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« La vache laitière a un rôle à jouer dans l’offre de viande »

Près d’une vache sur deux est abattue avec un état de finition insuffisant. Une perte de valeur ajoutée pour les éleveurs et la filière.

Tous les observateurs s’accordent sur ce fait. De plus en plus de vaches laitières de réforme arrivent maigres et insuffisamment conformées à l’abattoir. « Un animal est considéré comme bien fini quand il est classé au minimum P + en conformation et 3 en état d’engraissement, explique Jacky François, directeur des achats vifs chez Elivia, la filiale viande de Terrena qui abat 3 500 vaches de réforme et bœufs laitiers par semaine dans ses différents abattoirs. Il y a 25 - 30 ans, deux tiers des vaches laitières arrivaient finies. Aujourd’hui, nous sommes à 50 % environ à l’abattoir du Lion d’Angers et encore moins sur d’autres sites ». « La tendance à la moindre finition des vaches laitières se poursuit, confirmait l’Idele en 2015. […] Depuis 2007, les carcasses de Holstein se sont allégées de 16 kg, et celles de races mixtes de 6 à 9 kg. » Elle se traduit aussi par une dégradation de la conformation : « 67 % des femelles laitières abattues en 2014 étaient classées P, contre 48 % en 2007 ». Si la note de conformation est liée au type racial, elle est améliorée par la finition des animaux.

Une vache laitière sur trois est abattue maigre

Une étude publiée fin 2016 par FranceAgriMer (FAM) et l’Idele, qui a compilé les données d’abattage (Normabev) et de la BDNI (identification) de l’année 2013, établit un état des lieux de l’engraissement des vaches de réforme laitières en France. Si on s’en tient à la seule note d’engraissement, plus d’une vache sur trois est abattue maigre (note 1 ou 2). Mais ce chiffre grimpe à près d’une sur deux (48 %) en Montbéliarde alors qu’il n’est que de 21 % en Normande. Il est de 35 % pour les Prim’Holstein.

Ces écarts s’expliquent en grande partie par des différences régionales liées aux systèmes de production. Dans l’ouest et les zones de polyculture (élevages du nord et du nord-est), environ deux tiers des vaches arrivent avec la note 3 à l’abattoir, aussi bien en Prim’Holstein qu’en Montbéliarde. Alors que dans les piémonts et montagnes du Massif central et de l’est de la France, une vache sur deux environ est abattue maigre. Les vaches de réforme Prim’Holstein et Montbéliarde présentent des poids de carcasse similaires (309 et 311 kg). Cette similitude s’explique par le taux de finition, plus faible en Montbéliarde.

Un déficit comblé par des importations

L’étude FAM-Idele a chiffré, race par race, le gain de poids carcasse et de conformation entre une vache abattue maigre (classée 1 ou 2) et une carcasse correctement finie (3). La différence est de 70 kg en Prim’Holstein, de 65 kg en Montbéliarde et de 78 kg en Normande. En matière de conformation, la finition permet de gagner une demi-classe en Prim’Holstein et deux tiers de classe pour les deux races mixtes. À l’échelle du pays, si toutes les vaches laitières étaient finies, ce qui est bien évidemment impossible, cela couvrirait 22 % du déficit national de viande. Ce déficit est comblé en grande partie par des importations de viande issue du troupeau laitier européen, presque équivalentes aux disponibilités françaises en vaches laitières. Elles sont essentiellement destinées à la RHD (restauration hors domicile).

« La valorisation des vaches laitières obéit à une logique souvent qualifiée d’industrielle : les avants sont transformés et les arrières sont utilisés en catégoriel (vente de muscles séparément) en GMS et en piécé en RHD, expliquait l’Idele en 2015. Les réformes les plus maigres sont presque intégralement valorisées en haché. La viande de vaches laitières françaises est désormais destinée à la transformation à près de 60 %. La progression de ce ratio s’explique autant par l’évolution de la demande des consommateurs que par la dégradation des conformations des réformes ».

« La viande idéale pour la fabrication de produits élaborés »

Outre la perte de volumes, la non-finition des vaches laitières ne permet pas de valoriser de manière optimale les carcasses. « La vache laitière représente la viande idéale pour la fabrication de produits élaborés et pour la RHD, explique Jacky François. En RHD, il faut pouvoir offrir un produit avec un grammage bien précis, économique et issu d’un animal bien fini de manière à garantir de bonnes qualités gustatives. La grande distribution a besoin aussi, à côté des races allaitantes, d’une viande économique. Avec des vaches très maigres, on valorise très peu de muscles sur les arrières, seulement le filet, voire l’entrecôte. Tout le reste passe en viandes déstructurées. En termes de valeur ajoutée, ça n’a rien à voir par rapport à un animal de 340 kg,  ien fini et sur lequel on est capable de vendre tout l’arrière en compensé (vente groupée des muscles d’une partie de la carcasse, désossés et conditionnés séparément) et de transformer l’avant en steak haché. Les éleveurs auraient intérêt à faire plus attention à la finition de leurs animaux : ils vendraient des carcasses plus lourdes et on aurait un produit plus qualitatif, qui resterait économiquement intéressant pour le marché et aussi pour eux. La vache laitière a son rôle à jouer dans l’offre de viande de bœuf, à condition que le produit soit travaillé et fini. »

Moins de finition en bio

Une enquête réalisée dans onze élevages bio de Bretagne fin 2013 indique que 43 % seulement des vaches sont bien finies (61 % de vaches maigres en Prim’Holstein et 42 % en Normande). La raison principale : le manque de ressources fourragères. La finition, quand elle est réalisée, se fait essentiellement au pâturage.

Ils manquent de fourrages et de place

Pour comprendre les motivations des éleveurs à finir ou pas leurs réformes, FranceAgriMer et l’Idele ont complété l’étude sur les données d’abattage par des enquêtes de terrain (auprès de 57 élevages) en Bretagne et Franche-Comté. En Bretagne, ceux qui ne les engraissent pas justifient ce choix par la contrainte du chargement en azote, une mauvaise valorisation économique, le coût de l’engraissement et le manque de place en bâtiment. En Franche-Comté, avec un système fourrager très herbager, c’est le manque de ressources fourragères qui est mis en avant ainsi que le manque de place et des contraintes liées à l’AOP (chargement et concentré). Pour les éleveurs qui ne finissent qu’une partie des réformes, ce sont aussi les ressources alimentaires et la place en bâtiment, selon les périodes de l’année, qui conditionnent le choix de finir ou pas.

Un plaisir à voir « partir les vaches en état »

Ceux qui engraissent systématiquement les réformes estiment que la finition présente un réel intérêt économique parce qu’elle est réalisée à coût marginal et valorise des fourrages disponibles. L’atelier est bien intégré dans leur système. Et, parfois, ils ont un réel plaisir à « voir partir leurs vaches en état ». Dans les deux régions, certains éleveurs adaptent la conduite alimentaire en fonction des vaches, des fourrages disponibles et de la saison ; d’autres les engraissent systématiquement à l’auge avec de l’ensilage de maïs et souvent avec la ration mélangée des laitières.

Un label Bleu-Blanc-Cœur

Elivia a mis en place une filière de vaches de réforme laitières finies avec de la graine de lin et labellisées Bleu-Blanc-Cœur à destination de la RHF et du home-service (vente de surgelés à domicile). Quelque 400 éleveurs du groupement Ter’Elevage fournissent 4 000 à 5 000 vaches par an. « Il y aurait de la place pour davantage de démarches de qualité en vaches de réforme laitières », assure Jacky François. En vaches laitières bio, la demande est également croissante.

FQRN : la qualité Normande

La Normande est une pionnière des démarches de qualité en viande bovine avec sa filière FQRN (Filière qualité race normande), créée il y a plus de 25 ans. Les animaux sont destinés en majorité aux supermarchés Carrefour, le partenaire historique, qui les commercialise dans sa filière FQC (Filière qualité Carrefour). Les animaux, bœufs et vaches, doivent répondre à un cahier des charges CCP (Certification de conformité produit). Les bœufs, de 28 mois minimum, doivent peser entre 340 et 450 kg carcasse et les vaches, de moins de 9 ans, plus de 320 kg. Ils sont classés 2 ou 3 en état d’engraissement et au minimum O = en conformation.

En 2017, près de 14 000 animaux, apportés par 1 200 éleveurs, ont été certifiés conformes (75 % de vaches de réforme et 25 % de bœufs). Les vaches pesaient en moyenne 385 kg et ont été payées 3,36 €/kg (397 kg et 3,38 €/kg pour les bœufs). Les éleveurs bénéficient d’une plus-value de 10 centimes d’euro par kilo par rapport à la cotation Grand Ouest races mixtes. Les volumes globaux sont stables mais en baisse chez Carrefour. « Le contexte laitier est difficile pour tout le monde, mais les éleveurs de Normandes ont un atout supplémentaire avec le produit viande et, avec l’herbe, une marge de progrès pour baisser les coûts d’alimentation », observe Cécile Hanicotte, animatrice de la filière.

Chiffres clés

930 000 vaches laitières abattues soit 24 % des gros bovins abattus en France.
314 kg de poids carcasse moyen mais 42 % des Holsteins, 40 % des Montbéliardes et 18 % des Normandes sont abattues à moins de 300 kg.
40 % des volumes de viande de bœuf consommée en France sont issus de vaches laitières, produites en France ou importées (tous chiffres de 2014).

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