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« En litière malaxée, la clé est un couchage sec pour les vaches »

L'EARL Dijs dans le Calvados et le Gaec de Goirbal dans le Morbihan ont opté pour des plaquettes de bois, avec un objectif de 15 m2 de couchage par vache laitière.

Les systèmes avec litière malaxée compostée réclament des bâtiments très ouverts.  © C. Pruilh
Les systèmes avec litière malaxée compostée réclament des bâtiments très ouverts.
© C. Pruilh

L'EARL Dijs (120 vaches traites) dans le Calvados et le Gaec de Goirbal (90 vaches traites) ont de nombreux points communs. Ils ont opté pour une stabulation vache laitière ouverte sur les deux longs-pans, plutôt large, et une litière compostée malaxée. Ils ont mis en place une surface par vache conséquente, d'environ 15 m2. Et ils ont choisi le bois comme matériau de litière.

Pas de blessures et des vaches très propres

Leur première motivation est le confort et la santé des vaches, qui sont à plus de 11 000 litres par vache par an. Ils ont connu les logettes, même en sable, et ils voient la différence. « Il y a beaucoup moins de Mortellaro. Les vaches ne se blessent pas. On observe mieux les chaleurs. Et par rapport à une aire paillée, les vaches sont plus propres. En qualité du lait, nous sommes en super A toute l'année, avec juste quelques accidents rattrapés. Beaucoup de Jersiaises et même quelques Holstein en sont à leur cinquième veau », citent Friso et Joshua Dijs, deux des trois associés de l'EARL Dijs. Au Gaec de Goirbal, « nous n'avons plus de Mortellaro. Nous sommes en moyenne à 180 000 cellules, très peu de germes, jamais pénalisés en butyriques, très peu de mammites, moins de 5 euros pour 1 000 litres de frais vétérinaires », listent Susanne et Roland Villiger, les deux associés du Gaec.

Temps et pénibilité du travail réduit

La deuxième motivation des éleveurs est leur propre confort. Ce système demande très peu de curage et d'ajout de litière. Le malaxage - passage d'une herse au tracteur - prend environ dix minutes. Les éleveurs estiment aussi que ce compost a un intérêt agronomique. Et ils soulignent la souplesse d’épandage sur prairie, avec une durée d'interdiction d'un mois en Bretagne et en Normandie, des distances par rapport au cours d'eau et aux habitations moindres par rapport à du lisier. Le compost est stockable au champ si besoin. Et il est inodore.

L'aération est la clé d'un compostage réussi

Une litière malaxée est un compost. La première phase du compostage est une décomposition rapide des matières organiques (litière et effluent) avec une température qui monte, puis la seconde phase est une transformation lente à température basse. Sous les vaches, il faut que le compostage se fasse, en évitant la surchauffe. Il ne faut pas que la litière fermente en anaérobie. La clé réside dans la bonne aération de la litière. « L'ennemi des litières malaxées est l'humidité. Elle gène l'activité microbiologique de compostage qui a besoin d'oxygène (processus aérobie) », rappelle Roland Villiger. Quand il fait très humide, il faut malaxer davantage pour aérer la litière, voire ventiler la stabulation, pour éviter une dégradation rapide de la santé de la mamelle et de la qualité du lait. « La gestion de la litière (curage, malaxage, apport de litière) s'ajuste en fonction des conditions météo et de la densité animale ; à l'œil, en fonction de l'état de la litière (humidité, structure) et de la propreté des animaux », insiste Roland Villiger. Attention toutefois aux températures trop froides qui altèrent le processus de compostage.

15 m2 par vache pour un minimum d'entretien

Les deux éleveurs visités ont opté pour 15 m2 par vache. L'inconvénient est le coût d'investissement de départ. L'avantage est que l'on entretient à minima la litière compostée. Avec 9 m2 par vache, on gagne en coût d'investissement, mais il faut curer plus souvent, et ajouter plus et plus souvent de la litière fraîche. Avec à chaque fois, un redémarrage de la première phase de compostage qui fait monter la température au-delà de 60 °C. « C’est peut-être une fausse économie », estime Roland Villiger. Et augmenter la densité nécessite des adaptations du système comme l'ajout de ventilateurs ou d'un chien de propreté pour faire sortir les vaches de la litière.

Dans tous les cas, les conseillers bâtiment contactés insistent sur une seule règle d'or : garder un couchage aéré et sec grâce à des bâtiments ouverts et bien ventilés sans entrée de pluie sur le couchage. Et ne pas lésiner sur le malaxage : au moins un passage de herse par jour, voire deux par temps humide.

Pour un couchage sec, il faut veiller au drainage du sol sur lequel repose la litière. Des conseillers suggèrent l'ajout de sable (20 cm) en fond de litière si besoin. Et une épaisseur de litière comprise entre 50 et 70 cm. À l'EARL Dijs, la litière bois est d'une bonne épaisseur (70 cm quand la litière est fraîche, 35 cm quand elle est compostée) et explique en partie qu'elle reste très sèche.

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À retenir - Les points clés

Un bâtiment ouvert

Une litière bien aérée sur sol drainant

Une surface et une épaisseur de litière adaptées à la densité animale

Un malaxage quotidien, voire deux passages de herse en hiver

Éviter les poteaux, pour herser facilement

Maîtriser son approvisionnement en matériau

Des bâtiments pas forcément plus coûteux

Les bâtiments avec litière malaxée peuvent s'avérer autant, voire moins coûteux que des bâtiments avec logette, quand on compte l'investissement et les frais de fonctionnement.

À l'EARL Dijs, l'investissement (bâtiment de 2016) a été d'environ 4 300 €/VL, avec fosse, sans bloc traite, ni terrassement, voirie. « Chaque année, nous avons besoin d'environ 1000 m3 de bois (dont un stock de sécurité), soit environ 325 tonnes, pour environ 13 000 euros. » Ce coût comprend la prestation de coupe et de broyage, le bois venant de l'exploitation et de communes voisines.

Au Gaec de Goirbal, l'investissement (bâtiment de 2018) est d'environ 4 000 €/VL, sans la fosse, ni la partie traite, ni le terrassement-voirie. « Nous dépensons entre 12 000 et 15 000 euros par an pour environ 1 000 m3 de bois et de fine. » Le bois est issu des bois du Gaec et des communes voisines. Pour la fine, les prix varient beaucoup en fonction de l’offre et de la demande, mais « en général, on en trouve entre 20 et 25 €/m3 ».

Joshua et Friso Dijs, deux des trois associés de l'EARL Dijs, à Livry, dans le Calvados

« Nous n'avons pas curé les trois premières années »

Les vaches sont très propres. « On pourrait descendre à 13 m2/vache pour les Jersiaises », estiment Friso et Joshua Dijs.  © C. Pruilh

La litière malaxée fait 2 356 m2 et accueille 120 vaches traites, deux tiers jersaises (6 800 l/VL) et un tiers holstein (11 000 l/VL). La surface est prévue pour 160 vaches, soit 15 m2 par vache. « On pourrait descendre à 13 m2 par Jersiaise. » Les vaches traites sortent pâturer à la belle saison, la nuit principalement.

C'est après quelques essais que l’EARL a opté pour 15 m2. Et que la taille des plaquettes de bois a été définie. « Elles font 30 à 50 mm de longueur. Plus gros, c'est moins cher mais moins bien pour le confort des animaux. Les plaquettes sont issues de l'entretien de nos haies et bois et de ceux de voisins (par ETA). »

Au démarrage en 2016, la litière a été ensemencée avec des microorganismes (6 000 € de Bacteriolit Sobac) pour favoriser le compostage du bois et stabiliser plus vite la litière, avec une période d'échauffement raccourcie et beaucoup moins d'émanation d'ammoniac. « Le couchage est rempli de bonnes bactéries, limitant ainsi la place aux mauvaises bactéries », ajoutent les éleveurs.

Les trois premières années, il n'y a pas eu besoin de curer. « Puis, chaque année, on cure 25 % du couchage. On étale le compost non curé sur la surface curée, puis on épand du bois frais dessus, et on mélange le tout. Cela permet de réensemencer la litière fraîche, et comme l'ancienne litière est fine et souple, cela améliore le confort de la nouvelle litière. »

La litière fraîche est mélangée à l'ancienne, compostée.  © C. Pruilh

 

La litière est malaxée une fois par jour en été, deux fois par jour en hiver. « Nous avons toujours un stock de sécurité pour pouvoir ajouter du bois quand l'hiver est très humide. »

« Notre compost est très sec (70 % MS), de pH 9, rapport C/N de 15, matière organique sur MS de 43,9 %... (analyse de septembre 2019) On épand environ 10 t/ha sur prairie ou maïs. »

« L'hiver dernier, nous avons apporté cinq fois du bois »

Le Gaec de Goirbal, à Gueltas, dans le Morbihan, valorise du bois plaquette issu de son exploitation et des communes voisines, et un peu de fine de bois.

 
Susanne et Roland Villiger, les deux associés du Gaec de Goirbal, dans le Morbihan.  © C. Pruilh

 

Au Gaec de Goirbal, le toit du bâtiment est en bâche multicouches, avec des filets brise-vent côté nord et des rideaux côté ouest. Très lumineux et bien ventilé, il reste frais l'été. L'aire de couchage principale (1 500 m2) est faite pour 100 vaches, soit 15 m2/VL. La litière en copeaux de bois fait 35 cm d'épaisseur. L'aire des fraîches vêlées et celle des taries et des génisses, sont aussi en litière malaxée avec 15 m2 par animal. Les animaux ne sortent pas au pâturage. Aujourd'hui, il y a 90 vaches traites (12 000 l/VL/an) sur l'aire principale. « Quand le bâtiment sera saturé, il faudra mettre quelques ventilateurs pour passer des hivers humides », indiquent Susanne et Roland Villiger, les deux associés.

 
L'aire de couchage principale (1500 m2) est faite pour 100 vaches. La litière en copeaux de bois fait 35 cm d'épaisseur. © C. Pruilh

 

La litière des taries n'a pas encore été curée

Le curage de l'aire principale a lieu une fois par an et une ETA épand dans la foulée. « Au niveau des taries, nous n'avons encore jamais curé, et il n'y a pas eu d'apport de bois. Les bouses sont plus sèches, comme pour des vaches allaitantes. À la fin de cet été, on enlèvera la partie supérieure de la litière et on verra s'il faut remettre des copeaux. » Le Gaec malaxe chaque jour la litière des vaches traites, et tous les deux jours la litière des taries. En hiver, du bois est apporté. « En général, c'est quatre apports, mais l'hiver dernier, très humide, nous avons fait cinq apports de bois. Les vaches étaient un peu plus sales que d'habitude, mais nous n'avons pas eu de problème sanitaire. »

 

 
Le Gaec apporte un mélange de bois déchiqueté, séché et criblé, et de fine de bois (sous-produit de filières bois déchiqueté). © C. Pruilh

 

Le Gaec apporte un mélange de bois déchiqueté, séché et criblé, et de fine de bois (sous-produit de filières bois déchiqueté). « La fine, c’est surtout du résineux. Ce n’est pas embêtant pour le sol, car elle est mélangée à d’autres bois non résineux et aux effluents. La fine composte plus vite ; on n’a pas ensemencé la litière au démarrage et ça s’est bien passé. » Les morceaux de bois (50 mm de long) viennent du bois du Gaec pour environ 15 % des besoins, et de l’entretien de bois et de haies des communes proches (par ETA). « Le point de vigilance est de ne pas traiter trop de petites branches : ce n'est pas assez rentable et ça fait de trop petits bouts. Le bois humide, ce n’est pas gênant car il sèche très vite en petits morceaux. »

 

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