Génétique laitière : Bâtir une vraie stratégie de repro en quatre points
Le progrès génétique sur la voie femelle est rarement optimisé, constate Xavier Brémondy de Seenovia. Le conseiller revient sur les fondamentaux et propose un index « maison » personnalisé en fonction des objectifs de chaque élevage.
1- Valoriser la voie femelle
« Les éleveurs concentrent souvent leurs efforts sur la sélection de taureaux et n’exploitent pas, ou peu, le potentiel d’amélioration génétique qu’offre la voie femelle », observe Xavier Brémondy, responsable du marché génétique et reproduction chez Seenovia. N’oublions pas que les mères apportent aussi 50 % des gènes !
« Selon les élevages, 80 à 90 % des femelles sont sélectionnées pour être mises à la repro en majorité avec de la semence conventionnelle. Finalement, celles qui assurent la descendance ne sont pas forcément celles portant les gènes attendus, mais celles qui ont le bon goût de remplir », poursuit l’expert. En d’autres termes, chaque femelle du troupeau, qu’elle soit la meilleure ou la moins bonne, aura la même chance de produire une génisse de renouvellement.
Pour accélérer le progrès génétique de votre troupeau, la logique consisterait plutôt à assurer la descendance des femelles qui correspondent le plus à votre système en recourant au génotypage et au sexage, et à évacuer les autres lignées en réalisant du croisement industriel. Rien de révolutionnaire me direz-vous… « Sauf qu’à l’échelle des Pays de la Loire, seulement 1 % des élevages vont véritablement au bout de la démarche, regrette-t-il. Beaucoup d’éleveurs recourent à ces outils mais de façon très partielle, ce qui limite grandement leur intérêt et bride le progrès génétique. »
« Par exemple, inséminer 100 % des génisses en sexé et les vaches en conventionnel, n’est pas une mauvaise stratégie en soi, mais elle présente deux limites, expose Xavier Brémondy. D’une part, cela réduit les chances d’exploiter le potentiel de certaines vaches, qui peuvent se révéler meilleures que certaines génisses. D’autre part, cela revient à ne pas trier les génisses en considérant qu’elles « méritent » toutes de donner naissance à une femelle. Dans ce cas, à quoi bon les génotyper ? »
Par ailleurs, en décortiquant les résultats repro de plus de 4 400 élevages des Pays de la Loire, Seenovia a mis en évidence que les stratégies repro des élevages ayant investi dans le génotypage ne se révèlent pas très différentes de ceux n’y recourant pas. La part de semence sexée utilisée en IA1 se limite à 16 % pour les premiers contre 9 % pour les autres, et la part de semences croisées (20 %) est similaire.
2- Calculer votre besoin de renouvellement
Beaucoup d’éleveurs rechignent à modifier leurs habitudes en termes de stratégie de reproduction craignant de manquer de génisses s’ils augmentent la part de croisement industriel. « Rien n’empêche d’atteindre le nombre de génisses souhaité en inséminant les meilleures femelles en sexée et le reste du troupeau en croisée. »
Ce qui compte en premier lieu, c’est de calculer votre juste besoin de renouvellement, directement dépendant des objectifs de l’exploitation à trois ans. En effet, une génisse que l’on décide de faire naître n’arrivera au mieux dans le troupeau que dans trois ans. C’est donc le nombre de vaches nécessaires dans trois ans qui détermine le nombre de génisses à faire naître aujourd’hui.
3- Tenir compte de la baisse de fertilité en sexé
L’autre frein souvent évoqué concerne la baisse du taux de réussite à l’insémination avec des semences sexées par rapport aux semences conventionnelles. Celle-ci se chiffre à 11 % pour les génisses et 8,4 % pour les vaches, d’après le bilan dressé par l’Institut de l’élevage en 2022. « Il convient d’en tenir compte lorsque l’on simule sa stratégie repro, pour s’assurer d’inséminer le bon nombre de femelles en IA1, 2 et 3 », souligne le conseiller en regrettant que « la plupart des doses sexées soit posée seulement sur la première insémination alors que le taux de réussite en IA2 n’est pas moins bon ».
4- Recourir à un index personnalisé à votre élevage
L’objectif est de sélectionner les femelles dont vous souhaitez garder la descendance. Encore faut-il définir les critères sur lesquels vous baser. « Malgré sa pertinence, l’ISU (index synthétique unique) s’avère limitant car il ne permet pas à l’éleveur de construire « sa » vache idéale, celle qui sera la plus adaptée à son système, lui permettant d’atteindre ses propres objectifs », estime Xavier Brémondy.
À cet effet, Seenovia a créé un index de synthèse appelé Istra (Index stratégique), pour permettre à chaque élevage de bénéficier d’un index qui lui est propre, en tenant compte de ses priorités en matière d’orientation génétique. « L’Istra peut rassembler jusqu’à six critères correspondant à des index élémentaires ou de synthèse, qui se voient pondérés d’un coefficient en fonction du poids que l’on souhaite leur attribuer dans la formule. » Par exemple, pour un élevage en traite robotisée avec une stalle saturée, l’Istra pourra se composer de 50 % d’ISU, auquel s’ajouteront d’autres critères pertinents pour ce type de système tels que la quantité de lait, la vitesse de traite, les membres, et l’orientation des trayons. Dans les systèmes herbagers très pâturants, l’Istra se rapprochera plutôt d’un mix qui panachera l’Inel (index économique laitier), la morphologie (plus petites vaches), la locomotion, les taux et la longévité.
Chaque femelle de l’élevage se voit ainsi attribuer une valeur d’index Istra, qui permet de les classer les unes par rapport aux autres. Les meilleures étant retenues pour être inséminées en sexée, leur nombre dépendant du besoin en génisses de renouvellement préalablement défini. « Parallèlement au classement Istra, il est évidemment primordial de garder un œil sur le reste des index de chaque femelle pour repérer un éventuel point faible, souligne l’expert. Si ce défaut se révèle problématique, l’éleveur a deux solutions. Soit il le considère comme rédhibitoire et il n’insémine pas cette femelle en sexée, soit il l’accouple en choisissant un taureau améliorateur sur le caractère. »
Comprendre le progrès génétique
« La formule scientifique pour faire progresser une population, que ce soit une espèce, une race ou un troupeau, que ce soit naturellement ou par l’intervention humaine, est bien connue. Même si elle semble un peu barbare, elle est importante à comprendre car tout en découle », expose Xavier Brémondy, de Seenovia. Il s’agit de l’intensité de sélection X la précision de sélection X la variabilité génétique, le tout divisé par l’intervalle de génération. D’où l’intérêt de ne garder que les meilleures femelles du troupeau (pression de sélection) sélectionnées sur des index fiables (grâce au génotypage) en s’assurant d’une bonne variabilité génétique, et à réduire l’âge au premier vêlage pour un progrès plus rapide.
Le saviez-vous ?
La formule du progrès génétique prend en compte la précision de sélection. Si la sélection se fait sur des index peu fiables, l’efficacité se montre moindre. « C’est pourquoi le génotypage des femelles, en faisant passer la fiabilité des index de 30 % (index sur ascendance) à 70 % (en moyenne) est une condition sine qua non à la démarche. »