Hausse de la production laitière
La capacité de reprise surprend les laiteries
La production laitière très soutenue de ce début d’année
devrait se poursuivre ce printemps, mais risque de retomber
fortement cet été, ce que redoutent les laiteries.
collecte soutenue au printemps, suivie d’un
creux d’été marqué. Certaines régions ont
réécrit leur grille interprofessionnelle pour
inciter les éleveurs à lisser leur production.
«Il n’y a pas si longtemps, on disait que la France serait en sous réalisation d’un million de tonnes, bien loin des 636000 tonnes sous réalisées de la dernière campagne. Aujourd’hui, on peut dire qu’on aura un déficit moins prononcé qu’à la dernière campagne. Rien de plus précis, étant donné la rapidité avec laquelle la production évolue », décrit Emmanuel Bert, de l’Office de l’élevage. La collecte française a commencé à dépasser son niveau habituel fin novembre, et depuis, elle ne cesse de s’envoler. La première semaine de février, les volumes collectés étaient de 7,8 % supérieurs par rapport à l’an dernier, avec des différences importantes entre régions.
UNE REPRISE TRÈS IMPORTANTE
Dans le Grand Ouest, on parle de reprise phénoménale. « Pour le premier trimestre 2008, on estime que la production sera en hausse de près de 20 % par rapport à la même période l’an dernier, » indique le contrôle laitier d’Ille-et-Vilaine. « Dans l’Est, la hausse est moins impressionnante sur cette fin de campagne. On relève +2 à +3 % de collecte en Haute-Saône, Haute-Marne et Aube. Mais ces zones avaient moins de retard que l’Ouest », souligne Joe Lancien, d’Entremont Alliance. En effet, sur la période d’avril à octobre 2007, la Bretagne, la Basse-Normandie et les Pays-de-la-Loire affichaient des collectes en retrait par rapport à la campagne précédente. « Sur les quatre semaines de janvier, la hausse de collecte pour Sodiaal est de 9 %, toutes régions confondues. La relance de la production est plus marquée sur l’Ouest, mais aujourd’hui nous observons aussi des remontées fortes dans le Nord, l’Est, Rhône-Alpes, et même en Auvergne. Le Sud-Ouest a par contre trop souffert des arrêts de production », décrit Gérard Gros, directeur du développement coopératif chez Sodiaal.
DES EXCÉDENTS MAL VALORISÉS
La hausse du prix du lait et les prêts de quota ont créé une opportunité très intéressante pour les éleveurs, qui l’ont saisie. Mais la hausse de la production est bien plus forte que ce que prévoyaient les laiteries, et dans l’Ouest, certaines commencent à tirer la sonnette d’alarme. « La reprise de la production est telle que nous arrivons à la limite de la saturation, pour la collecte et la transformation », indique Joe Lancien. La production de produits de grande consommation étant calée par rapport à la demande, ce lait supplémentaire est transformé pour l’essentiel en beurre et poudres. Or, les prix des produits industriels sont beaucoup retombés dernièrement. « On a des excédents très importants qu’on ne valorise pas. Et le prix du lait est très élevé », résume Olivier Dauguet, responsable production chez Isigny Sainte Mère (Basse-Normandie), qui ajoute : « En février ont lieu les négociations avec la grande distribution. Le prix du lait a augmenté de 37 % au premier trimestre, et on craint de ne pas parvenir à répercuter la totalité de la hausse à la grande distribution. Déjà la hausse de l’été dernier a été dure à répercuter ! Étant donné la difficulté à valoriser la production, c’est un problème pour nous de collecter autant de lait à un tel prix. » Les plus grosses entreprises ont davantage de souplesse, avec des sites dans différentes régions voire des filiales étrangères qui transforment une partie du lait des zones en forte progression. Les industriels ont aussi de grosses craintes à propos de la forme que va prendre la courbe de collecte. « La hausse de production ne pose pas de problème majeur à Sodiaal. Nous étions plutôt déficitaires en lait jusque-là, et actuellement nous reconstitutions nos stocks de beurre et de poudres. Ce qui nous inquiète, c’est que si le mouvement continue au printemps, cela crée un sérieux déficit de lait cet été », souligne Gérard Gros.
CRAINTES DE MANQUE DE LAIT D’ÉTÉ
Or, a priori rien ne devrait freiner la motivation des éleveurs. « Le prix du lait sera encore attractif, ils pourront produire à moindre coût grâce à l’herbe », indique Emmanuel Bert, de l’Office de l’élevage. Le creux d’été est redouté aussi en raison des stocks fourragers qui se vident plus vite que d’habitude. « Beaucoup craignent que les stocks ne suffisent pas jusqu’à la prochaine récolte », indique Alain Bourge, du contrôle laitier d’Ille-et-Vilaine. Le contrôle laitier du Nord travaille sur ce thème. « On peut choisir des variétés plus précoces. Trouver un équilibre entre le nombre de vaches à garder et la quantité d’aliment à utiliser pour gérer le stock. Établir des priorités pour la distribution du maïs… » Dans quelques régions, les interprofessions ont trouvé un accord pour réécrire les grilles. « C’est le cas de la Haute- Normandie, de Rhône-Alpes et du Grand Est, » indique Gilles Psalmon, de la FNPL. « La hausse est davantage répercutée sur le dernier semestre, pour inciter les éleveurs à lisser leur production. C’est important dans nos régions où la production de produits de grande consommation est importante et sensible à la saisonnalité », développe Daniel Perrin, représentant des producteurs au sein de l’interprofession Lorraine. Dans les autres régions par contre, le prix d’avril risque d’être supérieur à celui d’août. À moins que les grilles soient réécrites au second trimestre…
Les ventes d’aliment en hausse
Là où le potentiel des vaches n’était pas exprimé, le principal levier actionné pour produire plus est l’enrichissement de l’alimentation. « La productivité par vache a augmenté. Les ventes d’aliment ont progressé de 25 à 30 % », note Joe Lancien, d’Entremont Alliance. D’après le contrôle laitier d’Illeet- Vilaine, l’ajout de concentrés (+10 à 15 %), le maintien de vaches destinées à la réforme et le maintien de génisses et de vaches en lait destinées à être vendues, sont les principaux leviers utilisés par les éleveurs. Dans l’Ouest, dans les exploitations qui faisaient un peu de taurillons, des places ont pu être libérées dans les bâtiments au profit de laitières supplémentaires.
CERTAINS TRAIENT TROIS FOIS PAR JOUR
Dans le Nord, « la production par vache moyenne n’a pas beaucoup évolué, car les niveaux de production étaient déjà bons, et parce que beaucoup de vaches sont en fin de lactation, faisant baisser la moyenne du troupeau. Ce sont donc surtout les vaches que les éleveurs ont décidé de garder qui ont permis d’augmenter la production », indique Guillaume Crepel, du contrôle laitier du Nord. Autre levier très utilisé : l’allongement de la durée de lactation. Beaucoup de ceux qui étaient en monotraite ou treize traites par semaine ont dû passer en quatorze traites. Certains vont jusqu’à traire trois fois par jour ! Pour la prochaine campagne, les contrôles laitiers pensent que la production va démarrer très haut et rester élevée car des vaches prévues pour la réforme ont été inséminées l’automne dernier. Seule ombre au tableau, le risque de manquer de fourrages. Les stocks se vident en effet plus vite que d’habitude.
Dans le Nord : consolider la reprise de la production
Guillaume Crepel, conseiller au contrôle laitier du Nord, explique que les laiteries de la région souhaitent consolider la reprise de la production laitière, car le nombre de cessations laitières reste important. « Nous accompagnons les éleveurs pour produire plus, le levier principal étant d’augmenter le nombre de vêlages, grâce à un meilleur suivi technique. L’objectif est de mieux suivre la reproduction, d’abaisser l’intervalle vêlage vêlage, de remonter la prolificité (nombre de veaux par vaches présentes), de soigner la préparation des génisses, raisonner les réformes. »