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Les bons leviers pour concilier robot de traite et pâturage

Qualité des chemins, herbe appétente, complément à l’auge bien ajusté, conduite en lots pour les grands troupeaux sont autant de moyens efficaces pour inciter les vaches à se déplacer et pâturer.

Le positionnement du robot, de la porte d'accès aux paddocks... doit être pensé en amont pour que la circulation des animaux soit la plus fluide possible.
Le positionnement du robot, de la porte d'accès aux paddocks... doit être pensé en amont pour que la circulation des animaux soit la plus fluide possible.
© F. Mechekour

Le mot d’ordre pour concilier robot et pâturage : une bonne circulation des vaches. Chaque exploitation étant unique, il n’y a pas de recette miracle. Pour autant, les conseils d’experts confrontés à la réalité du terrain permettent de mettre en avant plusieurs leviers. Ils vous conforteront dans vos choix, ou vous seront utiles pour aller encore plus loin dans la valorisation de l’herbe. Voire, ils vous inciteront peut-être à franchir le pas.

Lorsque vous disposez de surfaces accessibles en permanence, l’un des premiers enjeux est d’arriver à motiver les vaches pour qu’elles aillent vers la pâture et qu’elles en reviennent pour se faire traire. Au-delà de la qualité des chemins, il faut également tenir compte d'un trait de caractère des vaches : elles sont plutôt gourmandes. « Quelle que soit la taille du troupeau, il est fondamental d’avoir des variétés d’herbe appétentes et adaptées au cycle de pâturage mis en place », recommande Anthony Baslé, responsable marché robot-nutrition chez Eilyps.

Veillez à proposer de l'herbe appétente

L’organisation du parcellaire et la bonne complémentarité entre herbe pâturée et distribution à l’auge sont très importantes. Valérie Brocard, de l’Institut de l’élevage, préconise de mettre en place un circuit régulier. « Quand vous disposez d’assez de surface (25 à 30 ares/VL), il est possible d’envisager du pâturage de nuit au moins au printemps. Il faut alors que les vaches disposent d’au moins deux parcelles par 24 heures. Si les éleveurs ne veulent sortir leurs vaches que le jour, il faut le faire quand elles ont le ventre vide, le matin, et apporter des fourrages complémentaires en fin de journée vers 17 h. »

Les vaches sont gourmandes mais également peu enclines à faire quelque chose qu’elles ne souhaitent pas. « L’erreur la plus courante est d’imaginer qu’il est possible de contraindre les vaches à venir au robot », souligne Guillaume Crepel, conseiller spécialiste robot de traite à Avenir conseil élevage. « L’exemple le plus flagrant, c’est la privation d’eau dans les paddocks. Non seulement cela ne fonctionne pas, mais en plus la vache va préférer baisser son abreuvement, avec à la clé une baisse de production laitière, plutôt que de faire quelque chose qu’elle ne veut pas. » Notons toutefois que l’impact de l’absence d’abreuvoir dans les paddocks fait débat. Un élevage sur deux ne disposerait pas de point d'eau au pâturage. À la ferme expérimentale de Derval, cela ne semble pas pénaliser la production laitière des vaches. Les fortes chaleurs et l’éloignement des parcelles peuvent cependant être des facteurs aggravants. Justine Hébert, conseillère fourrages à la chambre d'agriculture de Normandie, insiste toutefois sur le repère de 100 mètres maximum à parcourir pour trouver de l'eau.

Être attentif à la hiérarchie dans le troupeau

Par ailleurs, avec la traite robotisée, la notion de hiérarchie dans le troupeau prend encore plus d’ampleur. « Dans un troupeau moyen, il y a à peu près 10 % de vaches dominantes et 40 % de vaches dominées. Quand on ramène 50 à 60 vaches au pied du robot, ce sont rarement les vaches qui sont les plus en retard qui vont se faire traire en premier, car ce sont généralement celles qui sont les plus dominées. » Guillaume Crepel conseille par conséquent d’avoir ces animaux en tête quand vous réfléchissez à la circulation, d’autant qu’ils représentent la quasi-majorité du troupeau. « Il faut avoir une sortie sélective et si possible la plus proche possible de la dernière traite. »

Être prêt à changer sa routine de travail

Des vaches motivées et une bonne organisation des paddocks, c’est très bien. Complétées par une bonne organisation du bâtiment (sortie au pâturage, retour), c’est encore mieux. Positionnement du robot de traite, de la porte d’accès aux paddocks… « Tout doit être pensé en amont pour que la circulation des animaux soit la plus fluide possible et éviter les engorgements. Il faut prévoir des retours possibles pour plusieurs vaches à la fois, permettre à la vache si elle n’est pas à sortir de s’orienter vers le robot le plus facilement possible », conseille Anthony Baslé.

Lequel insiste aussi sur l’importance de choisir une stratégie en amont et de s’y tenir. Est-ce que je vais faire sortir mes vaches toute la journée ? Jour et nuit ? Quel pourcentage d’herbe pâturée dans la ration ? Quel type de pâturage ? « Pour autant, il faut que l’éleveur soit flexible et réactif pour s’adapter à la pousse d’herbe et aux changements climatiques, comme de fortes pluies. Ces éléments conditionnent la complémentation à l’auge nécessaire pour éviter les baisses de production laitière. » La flexibilité est également nécessaire pour s’accommoder des changements d’organisation de la journée entre la saison de pâturage et l’hiver. « L’éleveur doit être prêt à changer sa routine de travail. »

Denis Denion, expert nutrition-robot Seenovia

« La conduite en lot est recommandée quand la stalle est saturée »

 

 
Denis Denion
Denis Denion © F. Mechekour
« La conduite en lot est recommandée quand la stalle est saturée. Sinon, toutes les solutions sont possibles. Mais contrairement à ce qui a pu se dire, il est possible de faire beaucoup de pâturage, même avec une stalle saturée, grâce aux réglages de la porte de pâturage. L’avantage de la conduite en deux lots est qu’elle permet d’augmenter la part d’herbe ingérée (jusqu’à trois quarts de ration pâturée avec 30-35 ares/VL), sans avoir de vaches en retard de traite, parce qu’il y a toujours un lot présent dans le bâtiment. La régularité des intervalles de traite et l’homogénéité de la ration consommée entre les vaches sont au rendez-vous. La production laitière est généralement plus élevée. Les deux lots peuvent être réalisés en tenant compte du délai depuis la dernière traite. Selon le lait attendu et en fonction du réglage choisi, la vache est autorisée à sortir ou non. Une fois que la moitié du troupeau est sortie, vous pouvez fermer le paddock pour empêcher les vaches de revenir pendant par exemple 4 heures si vous ne disposez pas de beaucoup de surface (10 à 15 ares/VL). Puis, la porte de tri continue à donner accès à un autre paddock au second lot. Quand vous commencez à ouvrir vers 9 h, en général le bâtiment est vide à 13 h 30. Vers 14 h, vous pouvez commencer à ramener les vaches du premier lot. Cette gestion en lot fonctionne quelles que soient la taille du troupeau et la surface en herbe disponible. Il est également possible de constituer les lots sur la base du stade de lactation. Mais c’est plus compliqué à gérer. Cela nécessite des portes intelligentes à l’intérieur du bâtiment pour rediriger certaines vaches vers une autre case, de scinder le bâtiment en deux et d’apporter des rations de bases différentes aux deux lots. Troisième possibilité, quand le robot sert aussi de porte de tri, il est possible de réaliser la répartition des deux lots de vaches dans deux paddocks différents sur la base des horaires de traite. »

 

Anthony Baslé, responsable marché robot-nutrition d’Eilyps

« La conduite en lots est adaptée aux grands troupeaux »

 

 
Anthony Baslé
Anthony Baslé © F. Mechekour
« Il n’y a pas de conduite spécifique aux grands troupeaux. Mais, pour les élevages équipés d’une seule porte de pâturage, travailler avec des lots permet d’optimiser la fréquentation du robot et la part d’herbe consommée par toutes les vaches. Une stratégie possible consiste à pousser les vaches vers la porte de pâturage pour faire sortir un lot de 40 à 60 animaux vers un paddock. Et de les laisser enfermés pendant trois à quatre heures selon la taille du paddock. Un second paddock est dédié au reste du troupeau. La qualité des chemins est un préalable encore plus nécessaire avec les grands troupeaux. »

 

Guillaume Crepel, Avenir conseil élevage

« Laisser les vaches dans le bâtiment de 17 h à 3 h du matin »

 

 
Guillaume Crepel
Guillaume Crepel © G. Crepel
« Il n’y a pas de système parfait et unique pour optimiser l’alimentation et la circulation des animaux. Le pâturage 24 h/24 marche très bien. Mais cela peut aussi poser des soucis notamment lorsque les nuits sont douces. Le retour des vaches dans le bâtiment est alors parfois plus compliqué. C’est pour cela qu’aujourd’hui nous conseillons de plus en plus aux éleveurs de sortir suffisamment les vaches, tout en leur préconisant de les garder la nuit de 17 h à 3 h du matin dans le bâtiment pour assurer une certaine fréquentation du robot. Nous avons constaté qu’entre 3 h et 6 h du matin, la fréquentation du robot est la plus faible. Avec cette organisation type, employée en routine, vous créez un dynamisme car les vaches vont savoir que dès qu’elles sortent vers 3 h du matin, elles ont à disposition une nouvelle parcelle. Cela permet aussi d’étaler les sorties. Puis, à 17 h, il faut arrêter de les autoriser à aller en pâture. C’est à ce moment-là que l’éleveur doit distribuer la ration à l’auge. Cette dernière incite les vaches à rentrer. Puis, une à deux heures après, l’éleveur aura trois choses à faire. Un, aller chercher les vaches retardataires. Deux, observer comment la parcelle de jour a été broutée par les animaux. Trois, préparer son fil pour le lendemain matin. Le fait d’observer comment les vaches ont pâturé le jour même permet de savoir si la quantité de ration distribuée à l’auge est adaptée ou non. Soit les vaches en ont trop et elles gâchent de l’herbe. Soit elles n’en n’ont pas assez et font du surpâturage. Les éleveurs ont tendance à avoir la main un peu lourde parce que, dans leur esprit, l’herbe n’est pas synonyme de performance. Mais cela détériore la bonne circulation des vaches. Elles ne sont plus suffisamment motivées pour sortir. Quand nous arrivons à les convaincre de baisser l’apport de maïs, la performance des vaches remonte grâce à une meilleure fréquentation du robot et une meilleure régularité entre les traites. »

 

Valérie Brocard, Institut de l’élevage

« La fréquence de traite n’est pas un indicateur économique »

 

 
Valérie Brocard
Valérie Brocard © Idele
« Un important frein au pâturage, c’est que la grande majorité des éleveurs qui ont un robot de traite cherchent à faire du lait par vache. Ils pensent que le bon indicateur économique c’est la fréquence de traite. Or, dans le cas d’un système robot avec pâturage, vous pouvez vous permettre d’avoir des fréquences de traite inférieures à deux traites par vache et par jour. Ce qui compte, c’est la quantité de lait qui est produite par stalle, pas la fréquence de traite individuelle, ni le lait par vache et par jour. L’important, c’est de dégager une bonne marge sur coût alimentaire. Au final, nous nous apercevons que la motivation des éleveurs pour concilier robot de traite et maxipâturage est en décrue. Les données du contrôle laitier de Bretagne montrent que chez les éleveurs équipés d’un robot de traite, la quantité d’herbe valorisée par vache et par an n’est que de 600-700 kg de matière sèche. Leur objectif est plutôt de continuer à faire sortir les vaches pour réduire le temps passé dans le bâtiment et limiter les boiteries, de répondre à un cahier des charges spécifique ou éventuellement d’améliorer le bien-être animal. Pas vraiment de mettre de l’herbe pâturée au menu des vaches en quantité notable. Et pourtant, en l’absence de contraintes d’accessibilité aux parcelles, c’est possible. »

 

Justine Hébert, conseillère fourrages à la chambre d’agriculture de Normandie

« Pour un maximum de souplesse, viser cinquante vaches par stalle »

 

 
Justine Hébert
Justine Hébert © DR
« Afin de favoriser le pâturage, il est conseillé de limiter la saturation de la stalle. Un bon repère est soixante vaches par stalle. Viser cinquante vaches par stalle permet le plus de souplesse dans la gestion du pâturage. Cela laisse un maximum d’options de gestion du troupeau. Plus, la gestion du pâturage devient délicate. Cela reste toutefois possible à la condition d’avoir une très bonne circulation des vaches. Dix ares par vache permettent le plus grand potentiel laitier (700 000 litres par stalle) mais demande d’avoir des parcelles très regroupées autour du bâtiment et ne permet pas de fermer le silo. Plus, il faudra s’éloigner un peu plus du bâtiment pour pâturer et le repère de lait produit par stalle diminue. Pour un maximum de pâturage (plus de 30 ares par vache), le repère est de 450 000 litres de lait par stalle. Au-delà des aspects de saturation du robot, la qualité des chemins est le facteur déterminant pour favoriser la circulation des vaches pour aller à la pâture comme pour aller vers le robot. »

 

 

 
Les bons leviers pour concilier robot et pâturage

 

Côté biblio

L’Institut de l’élevage propose sur son site (www.idele.fr) un guide pratique : « Pâturer avec un robot de traite, c’est possible ! » - Prix 15 € TTC.

À retenir

« Il faut raisonner la surface du pâturage (taille des paddocks…) en fonction de la saturation de la stalle. Dans certains cas, il y aura toujours 20 % des vaches dans le bâtiment au robot. Il faut donc calculer la surface de pâturage sur 80 % du troupeau », explique Anthony Baslé, d’Eilyps.

Le saviez-vous ?

En Suède, pour une question de bien-être animal, le pâturage des vaches laitières est une obligation légale. Avec plus d’un tiers des élevages équipés, robot et pâturage y font bon ménage.

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