourteau tanné au DAC aux vaches qui sont à deux-trois semaines du tarissement et à celles qui produisent moins de 25 litres. » En revanche, d’une gestion en deux lots avec une ration adaptée au début de tarissement et une autre à la préparation au vêlage, les taries sont passées à une ration unique pendant les deux mois de tarissement. Cette nouvelle ration se composait de 20 kg brut d’ensilage de maïs, de paille à volonté, de 2,5 kg de colza canola, d’un kilo d’orge, de 50 g de chlorure de magnésium et de 80 g d’un minéral spécial tarie. Elle correspondait plus aux besoins des vaches en préparation au vêlage qu’en début de tarissement.
Avant le changement, la conduite alimentaire du tarissement était la suivante : lors des huit premiers jours de tarissement, les vaches ne recevaient plus de concentré. Leur ration quotidienne se composait de 9-10 kg brut d’ensilage de maïs et de paille à volonté. Puis, pendant le mois suivant, la quantité de maïs passait à 15 kg brut par jour auxquels s’ajoutaient 2 kg de tourteau colza (ou de canola selon les opportunités) avec toujours un fond de paille.
10 UFL par jour, 13 % de protéines et une Baca faible
Durant les trois semaines de préparation au vêlage, la quantité d’ensilage de maïs était augmentée à 20 kg et le tourteau à 3 kg par jour. L’apport de 700 g/j d’orge permettait de concentrer la ration en énergie. La distribution de tourteau de colza et de chlorure de magnésium (100 g/VL/j) suffisait pour obtenir une valeur Baca basse (environ 30 mEq/kg de MS).
« Avec 13 % de protéines, un apport de 10 UFL par jour et une Baca basse, cette ration convenait bien aux vaches en préparation au vêlage. Par ailleurs, la quantité d’ensilage de maïs distribuée et l’orge ajoutée étaient suffisantes pour optimiser leur ingestion et les préparer à leur ration d’après vêlage », précise Jean-Marc Héliez, leur nutritionniste.
Les éleveurs confirment que cette conduite leur donnait satisfaction. « Notre priorité est de préparer les vaches à la lactation suivante et d’éviter les problèmes autour du vêlage. Et tant que nous avons fait comme cela, nous avons atteint nos objectifs », souligne Stéphane Duhamel. « Nous n’avons pas de problème avec la qualité du colostrum. Sa valeur en brix tourne autour de 25 % », complète Antoine Sorin.
Le changement de cap n’a pas eu de conséquences permettant d’alerter les éleveurs et leur vétérinaire. Il n’y a pas eu de problèmes de santé autour du vêlage tel que des non-délivrances ou des problèmes de caillettes. « Le pic de lactation des multipares a eu du mal à atteindre 50 kilos alors que les primipares atteignaient facilement 45 kilos », ont cependant constaté les éleveurs. Est-ce que leur investissement pour procurer un maximum de confort aux vaches taries a permis de gommer les effets de la simplification de la conduite alimentaire ? Difficile de l’affirmer.
D'autant qu’en cherchant bien, le passage à une ration plus proche d’une ration de préparation au vêlage que de début de tarissement a provoqué un léger excès d’engraissement. Stéphane et Antoine appréciant de voir des vaches « en forme », ils n’ont pas jugé nécessaire de lever le pied sur les quantités de maïs distribuées au début du tarissement.
Le déclic est venu des résultats des tests cétose sanguins réalisés dans le cadre du suivi sur les vaches en début de lactation. Ils ont révélé que plusieurs vaches étaient concernées par des acétonémies subcliniques. « En passant à un seul lot, les vaches en début de tarissement consommaient 8 kilos de matière sèche d’ensilage de maïs au lieu de 4-5 kilos. Cet excès énergétique en début de tarissement à dégradé l’ingestion des vaches avant et après le vélage, avec à la clé un déficit énergétique notamment sur les multipares qui montent plus vite et plus haut au pic de lactation », souligne Jean-Marc Héliez. « Pour éviter de dégrader le niveau d’ingestion des vaches à cause de l’excès d’apports en énergie en début de tarissement, nous avons décidé de repasser à une conduite en deux lots. »
Le confort des taries est un gros atout
Assurer le confort des taries est une des priorités au Gaec. « C’est un élément essentiel pour réussir le tarissement. Le confort permet de gommer certains défauts de qualité de la ration. Les vaches arrivent au vêlage sans avoir subi les inévitables stress liés aux réallotements continus d’animaux. C’est un gros point fort dans cet élevage », indique Jean-Marc Héliez, leur vétérinaire.
« Nous regroupons les taries par quatre ou cinq dans des box pouvant accueillir huit animaux. Les vaches bénéficient de beaucoup d’espace. Et quand nous faisons un lot, nous ne le modifions pas jusqu’à la fin du tarissement. Cela évite de les stresser et de créer de la concurrence aux cornadis », explique Stéphane Duhamel, sous le regard approbateur d’Antoine et du vétérinaire. « Nous sommes généreux dans le paillage des box », précisent les éleveurs.
Jean-Marc Héliez, vétérinaire nutritionniste
« Des vaches un peu trop grasses »