Les bienfaits d’une haie bien faite !
Parasol-brumisateur naturel pour les vaches, frein à l’érosion… Les haies rendent de multiples services, à contrebalancer avec la contrainte de leur entretien et leur sous-valorisation économique.
Parasol-brumisateur naturel pour les vaches, frein à l’érosion… Les haies rendent de multiples services, à contrebalancer avec la contrainte de leur entretien et leur sous-valorisation économique.
Dans la Manche, les commandes de plants ont atteint un record l’année dernière, avec plus de 35 000 plants achetés. « Chez les éleveurs, les principales motivations sont la protection des animaux contre les intempéries et la sécurisation des parcelles proches d’une route, d’une voie ferrée, des champs d’un voisin… », constate Eddy Cléran, conseiller gestion du bocage à la chambre d’agriculture de Normandie. Les avantages agronomiques sont également bien réels.
Un parasol brumisateur pour les vaches
Quand le soleil tape fort, les vaches apprécient les zones d’ombre. « Au-delà de l’effet parasol, une haie augmente le taux d’hygrométrie et donc le bien-être des animaux, souligne Eddy Cléran. Des études ont démontré qu’en protégeant les vaches des intempéries, les haies pouvaient augmenter leur production laitière de 10 à 20 %. »
Des effets favorables sur les rendements
« Toutes les études montrent que la haie a un effet positif sur les rendements des cultures. Lorsque les largeurs des parcelles sont bien calibrées, l’effet négatif au pied de la haie est largement compensé par un effet bénéfique au cœur de la parcelle grâce à son effet climatique », insiste Eddy Cléran. Une haie limite la vitesse de l’air et donc l’évapotranspiration. Une plante qui transpire moins produit plus.
En période de pénurie d’eau, la concurrence entre la haie et les bords de champs peut être diminuée en respectant certaines règles. Sous les haies traditionnelles, les systèmes racinaires se sont développés naturellement. Des arbres tels que le merisier, le frêne et le peuplier ont des systèmes racinaires traçants. Ils prospectent à fleur de sol. "Pour éviter qu’ils concurrencent la culture en place, il faut les inciter à aller chercher de l’eau et des minéraux en profondeur. Le choix d’espèces et un travail du sol adaptés (passage de charrue ou de sous-soleuse à l’implantation) sont cruciaux pour permettre aux racines de descendre en profondeur. »
Un plus pour l’enrichissement du sol
Le bois raméal fragmenté (BRF) issu de la taille des haies est une source d’enrichissement du sol en carbone et minéraux et finalement en matière organique. Il peut être épandu sur le sol, en automne-hiver. « Le BRF "frais" composé de bois encore vivant, riche en sucres, protéines celluloses et lignine, est étalé sur le sol en couche de 2 cm. Il peut aussi être incorporé au sol, mais de façon très superficielle pour rester dans l’horizon aéré (à moins de 10 cm), car les organismes qui le transforment ont besoin d’oxygène. » Des rechargements sont possibles tous les 3-4 ans en étalant le BRF sur 1 cm d’épaisseur. Le BRF peut aussi être incorporé dans du compost. « Il doit être issu de rameaux âgés d’au maximum deux ans car contrairement aux plaquettes utilisées pour le chauffage, on recherche ici du bois peu lignifié et très riche en sels minéraux », explique Eddy Cléran. Attention, l’apport de carbone booste la production de matière organique mais peut aussi conduire lorsqu’on installe cette technique à une surconsommation d’azote et au final une faim d’azote pour la culture à suivre si le sol n’est pas suffisamment pourvu en azote.
Les feuilles tombées, les petites branches, les racines, la faune et la flore associées aux arbres contribuent également à enrichir la teneur du sol en carbone et donc en matière organique.
Un barrage contre l’érosion
L’impact positif des haies pour lutter contre l’érosion est particulièrement visible avec les talus. « Ces derniers représentent des barrages physiques contre lesquels la terre s’accumule rapidement. »
Du stockage de carbone
« Des travaux sont en cours à l’Inra pour quantifier les quantités de carbone piégé à long terme grâce aux haies », souligne Eddy Cléran. Le bilan carbone est positif même en utilisant le bois pour du chauffage à condition d’avoir une gestion durable à long terme de la haie. »
Avis d'éleveur - Fabien Lefranc en Gaec dans la Manche
" Nous avons planté six kilomètres de haies en trois ans »
« Nous avons commencé à planter des haies il y a trois ans parce que mon frère revenait sur l’exploitation pour développer un atelier d’apiculture. Notre seconde motivation était en lien avec notre volonté de développer le pâturage. Nous produisons 800 000 litres de lait bio avec un troupeau de 150 vaches. Sur nos 130 ha, 20 ha sont réservés à la culture du maïs et le reste est en prairies. Dans notre secteur, les haies ont beaucoup souffert suite au remembrement. Nous avons réalisé que tout ce qui était en bordure de route pouvait être planté sans que cela gêne les clôtures. Par ailleurs, nous sommes passés en pâturage tournant dynamique. Les vaches pâturent des paddocks de 2 ha environ. Nous les divisons en deux pour qu’elles changent de repas toutes les 12 heures.
Ainsi, près de la ferme, nous avons 26 ha de prairies organisés en 3 îlots d’environ 8 ha. Nous avons planté une haie autour de chaque îlot et une autre au milieu. Le reste des séparations est réalisé avec des clôtures. Nous avons fait appel à Eddy Cléran de la chambre d’Agriculture pour avoir des conseils sur le choix des espèces à planter en fonction du type de sol, de la priorité de l’effet recherché (brise-vent à proximité de la mer, séparation des paddocks, haie mellifère…) et monter notre dossier de demande de subventions. D’ici trois ans, nous devrions avoir planté 10 km de haies. »