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Les équarrisseurs, acteurs de l’économie circulaire

Les animaux trouvés morts et les déchets animaux sont valorisés en farine, utilisée comme fertilisant organique ou combustible dans les cimenteries, ainsi qu’en graisse pour produire du biocarburant. Visite d’une usine de SecAnim, leader national de l’équarrissage.

En vingt ans, l’activité d’équarrissage a beaucoup évolué. La crise de l’ESB est passée par là en faisant évoluer les réglementations européennes. « En 2000, pour éviter la dissémination du prion, la valorisation des matières dans l’alimentation animale a été interdite ", rappelle Stéphane Maurel, directeur de l’usine de Benet, en Vendée, l’une des trois usines de l’entreprise SecAnim. De 2000 à 2008, toutes les farines de viande et d’os ont dû être détruites. Mais depuis 2008, les farines issues d’animaux autres que les ruminants peuvent être valorisées en engrais organiques. L’usine de Benet a été la première usine en France à le faire, dès 2009. Cette valorisation a permis de baisser les prix de l’équarrissage pour les éleveurs et les abattoirs. »

Trois catégories de déchets

Les animaux trouvés morts et les déchets animaux sont aujourd’hui classés en trois catégories qui sont valorisées de façon bien différente.

°La catégorie C1 correspond aux matières à risque devant sortir du circuit alimentaire. Il s’agit essentiellement des ruminants trouvés morts, des saisies de ruminants des abattoirs, du lait contaminé, des animaux de zoo. La partie protéique doit être détruite par incinération. La graisse peut être valorisée en biocarburant.

°La catégorie C2 correspond aux animaux trouvés morts et des saisies vétérinaires autres que les ruminants. Ces matières peuvent être valorisées en engrais ou, pour la graisse, en biocarburant.

°La catégorie C3 correspond aux coproduits (os, viscères, plumes, sang) issus d’animaux sains et propres à la consommation humaine, qui peuvent être valorisés en alimentation animale (petfood) ou en biocarburant et oléochimie pour la graisse.

Biosécurité, économie d’énergie et odeurs

Vingt-deux millions d’euros ont été investis par Secanim dans la modernisation de l’usine de Benet. Les nouvelles installations ont été inaugurées en juin dernier. La réflexion a été engagée dès 2010. « Un objectif pour la biosécurité était de séparer les flux entrants et sortants et de respecter la marche en avant, explique Stéphane Maurel. Un autre était d’économiser l’énergie pour pouvoir valoriser davantage de graisse comme biocarburant. Un autre enfin était de réduire les odeurs pour le confort du personnel et du voisinage. » Les travaux ont porté pour partie sur la réorganisation des flux, le respect de la marche en avant et la création d’une station de lavage des camions. De nouveaux équipements ont été installés pour la transformation, avec notamment un système d’évapoconcentration à basse température plus performant : il permet une économie d’énergie de 37 %. Des investissements ont été faits aussi pour limiter les odeurs, avec la réfection des bardages et toitures, la fermeture et la mise en dépression des bâtiments de réception et de chargement des produits finis, et la rénovation du système de chargement.

Une collecte sécurisée et tracée

La moitié de l’effectif de l’usine (164 personnes avec les chauffeurs) est employée à la collecte. Le système a beaucoup évolué en termes d’automatisation des commandes, traçabilité, sécurité, biosécurité. Un éleveur qui trouve un animal mort a 48 heures pour contacter l’équarrisseur. Il peut le faire par internet, serveur vocal ou téléphone. L’enlèvement est assuré dans les deux jours francs. Tous les chauffeurs disposent désormais d’un PDA qui permet d’enregistrer les commandes et les enlèvements, de géolocaliser la zone de collecte, de faire des photos… Un gros travail a été fait sur les emplacements de collecte pour sécuriser les enlèvements, limiter les nuisances et assurer la biosécurité (à l’écart des routes et des lignes électriques, éviter les marches arrière, zone de collecte dans la zone publique, séparée de la zone d’élevage, présence d’une plateforme bétonnée…). Les camions ont également évolué : enlèvement à distance grâce à une grue et une télécommande, caisses en inox, pour résister à la corrosivité des matières, qui s’ouvrent et se ferment par télécommande…

Réception sous contrôle vidéo

L’usine de Benet transforme les catégories C1 et C2. Toutes les matières sont réceptionnées dans un hall fermé en légère dépression. Deux trémies séparées permettent de décharger les produits solides de catégories C1 et C2. À l’arrivée, la bâche du camion s’ouvre et une caméra permet de zoomer sur le contenu pour vérifier le chargement. Le chauffeur peut alors vider celui-ci dans la trémie. Les matières sont broyées puis envoyées vers la zone de traitement. De grandes citernes permettent aussi de réceptionner des liquides comme du lait contaminé, du sang. Le chauffeur conduit ensuite son camion à la station de lavage où il le lave et le désinfecte.

Séparation puis traitements

Les matières collectées sont constituées à 66 % d’eau, 24 % de fraction protéique et 10 % de graisse. Le travail dans l’usine consiste essentiellement à séparer les différents constituants. Les matières sont chauffées à 95 °C pour évaporer l’eau puis pressées pour séparer liquide et solide. La vapeur d’eau est récupérée et sert à l’évapoconcentration. La graisse sort d’un côté et est stérilisée. La partie solide est séchée pour en faire de la farine qui est stérilisée. L’eau est orientée vers la station d’épuration de l’usine où elle est traitée par osmose inverse. Après contrôle, elle est rejetée dans le milieu naturel ou utilisée pour l’irrigation de taillis de saules valorisés en bioénergie.

Stockage et expédition

Les farines protéiques C1 et C2 sont stockées dans des silos séparés. Les farines C1 (ruminants) sont envoyées comme combustible dans des cimenteries ou en chaufferie collective. Les farines C2 sont transformées en engrais (poudre de viande et d’os). Tout est fait pour éviter les émanations de farine lors du chargement. Les graisses des catégories C1 et C2 sont stockées dans des tanks double peau permettant de les maintenir à 70 °C pour le chargement en citerne. Elles servent de combustible pour l’usine de Benet ou sont expédiées pour être valorisées en biocarburants par Estener, autre filiale du groupe Saria basée au Havre.

Chiffres clés

SecAnim c’est :

° 3 usines (Allier, Côtes-d'Armor et Vendée)
° une vingtaine de centres de collecte
° 55 départements couverts
° 150 000 tonnes collectées

L’équarrisage privatisé depuis dix ans

En 2018, la collecte d’animaux trouvés morts (catégories C1 et C2) a atteint 465 000 tonnes, selon le syndicat Sifco des professionnels du secteur. Avant 2009, l’équarrissage était un service public, pour lequel l’État passait des marchés publics avec des entreprises qui collectaient et traitaient les cadavres. Il a été privatisé pour mettre fin à une absence de concurrence, à l’opacité des informations économiques du secteur et à la difficulté du contrôle de cette activité.

Désormais, après un appel d’offres, un contrat de trois ans est passé entre les entreprises d’équarrissage et les éleveurs fournisseurs regroupés en associations ATM (animaux trouvés morts) par secteur (ruminants, porcs, etc). Les éleveurs ne paient qu’une partie du coût réel ; en bovins 16,6 % sont financés par les éleveurs et 83,4 % par les distributeurs. Huit usines de transformation sont détenues par quatre opérateurs : SecAnim et Atémax (les deux principaux), Monnard et Sopa.

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