" Nos génisses vêlent en moyenne à 23 mois et demi "
Dans le Maine-et-Loire, Alain Piet parvient depuis plusieurs années à faire vêler tôt. Sans recette miracle, mais avec une grande rigueur, beaucoup d’observation et un ensemble de petits détails.
Dans le Maine-et-Loire, Alain Piet parvient depuis plusieurs années à faire vêler tôt. Sans recette miracle, mais avec une grande rigueur, beaucoup d’observation et un ensemble de petits détails.
« Au plan économique, l’important pour une vache laitière est le nombre de litres de lait produits par jour de vie, estime Alain Piet, associé du Gaec des Puits, avec son frère Claude et son neveu Aurélien. Pour obtenir de bons chiffres, il faut faire vêler jeune. Nous sommes à 14,5 litres de lait par jour de vie. » Responsable de l’atelier lait au sein du Gaec, qui compte 70 vaches laitières prim’holstein, 100 vaches allaitantes, 180 taurillons et 230 hectares de SAU, Alain Piet élève 35 génisses par an sur lesquelles il en garde actuellement 25. « Il y a trois ans, nous nous sommes équipés d’un robot, ce qui nous a amenés à passer de 45 à 70 vaches », précise-t-il. L’alimentation est à base d’ensilage de maïs pour les vaches et de blé produit sur l’exploitation, correcteur azoté, foin ou paille pour les génisses. « Les génisses gestantes sont sur un autre site, à 10 kilomètres. Une ration sèche est plus pratique car elle évite de transporter de l’ensilage chaque jour. » Tous les animaux sont génotypés à la naissance, ce qui permet à l’éleveur de trier les génisses qu’il va garder. « Nous cherchons de bons membres, car les vaches sont en logettes et ne sortent pas. Il faut aussi de bonnes mamelles et une vitesse de traite élevée, car les vaches produisent 11 700 litres par an et le robot est saturé. » 75 % des génisses sont à +155 d’ISU.
Une grande rigueur sur la phase 0-6 mois
Les vêlages sont étalés sur l’année. Dès la naissance, l’éleveur enlève le veau, qui reçoit dès que possible 4 litres de colostrum administrés à la sonde. Le cordon est désinfecté. Les mâles sont logés dehors. Les génisses sont installées près du robot, en cases individuelles, ce qui permet de les surveiller. Pendant quinze jours, elles reçoivent 1,5 litre de lait matin et soir, à raison de 175 grammes de poudre par litre d’eau. Elles passent ensuite à un repas par jour, avec 4,5 litres au maximum, toujours à 175 g/l. Depuis un an, l’éleveur s’est équipé d’un taxi à lait. « Cela permet de distribuer du lait bien mélangé et à la bonne température, à 42°C. J’étais déjà très attentif à la température et au mélange. Mais le taxi à lait facilite le travail. »
Dès 8 jours, les génisses reçoivent un peu de concentré 0-6 mois à 16,5% de MAT. La quantité est augmentée progressivement jusqu’à 2,5 kilos. Et dès le départ, l’éleveur leur met à disposition un petit bloc de sel, le restant non consommé par les vaches. « Cela ne coûte rien et c’est important pour les petites génisses, estime Alain Piet. Le sel les fait saliver, consommer plus rapidement et boire. » À 1 mois, les génisses reçoivent un anticoccidien puis sont transférées dans des cases collectives de cinq places sur aire paillée. L’écornage est réalisé vers 1,5-2 mois. Dès qu’elles consomment 2,5 kg de concentré, la quantité de lait est réduite progressivement jusqu’au sevrage, le concentré étant en parallèle augmenté jusqu’à 3 kilos (2 kg de blé et 1 kg de correcteur azoté), avec paille ou foin à volonté. Si la période le permet, d’avril à juin, les génisses vont au pâturage, avec 1 kilo de blé en complément.
Insémination à partir de 12-13 mois
Les génisses sont mises à l’insémination à 12-13 mois, à 380-400 kilos. « Je vois à l’œil quand elles sont prêtes à être inséminées, » précise Alain Piet. Pendant la période d’insémination, les génisses sont ramenées dans la stabulation des vaches qui dispose de 18 places en logettes avec matelas pour les génisses. Elles reçoivent deux doses de vitamine D3, pour améliorer la fertilité. Et l’éleveur surveille alors très attentivement les chaleurs. « Il n’y a pas de détecteur pour les génisses, car cela a un coût. Mais je viens les surveiller quatre ou cinq fois par jour. Je viens toujours aux mêmes heures et je les observe sans qu’elles le voient. » L’insémination se fait avec de la semence sexée. Le vétérinaire, qui passe une fois par mois, échographie les génisses à partir de 25-30 jours et fait du sexage entre 50 et 110 jours. « Le sexage a un coût. Mais cela permet de mieux suivre le troupeau. Et si c’est une femelle, je suis plus attentif lors du vêlage. »
Atteindre un poids de 550 kg au vêlage
Quand elles sont gestantes, les génisses vont au pâturage ou sont transférées sur le deuxième site où elles sont logées sur aire paillée en cases de six. Elles reçoivent toujours 3 kilos de concentré. « L’objectif est une croissance de 700 à 800 grammes par jour pour atteindre un poids moyen au vêlage de 550 kilos » Un mois avant le vêlage, les génisses sont ramenées dans la stabulation des vaches, dans une case de préparation. « Il faut qu’elles s’habituent au bâtiment, aux logettes, aux tapis, aux cornadis, qu’elles soient dans l’ambiance du troupeau », souligne Alain Piet. Elles reçoivent un tiers de la ration des vaches, soit 7 à 8 kg MS d’ensilage de maïs, avec du foin et une dose de minéral.
Les vêlages ont lieu dans une case de vêlage située à l’arrière de la case de préparation, sans difficulté en général. L’âge moyen au vêlage en 2018 a été de 23,6 mois. « Certaines vêlent à 22 et même 21 mois, précise l’éleveur. D’autres à 26-27 mois. Mais toutes produisent en moyenne 35,9 kilos au pic de lactation, contre 49,4 kilos pour les multipares, et 10 000 litres au total sur la première lactation. » Alain Piet est donc très convaincu de l’intérêt du vêlage précoce. « Je ne fais rien de particulier. Je suis par contre très rigoureux dans mes méthodes de travail, les horaires. Je veille à alimenter suffisamment les génisses. Et je fais très attention au logement. » Les cases de 0 à 6 mois sont paillées chaque jour. Les logettes avec tapis de la phase d’insémination sont nettoyées deux fois par jour. Et les cases des génisses gestantes sont paillées une fois par semaine. L’éleveur est également très attentif à l’eau. « Je nettoie les abreuvoirs entièrement deux fois par semaine. Et je fais attention à la qualité : j'’utilise de l’eau de puits que je chlore. À un moment, je me suis aperçu qu’il y avait beaucoup trop de chlore, néfaste pour la fécondité. J’ai réduit la quantité de chlore et j'y suis désormais très attentif. »
Chiffres clés
53 % de réussite à la première IA
La réussite à la première IA pour les génisses est de 53 % et le nombre d’IA par IA fécondante est de 1,8. « La réussite n’est pas très élevée, bien que je recherche de bons index reproduction, estime Alain Piet. Cela s’explique en partie par la semence sexée, moins fertile. L’objectif serait que la réussite à la première IA soit d’au moins 60 % et le nombre d’IA par IA fécondante soit inférieur à 1,5. »
Avis d’expert : Bruno Blanchard, conseiller lait Seenovia
« L’œil de l’éleveur est essentiel »
« Pour Alain Piet, il est économiquement normal de faire vêler tôt. La conduite alimentaire est classique. Mais l’éleveur passe beaucoup de temps avec ses animaux. Il est très observateur et rigoureux. Une grande attention est portée au sanitaire. Les bâtiments sont très propres. Et si une génisse semble malade, il intervient immédiatement. Ainsi, il n’y a jamais de retard de croissance. Bien souvent, l’âge moyen au vêlage augmente parce que des génisses vêlent tard. Comme il y a quelques retours de chaleurs, l'insémination a lieu vers 12 mois. Au final, les génisses sont pleines en moyenne vers 13-14 mois et vêlent vers 22-23 mois. Et au vêlage, quand elles passent au robot, on voit qu’elles font largement le poids nécessaire, à 550-600 kilos en général. Le très bon niveau génétique de l’élevage est un atout. Mais il y a surtout l’œil de l’éleveur et une très grande rigueur. »