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Gérer la grande douve avec discernement

Une réflexion approfondie qui mêle contrôle des zones à risque et protocoles de traitement ciblés sont nécessaires pour maîtriser la grande douve. Les délais de sûreté et d’attente compliquent la lutte.

La première mesure de lutte contre la grande douve consiste à assainir les zones humides ou à empêcher leur accès aux animaux.
© J.-M. Nicol

Les contraintes d’utilisation des douvicides ne permettent plus les traitements systématiques de rentrée, qui étaient souvent la règle autrefois, sans véritable analyse du risque. La gestion de la fasciolose, maladie provoquée par la grande douve, ne doit pas être négligée pour autant, mais elle demande désormais beaucoup de discernement. Évaluer l’infestation donc, identifier les zones de contamination, mettre en œuvre des mesures d’aménagement des parcs et de gestion de la pâture de nature à réduire le risque et, enfin, envisager lorsque nécessaire un protocole de traitement, qui peut s’avérer assez complexe. Une démarche qui nécessite l’aide du vétérinaire.

Des mesures agronomiques de gestion

Lorsque la présence de la grande douve est avérée, la démarche consiste à identifier les zones d’infestation, à savoir celles où prolifère la limnée tronquée, hôte intermédiaire du parasite. Ce gastéropode affectionne le bord des mares, les fossés dont le fond reste humide, les rives de ruisseau où l’eau s’écoule lentement, les sources et rigoles… Bref, toutes les zones avec moins de 10 cm d’eau sans courant. Elle peut coloniser aussi des zones secondaires (pourtour des bacs d’abreuvement, traces de roues…) à la faveur d’une météo humide. « Dans un premier temps, il faut envisager l’assainissement des zones de contamination, quand cela est possible ou autorisé, leur clôture ou leur exclusion des zones de pâturage », recommande Philippe Camuset. Quand cette exclusion s’avère impossible, il faut réserver prioritairement ces zones à risque aux animaux qui en subiront le moins de conséquences et pourront être le plus facilement traités, en tenant compte des délais de sûreté ou d’attente : génisses de 2e pâture, génisses de 1re pâture, vaches taries et en dernière extrémité vaches en lactation. Il est impératif d’éviter les réinfestations annuelles.

Des délais de sûreté et d’attente

Les changements des délais de sûreté et d’attente ont profondément modifié la façon d’aborder les traitements contre la fasciolose. Parmi les molécules disponibles, la plupart ne peuvent pas être administrées aux vaches laitières, même en période de tarissement (voir tableau ci-contre) ni aux génisses dans le dernier tiers de gestation, et seulement par voie orale. Les molécules autorisées pour les vaches laitières sont soumises à des délais d’attente en période de lactation : 4,5 jours pour l’oxyclosanide (9 jours en bio) ; 3 jours pour l’albendazole (moins efficace sur douve). Sur les génisses, des délais de sûreté doivent être respectés par rapport à la date de vêlage. De plus, la majorité des molécules (sauf le triclabendazole) ne sont actives que sur une partie du cycle de développement de la grande douve, ce qui nécessite de renouveler ou différer le traitement. Idéalement, il doit être réalisé peu de temps après le pic d’infestation pour limiter les lésions dans le foie. Mais, quand on conjugue toutes les contraintes, le protocole à mettre en place peut s’avérer très complexe et pas forcément optimal. Il doit tenir compte de la période d’infestation, de l’âge des animaux, de leur date de vêlage, des règles d’utilisation et d’efficacité des produits… Seul, le vétérinaire peut établir cette prescription sur mesure.

Les génisses de première année

Si on ne peut éviter de faire pâturer des zones contaminées aux génisses de première année, dont les besoins de croissances sont élevés, la mise en œuvre d’un traitement s’impose. « Avec des traitements d’été six à huit semaines, selon la molécule, après le début du contact, recommande Philippe Camuset, les lésions du foie rétrocèdent plus vite. Le renouvellement du traitement toutes les 6 à 12 semaines avec des molécules différentes pour limiter les résistances est conseillé. » Jean-Marie Nicol propose un protocole un peu différent (voir schéma ci-contre) : soit à la rentrée avec le triclabendazole qui détruit les douves à presque tous les stades, soit avec d’autres molécules après la rentrée, « en acceptant que l’animal ne soit pas entièrement déparasité ».

Les génisses gestantes

Les génisses gestantes qui se contaminent à l’herbe, en deuxième année de pâture, et mettent bas en été, ne peuvent être traitées qu’avec l’oxyclosanide (actif sur les douves adultes de plus de 10 semaines) au vêlage. Lorsque ces génisses vêlent au cours de l’hiver ou au printemps, elles peuvent être traitées avec l’oxyclosanide ou avec d’autres molécules administrées avant le dernier tiers de gestation. Mais, prévient Jean-Marie Nicol, « il est probable dans tous les cas que ces animaux conservent des douves adultes jusqu’au prochain tarissement, soit parce que le traitement avec l’oxyclosanide aura laissé des immatures en migration soit en raison d’une recontamination après le traitement. »

Les vaches laitières

Pour les vaches laitières, les interventions thérapeutiques se limitent à l’oxyclosanide, avec trois possibilités de traitement : soit pendant le tarissement jusqu’au vêlage, soit lors d’un autre traitement qui génère lui aussi un temps d’attente, soit pendant la lactation en respectant le délai d’attente, si l’état de l’animal ou la baisse de ses performances le justifient. Jean-Marie Nicol rappelle les recommandations qui font consensus : « Traiter le jour du tarissement les vaches taries entre 10 semaines après la rentrée et le milieu de l’été ; le jour du vêlage pour toutes les autres. En cas de forte infestation préalable à un tarissement long, on peut également traiter le jour du tarissement puis au vêlage. » Mais, prévient-il, « dans le meilleur des cas, le traitement laissera des douves en plus grande quantité, sur une durée plus longue et sur davantage d’animaux que lorsque tout le troupeau pouvait être traité en hiver. Voilà une excellente raison pour réduire la charge parasitaire par des moyens zootechniques et pas seulement par des moyens médicamenteux. »

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