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« Au tarissement, le premier objectif est d’optimiser l’ingestion des vaches  »

Pour Jean-Marc Héliez, vétérinaire-nutritionniste, le niveau de déficit énergétique en début de lactation est plus lié au niveau d’ingestion qu’à celui de la production laitière.

Pourquoi se focaliser sur l’ingestion ?

Jean-Marc Héliez - « La bonne gestion nutritionnelle des vaches au tarissement a pour but de répondre à quatre objectifs. Le premier est d’optimiser l’ingestion de la vache avant et après vêlage parce que nous savons aujourd’hui que le niveau de déficit énergétique en début de lactation est plus lié au niveau d’ingestion qu’à celui de la production laitière. Cela explique pourquoi des vaches faibles productrices peuvent être en déficit énergétique. En favorisant l’ingestion, on optimise le niveau de production et la tenue de l’état corporel.

Mais au-delà de l’ingestion, la conduite de l’alimentation doit aussi permettre de prévenir l’hypocalcémie et de limiter le stress oxydatif qui pénalise l’immunité des animaux. Le quatrième objectif est de préparer la vache à la ration suivante. Il faut au minimum 50 % de fourrage commun avant et après vêlage. L’augmentation du taux d’amidon ne doit pas dépasser 5 % lors de la transition alimentaire. La prévention de l’acidose commence avant vêlage. »

Quels sont les facteurs qui la pénalisent ?

J.-M. H. - « La chute d’ingestion 10-20 jours avant vêlage est normale mais un certain nombre de facteurs peuvent l’accentuer. Et plus l’appétit chute avant le vêlage, moins il sera bon après vêlage. Par exemple, un excès énergétique en début de tarissement pénalisera l’ingestion autour du vêlage, même avec une bonne préparation au vêlage. Cet excès se traduit d’abord par une prise de graisse viscérale avant de se voir sur l’état corporel.

À l’inverse, il faut plutôt reconcentrer la ration en fin de tarissement à un moment ou les besoins augmentent fortement alors que l’ingestion baisse. Il est donc important de respecter un bon équilibre entre énergie, protéine et fibre de la ration tout au long du tarissement et pas seulement pendant la phase de préparation au vêlage. »

Quelles sont vos préconisations ?

J.-M. H. - « Il faut considérer le tarissement dans son ensemble pour plusieurs raisons. Si le début de tarissement n’est pas bon, vous aurez beau avoir une bonne préparation au vêlage, cela aura des répercussions négatives. L’optimum est un tarissement de deux mois avec deux phases. On aura une ration de début de tarissement très fibreuse et faiblement concentrée en énergie. Par exemple, vous pouvez distribuer 4 à 5 kg MS d’ensilage de maïs, 5-6 kg de paille et un correcteur permettant une ration à 11 % de protéines et d’apporter 750 à 800 g de PDI par vache et par jour. Il est également possible de distribuer de l’ensilage d’herbe pendant cette phase du moment qu’on respecte l’équilibre de la ration.

Puis, pendant la phase de préparation vêlage, qui doit durer au moins trois semaines, on va reconcentrer cette ration pour couvrir les besoins de la vache et compenser la baisse d’ingestion. Mais attention, il ne s’agit pas de lâcher les chevaux. Les vaches doivent encore consommer suffisamment de fibres. Cette phase permet d’ajuster les apports en énergie, en protéines, mais aussi en minéraux (magnésium en particulier) et vitamines (E et D notamment) afin de limiter le stress oxydatif et les risques d’hypocalcémie. Sur ce dernier point, le contrôle de la Baca est déterminant. »

Comment limiter le risque d’hypocalcémie ?

J.-M. H. - « On recherchera au maximum une valeur Baca de la ration de 40 mEq/kg MS lors de la préparation au vêlage. Au-dessus, les effets sont trop variables. Avec une ration telle que citée plus haut, on y arrivera sans problème avec 100 à 150 grammes de chlorure de magnésium. Si on veut complètement maitriser le risque d’hypocalcémie, on recherchera une valeur de Baca de la ration très négative, entre -70 à -120 mEq/kg MS. Cette approche a notamment pour effet d’améliorer la production des vaches en début de lactation (+1,5 kg en moyenne, voire plus). L’effet sur les génisses au vêlage est plus controversé. Cette approche nécessite des produits spécifiques, un contrôle des pH urinaires et une augmentation des apports en calcium.

Enfin, quand cela est possible, on préfèrera une ration mélangée avec la fibre coupée très courte (paille broyée ou ensilée…). On étale ainsi l’ingestion de l’ensilage de maïs sur la journée et on améliore nettement la consommation de paille. Tout cela est favorable à l’appétit autour du vêlage. »

Que préconisez-vous avec du pâturage ?

J.-M. H. - « En général, l’herbe est déconseillée pendant la fin de tarissement car « l’excès de potassium » fait monter la Baca de façon importante et en plus réduit l’assimilation du magnésium. En début de tarissement, on évitera le pâturage à volonté d’une herbe de super qualité car c’est trop riche en énergie. On peut cependant nuancer cela. Il est possible de mettre les vaches sur de l’herbe « épiée » en début de tarissement et les rentrer en préparation au vêlage avec une ration qui aura le « même fond de cuve » que la ration en lactation, et ce au minimum trois semaines avant vêlage. Pour des animaux tels que des génisses gestantes qui n’ont pas vu la couleur de l’amidon depuis plusieurs mois et qui recevront une ration à dominante ensilage de maïs après vêlage, on recherchera une préparation au vêlage de cinq semaines pour permettre aux papilles ruminales de se développer suffisamment. On limitera ainsi les risques de décrochage en début de lactation.

Même dans des systèmes à dominante herbe, avec un niveau de production moins exigeant, je préfère une phase de préparation au vêlage spécifique et à moindre risque : par exemple, pâturage « paillasson » avec du foin en libre- service, 2 kg de mélange céréalier (triticale-pois par exemple) et du chlorure de magnésium avec l’eau d’abreuvement. On peut aussi laisser de l’ensilage d’herbe jusqu’au vêlage, notamment si la ration d’après contient une base d’herbe importante. Il faut juste apporter assez de magnésium et de sels anioniques pour baisser la Baca. Faire doser le potassium de l’herbe vaut aussi le coup. Avec une herbe  à +170 mEq/kg MS de Baca ou à +400 mEq/kg MS, le risque n’est pas le même ! »

La conduite en un seul lot, toujours pénalisante ?

« Non. C’est un compromis quand on ne peut pas faire deux phases. Quand c’est bien conduit ça fonctionne », explique Jean-Marc Héliez. Mais dans ce cas, on ne pourra pas être parfait à la fois sur le début de tarissement et la préparation vêlage, ni faire de Baca négative. « On fera une ration intermédiaire entre celle du début de tarissement et celle de préparation au vêlage, et pour réduire le temps d’excès énergétique en début de tarissement on diminuera la période sèche à six semaines. » Mais réduire la durée du tarissement a plutôt un effet négatif sur l’expression du pic de lactation et sur la production colostrale.

 

Lire aussi : "Nous sommes repassés à deux lots de vaches taries"

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