« Nous misons sur des inséminations précoces après vêlage »
Le Gaec des Onze Ecluses, en Ille-et-Vilaine, produit 815 000 l de lait avec un robot. Pour y parvenir, les associés font en sorte de maintenir un stade moyen de lactation de 150 à 170 jours.
Le Gaec des Onze Ecluses, en Ille-et-Vilaine, produit 815 000 l de lait avec un robot. Pour y parvenir, les associés font en sorte de maintenir un stade moyen de lactation de 150 à 170 jours.
Après douze ans de salariat dans le para-agricole, Christophe Vermet est revenu s’installer sur la ferme familiale à Tinténiac en 2002. Sept ans plus tard, il crée le Gaec des Onze Ecluses avec son voisin Jean-Pierre Blanchard. Les éleveurs gèrent un troupeau de 85 Prim’Holstein à 10 500 kg et une surface de 150 ha dont 35 ha de prairies et autant en ensilage de maïs.
Le retour aux sources de Christophe a engendré un gros changement dans sa vie, qu’il assume pleinement. « Quand on ne trouve pas un bon équilibre entre sa vie familiale, sociale et professionnelle, on ne tient pas sur le long terme », expose-t-il avec conviction. Un nouvel équilibre trouvé mais que l’évolution du métier semble avoir perturbé un peu ces dernières années.
« Le produit issu de notre activité ne compense pas l’augmentation de nos charges. Notre rentabilité se fait de plus en plus sur des détails. Nous subissons une pression sur le plan technique que nous n’avions pas auparavant. Mais aller chercher ses limites techniques est également un attrait du métier. » Un postulat que les deux associés mettent en pratique sur leur exploitation en jouant la carte de la complémentarité. Christophe s’occupe plutôt des vaches et Jean-Pierre des cultures.
Le robot et le bâtiment sont saturés
Ils ont notamment choisi de produire un maximum de lait avec leur robot de traite Lely A5 sans déraper sur le coût de production, en particulier le coût alimentaire. « C’est plus de la moitié de nos charges opérationnelles. » La production de fourrages de qualité et le recours au pâturage participent à la maîtrise des charges. Le pâturage a également pour but d’améliorer le confort des animaux. « Notre bâtiment est ancien et saturé. Le pâturage ne les empêche pas de produire en moyenne 36 kilos de lait par vache et par jour en ce moment (début juin). »
Au printemps la ration de base des vaches se compose de 7 à 8 kg MS d’herbe pâturée, 11 kg MS d’ensilage de maïs, 1,5 kg MS d’enrubannage ou d’ensilage d’herbe et 1,9 kg de correcteur. En hiver, la quantité d’ensilage de maïs atteint 15 à 16 kg MS, avec un complément de 2 à 3,5 kg MS d’ensilage d’herbe et 2,5 kg de correcteur.
Les vaches consomment chaque année environ 0,9 à 1,5 t MS d’herbe pâturée, 4 t MS d’ensilage de maïs et 1,7 t de concentré-correcteur-minéral. « Nous avons la chance d’avoir des maïs bien pourvus en amidon (32 à 37 % d’amidon). »
Ne traire que des vaches à 13-14 kg au moins
Avec l’aide d’Anthony Baslé, leur consultant robot-nutrition chez Eilyps, ils ont réussi à produire 815 000 litres de lait avec une stalle en 2020, tout en maintenant le coût alimentaire des vaches autour de 88 euros pour 1 000 litres (prise en compte du prix de revient pour les fourrages).
« C’est 5 euros pour 1 000 litres de lait en moins que la moyenne du groupe des élevages à plus de 10 000 kilos par vache en traite conventionnelle (93 €/1 000 l). Au Gaec, la marge sur coût alimentaire par vache et par jour est de 6,80 €/1 000 l contre 5,60 €/1 000 l pour le groupe robot et 5,53 € pour le groupe race Prim’Holstein en salle de traite », précise Anthony Baslé.
Au-delà de la saturation du robot, pour produire un maximum de lait les associés font en sorte que le stade de lactation moyen du troupeau soit compris entre 150 et 170 jours. « Dix jours de stade de lactation en moins, c’est un kilo de lait en plus avec une même ration. L’idée est donc de ne conserver que des vaches productives au robot pour avoir des traites efficaces, c’est-à-dire avec au moins 13 à 14 kilos de lait à chaque traite, surtout quand le robot est saturé. »
Cette stratégie est également rentable. Les vaches en fin de lactation consomment toujours du concentré au robot qu’elles ne valorisent pas. Le troisième intérêt est de maintenir une bonne dynamique de fréquentation au robot. « Les vaches avec un stade de lactation trop avancé fréquentent naturellement moins le robot de traite et finissent par endormir un peu l’ensemble du troupeau », expose Anthony Baslé.
Un maximum de vaches pleines à 100 jours
Cet objectif de stade moyen de lactation rime avec un intervalle vêlage-vêlage proche de 385 jours et donc un maximum de vaches pleines 100 jours après vêlage. Elles sont donc inséminées le plus tôt possible après le vêlage, quitte à dégrader un peu le taux de réussite à la première insémination. « Avec cette stratégie, ce critère n’est pas prépondérant. C’est plus rentable d’inséminer dès que possible parce qu’on gagne environ deux euros par jour d’IVV en moins. »
Les éleveurs s’appuient sur une gestion rigoureuse du tarissement. « Assurer un bon démarrage en lactation des vaches et minimiser les problèmes métaboliques (cétose, fièvre de lait, caillettes…), c’est au tarissement que cela se joue. Pour bien maîtriser cette phase, nous avons choisi d’arrêter de sortir les taries au pâturage il y a cinq ans », souligne Christophe Vermet.
Avec des vaches à plus de 10 000 kg et de bonnes persistances de lactation, il faut anticiper le tarissement pour ne pas devoir en tarir à plus de 25-28 litres. Il arrive que la durée de tarissement soit raccourcie d’une ou deux semaines pour y parvenir.
Garder le cap grâce au conseil et du coaching
« Au-delà de ses conseils, Anthony veille régulièrement à ce que nous respections le protocole. C’est très important pour garder le cap », précise en souriant Christophe. Ce protocole s’appuie sur l’utilisation du logiciel de gestion de troupeau Breeder développé par Eilyps et celui fourni avec le robot de traite. « Ces outils nous permettent de repérer les vaches à surveiller pour l’insémination et qui seront à tarir dans un délai de 60 jours. »
Le conseiller Eilyps cale une ration dans le logiciel du robot qui tient compte du niveau de production des vaches. Cela permet d’arrêter la VL dès que possible et d’en conserver un minimum pour les fortes productrices (plus de 40 kg/j). Un minimum de 700-800 g de correcteur azoté est cependant toujours distribué au robot à chaque traite. Le protocole prévoit également de baisser les acceptations au robot deux à trois semaines avant le tarissement pour réduire le nombre de traites et ainsi baisser la production.
Au final, en moyenne les vaches sont taries à un niveau de production d’environ 20-22 kg de lait. La durée moyenne de tarissement est de deux mois, répartis en deux périodes. Durant la première phase de cinq semaines, les éleveurs distribuent un mélange qui est également distribué à des proportions différentes aux génisses : 5 kg MS de maïs ensilage, 1 kg MS d’ensilage d’herbe, 4 kg de paille, 1,2 kg de correcteur et 120 g de CMV. Puis, durant la phase de préparation au vêlage, les vaches consomment 25 kg brut d’ensilage de maïs, 3 kg d’aliment spécifique vaches taries et disposent de paille à volonté. « Cette ration est à 13-14 % de MAT avec une Baca très négative (-110 à -150 mEq). Nous surveillons régulièrement le pH urinaire pour vérifier qu’il se situe toujours autour de 6 à 6,5 », précise Anthony Baslé.
« Grâce à cette conduite, nos vaches ne sont pas trop grasses. Elles vêlent et délivrent bien. On ne surveille pas les vêlages avec une caméra ou un détecteur de vêlage. Mais tout se passe bien. Elles ont un bon niveau d’ingestion et démarrent bien en lactation et nous pouvons les inséminer dès 45 à 60 jours après le vêlage », apprécie Christophe Vermet.
200 g de propylène glycol pendant 21 jours
Pour limiter le déficit énergétique en début de lactation, les vaches reçoivent un apport de 200 g de propylène glycol par jour pendant trois semaines. Cet apport est prolongé si nécessaire jusqu’à 45 jours. Les quantités de VL et de correcteur sont modulées en fonction des jours de vêlages jusqu’à 22 jours, puis en fonction du niveau de production (déplafonnement) jusqu’à 60 jours.
« Une gestion rigoureuse des 100 premiers jours de lactation permet ne pas écrêter les pics de lactation sans pénaliser la fertilité des vaches. Un kilo de lait en plus au pic de lactation, c’est 300 kilos de lait en plus par lactation », précise Anthony Baslé. Courant juin, avec du pâturage, le pic de lactation des multipares se situait autour de 51 kg de lait.
Le saviez-vous ?
Eilyps a développé un partenariat avec les GTV de Bretagne pour renforcer le suivi repro dans les élevages. Eilyps gère la partie alimentation et le suivi repro. Les vétérinaires prennent en charge la partie gynécologique.
Chiffres clés
Du monitoring pour détecter les chaleurs
Inséminer tôt impliquant une bonne détection des chaleurs, les associés utilisent des colliers de monitoring pour compléter leurs observations.
Le Gaec a investi dans le système de monitoring SCR fourni avec le robot de traite pour les vaches et Heatime pour les génisses. Ce dernier permet grâce à une antenne de détecter les chaleurs des génisses au pâturage.
« Nous vérifions sur l’ordinateur si des vaches ont chuté en lait. Si c’est le cas, on regarde la courbe d’activité et de rumination. » Lorsque la courbe d’activité augmente fortement avec des cycles réguliers d’environ 21 jours, les associés appellent l’inséminateur.
Malgré une mise à la reproduction précoce et des inséminations basées uniquement sur la mesure de l’activité, le taux de réussite en première insémination a été de 48 % chez les vaches en 2020. « Nous sommes à deux paillettes par gestation. Avant, il en fallait 1,6 mais l’intervalle vêlage-vêlage oscillait entre 415 et 420 jours », souligne Christophe Vermet.
Pour éviter de perdre du temps, les gestations sont confirmées par échographies tous les deux mois. Et quand une vache se décale trop, elle est réformée.
Avis d’expert : Anthony Baslé, consultant robot-nutrition chez Eilyps
« De la rigueur et un suivi régulier »