Litière malaxée : « Nous avons essayé et adopté la fine de bois forestier ! »
La litière malaxée à base de fines de bois semble n’avoir que des avantages : économie d’argent, de temps de travail et de mécanisation, moins de poussière dans la stabulation, confort pour les animaux et effluents plus riches. C’est le constat positif que fait le Gaec du Grand Bois après un an et demi d’utilisation.
La litière malaxée à base de fines de bois semble n’avoir que des avantages : économie d’argent, de temps de travail et de mécanisation, moins de poussière dans la stabulation, confort pour les animaux et effluents plus riches. C’est le constat positif que fait le Gaec du Grand Bois après un an et demi d’utilisation.
Passer de 75 à 140 vaches à la traite ne pouvait s’envisager dans l’ancienne stabulation, « il n’y avait pas de possibilité de s’agrandir », pose Christophe Jeanneau, éleveur laitier à Saint-Colomban, en Loire-Atlantique. L’installation de son fils Romain et le doublement de la référence laitière en vue de la future installation du cadet Antonin, en 2023, se sont accompagnés de la construction d’un nouveau bâtiment sur la prairie voisine. Celui-ci abrite la stabulation, la salle de traite 2x10 postes ainsi que deux cases de vêlage.
En octobre 2019, les travaux ont été terminés. Les vaches ont emménagé dans un bâtiment tout confort (110 m x 21,5 m). L’ancienne stabulation a été réaménagée en cases pour héberger les génisses. « Nous ne voulions pas de logettes, nous préférons l’aire paillée pour le confort des vaches et pour avoir du fumier pour nourrir les sols. » L’aire de couchage (78 m x 11 m) a été réfléchie pour accueillir une litière paillée ou malaxée.
Le prix de la paille a flambé
Pris par leurs habitudes, Christophe et Romain paillaient le nouveau bâtiment deux fois par jour. Trois quarts d’heure de travail quotidien et un curage hebdomadaire. Pour loger 140 laitières, 160 génisses et 25 vaches en préparation au vêlage, les besoins en paille étaientimportants. Avec 20 hectares de blé cultivés sur la ferme, le Gaec est loin de l’autonomie. « Nous achetions 35 hectares de paille à presser à la récolte et 170 à 200 tonnes de paille par an. » Jusqu’au jour où le prix de la paille s’est envolé. « À 120-130 euros par tonne, ce n’était plus possible ! » L’alternative a été débusquée sur internet par Romain : la litière malaxée.
Décision prise, les éleveurs se mettent en quête d’un fournisseur. Les premiers camions de fine de bois forestier sont achetés à 68 euros par tonne. « Ça marchait pas mal mais on recherchait un prix inférieur. » C’est avec Bati Recyclage à La Ferrière, en Vendée, que le Gaec trouve son bonheur : 35 euros par tonne et une absence de métaux (pointe, agrafe) dans le substrat. Le calcul est vite fait ! Après dix-huit mois d’utilisation, « nous sommes très satisfaits de la qualité fournie », affirment les éleveurs. À l’usine, les déchets de bois (palettes, charpentes) et les chutes de scierie sont triés, broyés puis passés au crible. Ils sont ensuite analysés et respectent les normes hydrocarbures et métaux lourds requis pour un usage agricole. La disponibilité et la réactivité de l’entreprise sont également à la hauteur. « Nous appelons trois jours avant pour être livrés le jour souhaité. »
Un camion de 90 mètres cubes par mois
Les premières livraisons sont de la fine de bois recyclé qui se révèle trop poussiéreuse, avec une tendance à se compacter avec les bouses. « Question granulométrie, le produit ne doit être ni trop fin, ni trop gros, explique Philippe Denis, chez Bati Recyclage. Il doit contenir des morceaux pour donner de la structure et permettre à la fumière de se tenir, et des particules fines qui vont absorber les jus. Le bon compromis est 0-10 mm. » La fine de bois forestier remplit parfaitement les deux rôles et est adoptée par les exploitants.
Dans la pratique, le curage est effectué chaque mois et 80 m3 de fines forestières sont épandus sur une épaisseur de 10 à 15 cm, avec le godet du télescopique. « En été, on arrive à gagner deux à trois semaines, car le temps est plus séchant et les vaches sont au pâturage », relate Christophe. Tous les six à sept jours, des ajouts sont apportés sur les passages d’animaux et les zones plus sales. Le temps mensuel de curage et de mise en place est estimé à deux heures et quart. En curant tous les mois et en brassant tous les jours, l’humidité et la température de la litière sont maîtrisées, ce qui préserve la santé des pattes et de la mamelle. « Nous sommes passés de deux à trois mammites par semaine à une par mois. Les trayons sont faciles à nettoyer et nous n’avons plus de pénalités cellules. »
Douze minutes de vibroculteur par jour
Le gain se mesure aussi sur le temps de travail. Les trois quarts d’heure de paillage quotidien sont remplacés par six minutes de brassage matin et soir. « Pendant que les vingt premières vaches sont branchées à la traite, nous avons le temps de passer le vibroculteur. »
C’est également moins de carburant consommé, moins de mécanisation (un seul tracteur utilisé) et moins de pièces d’usure à changer sur la mélangeuse pailleuse. Le chien électrique garde l’aire de couchage inaccessible aux vaches pendant toute la durée de la traite, histoire que la litière puisse bien s’assécher après le hersage.
Le chien est également activé chaque midi, au moment où l’ensilage est repoussé, pour déplacer les vaches sur l’aire d’exercice. Cette stimulation les incite à bouser sur la zone raclée et aide ainsi à maintenir la zone de couchage propre. « C’est indispensable ! » Tout comme l’est la ventilation du bâtiment pour bien assécher les fines de bois. « La plupart du temps, les rideaux sont complètement relevés. On ne les baisse que lorsque les vents d’est ou d’ouest sont trop forts pour éviter les courants d’air, et quand la pluie risque d’humidifier la litière. »
Quant au sol de l’aire de couchage, les éleveurs l'ont choisi en terre battue. Des alluvions ont été étalées et cylindrées. Entière satisfaction. « Ça ne bouge pas, c’est drainant, les vaches ne glissent pas et c’est beaucoup moins cher que le béton ! »
Les petits plus
Autres avantages de la litière malaxée, il y a beaucoup moins de poussières dans le bâtiment, du fait de l’absence de paillage. Et beaucoup moins d’odeur d’ammoniac car le bois absorbe très bien les urines.
En fin de parcours, Christophe a noté que le fumier est plus lourd, là encore grâce à son fort pouvoir absorbant. « Il ressemble à du compost, il est sec et plus dense. Nous avons plus de volume à épandre. » C’est un fumier fin qui passe facilement dans la table d’épandage et permet de descendre les quantités à l’hectare, notamment sur les prairies. Résultat d’analyse sous les yeux, « il est également plus fertilisant que le fumier pailleux : 20 % de matière organique, un rapport carbone sur azote C/N élevé de 19 ainsi que des valeurs d’azote total, de phosphore, de magnésium et de calcium supérieures. On améliore la CEC (capacité d’échange cationique) de nos sols ».
Philippe Denis, de Bati Recyclage, fait le même constat. « J’ai de très bons retours en termes d’amendement de la centaine d’agriculteurs clients qui utilisent des fines de bois. La matière organique est stable grâce à la lignine du bois, contrairement à la cellulose de la paille. »
À les écouter, il semblerait que la litière malaxée ne souffre d’aucun inconvénient ! La dépendance à un fournisseur extérieur peut-être ? « On est toujours dépendants, que ce soit de la paille ou du bois. Et la paille est de plus en plus recherchée pour alimenter les méthaniseurs, alors que le bois n’est pas méthanogène et les scieries doivent s’en débarrasser », écarte Christophe. Et de conclure : « une fois qu’on y a goûté, on ne revient pas en arrière ! »
Une solution très économique
Avant la construction du nouveau bâtiment, le paillage pour 80 vaches nécessitait une tonne de paille chaque jour. Au prix de 100 € la tonne, la facture grimpait à 12 000 € sur quatre mois par exemple, du 1er novembre au 1er mars, période pendant laquelle les vaches sont en permanence dans le bâtiment. Ce chiffre doit être multiplié par deux pour correspondre au nouveau bâtiment de 140 places, soit 24 000 €. En comparaison, la litière malaxée sur 860 m2 requiert sur la même période quatre camions de 90 m3 à 900 € le camion, soit 3 600 €. L’économie s’élève par déduction à 20 400 €. Pas une paille !
Le saviez-vous ?
Les fines forestières ont un excellent pouvoir absorbant. La litière exempte le bâtiment de poussières. Le fumier qui en résulte est sans odeur et grâce à la lignine, il apporte de la matière organique stable bénéfique pour les sols.