Désherbage du maïs : « Nous adaptons notre itinéraire tous les ans »
Au Gaec Fontelaire, en Ille-et-Vilaine, Pascal Ernoul adapte tous les ans sa stratégie pour désherber mécaniquement ses 34 hectares de maïs en fonction de la météo, du précédent et des caractéristiques des parcelles. Sans s’interdire le recours au traitement chimique dans certaines situations.
Pascal Ernoul a commencé à tester le désherbage mécanique il y a cinq ans par curiosité et pour limiter les risques de résistances des adventices aux herbicides. Avec 87 hectares de SAU, et un système où le maïs occupe une place prépondérante dans la ration annuelle des vaches (34 à 35 ha selon les années), il a opté pour des rotations courtes et donc favorables au salissement des parcelles : maïs-blé ou maïs-maïs-blé. Motivé donc, mais pas au point toutefois d’envisager du désherbage mécanique sur toutes ses parcelles de maïs. « Je préfère avoir recours au désherbage chimique quand les parcelles ont trop de cailloux, de mottes ou de résidus de couverts végétaux », explique-t-il.
Cette année, le désherbage 100 % mécanique a concerné 9 hectares. Du désherbage mixte (désherbage chimique complété par un binage) a été pratiqué sur 8,50 hectares. Un choix plus motivé pour son intérêt agronomique que pour réduire l’IFT. Les 16,50 hectares restants ont été traités 100 % chimiquement.
Un retour en arrière s’impose pour comprendre la stratégie de Pascal Ernoul. « J’ai commencé par tester la roto-étrille sur cinq à six hectares pendant trois ans. Mais c’est un outil complexe à régler. Il nécessite d’avoir un bon chauffeur. Et la plage d’intervention est plus réduite que celle de la houe rotative parce qu’elle ne peut pas passer à certains stades du maïs, au risque de l’abîmer. »
Aussi, il a commencé à utiliser une houe rotative pour un désherbage mécanique en plein sur 4 à 5 hectares, il y a deux ans. D’autant que sa Cuma s’était équipée. « Un des gros avantages de cet outil est son débit de chantier », apprécie l’éleveur.
Regarder devant et rouler à 16-18 km/h
La principale recommandation d’utilisation se résume en quelques mots : regarder devant et rouler vite, de 16 à 18 km/h. « Les agriculteurs ont parfois peur de faire de la casse au niveau du maïs en roulant vite. Mais si vous réduisez la vitesse, le désherbage est inefficace et vous êtes déçu par le résultat, prévient David Roy, d’Agrobio 35. En revanche, vous pouvez faire de la casse quand il y a trop de mottes. D’où l’importance d’avoir un sol bien rappuyé et nivelé et sans résidus de culture. Et de semer à 5 cm de profondeur, la houe intervenant à 2 ou 3 cm de profondeur. » Autres avantages de la houe : son réglage est relativement simple. Elle permet d’intervenir tôt et sur une grande plage de temps d’intervention.
Deux passages de houe et un binage
Cette année, une parcelle de 4,5 hectares a été désherbée avec deux passages de houe rotative complétés par un binage. Pascal Ernoul a demandé conseil à Agrobio35 trois jours après le semis avant de choisir l’itinéraire.
Les deux passages de houe ont été réalisés 6 et 10 jours après le semis. L’éleveur ne pratiquant plus le labour depuis une dizaine d’années, il doit intervenir plus tôt que s’il labourait ses terres, 8 à 12 jours après le semis, car les parcelles se réchauffent plus vite. Dans tous les cas, il faut intervenir très tôt, à savoir quand les adventices sont au stade filament-cotylédon. « C’est primordial. Au-delà de ce stade, le passage de houe n’est plus efficace. Quand les conditions météo sont favorables, le filament sèche en deux heures. Deux à trois jours de beau temps suffisent pour sécher les adventices si elles sont plus avancées », précise Cécile Richard, d’Agrobio 35.
L’absence de pluie entre les deux passages de houe rotative est également un facteur de réussite. Les deux passages de houe rotative ayant donné satisfaction, ils ont été complétés avec un passage de bineuse trois semaines plus tard, lorsque le maïs avait atteint le stade 6 à 7 feuilles. « J’ai économisé un passage de pulvérisateur », apprécie le producteur.
Des rendements en maïs équivalents
Un second itinéraire de désherbage 100 % mécanique a été réalisé sur une parcelle de 4,50 hectares. Cette fois, il a consisté en un binage couplé à un semis de RGI au stade 8 feuilles du maïs. Le semis de RGI sous couvert de maïs est réservé aux parcelles à bon potentiel de rendement. « Au départ, je pensais faire du désherbage mixte sur cette parcelle en commençant par un désherbage chimique parce que le semis de maïs n’était pas assez profond, puis faire un binage. Finalement, je n’ai pas eu besoin de faire le traitement chimique. La parcelle était assez propre et cela aurait pu perturber la germination du ray-grass d’Italie. »
Quel que soit l’itinéraire technique choisi, les rendements ont été équivalents, selon Pascal Ernoul. Cette année, ils ont atteint en moyenne 20 tMS/ha. « C’était déjà le cas l’année dernière, mais avec des rendements limités à 10,5 tMS/ha à cause de la sécheresse. »
L’éleveur va poursuivre dans cette voie même s’il ne bénéficie plus de l’aide financière versée par le syndicat du bassin versant du moyen Couesnon. « Le bassin accompagne financièrement les agriculteurs qui veulent se lancer dans le désherbage mécanique pendant deux à trois ans. Il prend en charge le coût du désherbage mécanique à hauteur de trois passages d’outil sur cinq hectares mais aussi les conseils dispensés par différents organismes agricoles (Agrobio35, chambre d’agriculture…). Des aides à l’investissement sont également proposées », souligne Cécile Richard.
Le saviez-vous ?
La présence de pierres dans une parcelle n’est pas rédhibitoire. David Roy, d’Agrobio 35, conseille toutefois d’utiliser des houes rotatives équipées de vérins. Selon lui, les modèles avec système de balancier ne fonctionnent pas quand il y a des pierres.
Avis d’expert : Cécile Richard, Agrobio35
« La houe rotative permet d’intervenir tôt »
« Nous proposons un itinéraire de désherbage mécanique en fonction du contexte pour ne pas impacter le rendement de plus de 5 %. Le choix de l’itinéraire dépend de plusieurs facteurs : les conditions météo, le type de sol, la présence ou non de pierres, la disponibilité des outils… Nous recommandons toujours de commencer par du désherbage mécanique, quitte à décrocher en chimique, parce que c’est la meilleure façon de réduire les quantités de désherbants utilisées et de répondre aux enjeux autour de la qualité de l’eau. Nous avons testé la houe rotative auprès de 900 agriculteurs depuis 2005. Pour les agriculteurs qui veulent se lancer dans le désherbage mécanique, nous préconisons de commencer si possible avec une houe rotative car c’est un outil facile à régler et polyvalent. Elle permet d’intervenir tôt, dès le stade filament-cotylédon de l’adventice (prélevée du maïs). Mais il est possible de la passer sur le maïs du semis au stade 4-5 feuilles. La houe peut passer au stade pointant, contrairement à la herse étrille et roto-étrille. Le débit de chantier est élevé. Le coût de prestation à l’hectare reste comparable à celui d’un passage avec un pulvérisateur (30 à 40 €/ha). »Un semis tardif à 5 cm de profondeur
Cette année, le maïs a été semé le 20 mai à 4,5-5 cm de profondeur (105 000 grains/ha). Le semis « tardif » fait partie de la stratégie pour optimiser les résultats du désherbage mécanique. « Son efficacité est plus aléatoire quand vous semez en avril car la destruction des adventices nécessite des conditions météo séchantes (température, vent) », explique Pascal Ernoul. Autre avantage d’un semis tardif, « la levée des adventices est plus homogène ».
La houe rotative
Les plus
• Débit de chantier (16 à 18 km/h)
• Intervention précoce
• Simplicité de réglage
• Économie de phytos
• Écroûtage du sol
Les moins
• Besoin de puissance : 20 à 25 ch/m linéaire soit 120 ch pour 6 m de large
• Les voies du tracteur doivent être adaptées pour rouler dans l’interrang
Coût
30 à 40 €/ha
Prix de l’équipement
14 000 à 36 000 € hors subventions